Les Maraudeurs et le Retour du Némésis (tome 5)

Chapitre 124 - SEVERUS ROGUE

Il fallut que Severus n'aperçoive Lily qu'une seule fois et de loin pour qu'une humeur massacrante s'empare de nouveau de lui. La voir dans cette jolie robe rose avec ses cheveux détachés qui ruisselaient comme une cascade sur ses épaules lui avait donné des milliers de petits coups de poignard dans le cœur et lui rappelait qu'il avait perdu à jamais l'amitié précieuse qu'il entretenait avec cette fille. Et l'ambiance joviale de la Foire du Némésis ne pouvait rien faire pour le mettre d'une humeur plus positive, bien au contraire. Il détestait, de toute manière, la foule et ces divertissements débiles que seuls les abrutis pouvaient apprécier.

Les mains dans les poches de son jean délavé et beaucoup trop petit pour lui – il détestait cela mais on voyait clairement ses chevilles maigrichonnes dépasser de son pantalon – il suivait le dos voûté Avery et Mulciber dans les allées bondées de la foire. Le soleil commençait doucement à descendre vers les collines boisées et malmenées par la sécheresse et une odeur de soirée d'été emplissait l'air, avec son lot de fragrances venant des barbes à papa, des grillades et autres mixtures qui bouillonnaient dans les chaudrons devant certains stands et certaines tentes.

Devant l'une de ces tentes, d'ailleurs, Severus vit un homme avec une petite barbe blanche qui tenait un bâton autour duquel tournaient plusieurs lucioles ; il semblait faire un spectacle pour les plus petits qui s'étaient assis sur l'herbe et le regardaient avec un air stupidement impressionné sur le visage.

- Mais c'est pas vrai ! Où est cette sale Cracmol ? s'irrita Avery.

Apparemment, il avait toujours en tête son projet de se venger des articles du Chicaneur sur la fille Lovegood.

- Allez, arrête avec ça, bougonna Mulciber, tiens, regarde ! Il y a un stand qui vend des balais volants. Il faudrait que je m'en achète un autre si je veux rester au top dans l'équipe de Quidditch, l'année prochaine.

- Oh, la ferme, soupira Avery.

Ils étaient arrivés jusqu'au bord du lac. A cet endroit où, une semaine plus tôt, Potter et Black avaient lâchement attaqué Severus et l'avaient poussé à commettre l'irréparable avec Lily. Il serra les poings à ce souvenir.

Il remarqua avec étonnement que plusieurs sirènes avaient sorti la tête du parc et discutaient avec les passants. Apparemment, l'arrivée prochaine du Némésis les concernait elles-aussi.

- Mais où est-ce que cette idiote se trouve ? fulmina alors Avery. C'est impossible ! On a fait tout le tour de la foire sans la trouver.

Severus soupira.

- Qu'est-ce que tu comptes lui faire, de toute façon ? dit-il d'un ton blasé. Rien de ce que tu pourrais lui faire subir ne changera quoique ce soit à ce qui a déjà été écrit dans ce journal idiot. Alors pourquoi la chercher ?

- Pourquoi ? répéta Avery. Pour l'honneur. Pour la vengeance. Ce sont les grands préceptes qui guident la vie d'un bon Mangemort, Rogue. Pourquoi crois-tu qu'ils soient si craints ? Tu crois que si on leur cause du tort, ils se contentent de dire : « Bah, qu'est-ce que je peux y faire, de toute façon ? ». Non ! Bien sûr que non. Ils se battent et ils se vengent de ceux qui osent leur tenir tête. C'est dans cet état d'esprit que tu dois être si tu veux être un bon Mangemort, mon pote.

Severus haussa les épaules.

- Je n'ai jamais dit que je voulais être un Mangemort, grogna-t-il.

Comme il s'y attendait, cela attira le regard choqué de Mulciber.

- Quoi ? Tu ne veux pas devenir un Mangemort ? Mais pourquoi ?

- Tu es quelqu'un d'intelligent, Rogue, y'a pas de doute là-dessus, dit Avery d'un ton plus calme tout en cherchant Lovegood des yeux autour du lac, toi aussi, tu dois te rendre compte que notre monde est gangréné de l'intérieur. Regarde ce château. Tu crois vraiment que Salazar Serpentard serait fier de ce qu'il est devenu aujourd'hui ? Un château composé d'un quart de Sang-de-Bourbe dans ses étudiants ? Des voyous comme les Maraudeurs adulés par tour le monde et qui profitent de la faiblesse des professeurs ? Et Dumbledore en directeur ? Ok, je sais que tu admires ce type, Rogue. Dumbledore était très probablement un grand sorcier en son temps, mais aujourd'hui, ce n'est qu'un vieillard sénile qui ne voit pas plus loin que le bout de son nez et qui se plie face à la débilité du monde moderne qui n'a qu'un mot à la bouche : la paix et la tolérance. Seulement voilà : la paix rend tous les sorciers plus faibles et la tolérance est une porte ouverte à tout et n'importe quoi. C'est pour ça que les Mangemorts ne feront qu'une bouchée de tous ces crétins. Ils sont surentraînés, rigoureux et sérieux. Tu crois vraiment que cette bande de clowns ignares tiendra deux secondes contre eux ?

Avery prêchait un converti. Toutes ces réflexions, Severus se les était déjà faites dans sa tête à de nombreuses reprises. Mais les entendre de la voix d'un autre lui donnait du baume au cœur.

- Oui, dit-il d'un ton tout de même incertain, tu as probablement raison.

- Evidemment, que j'ai raison. Tu devrais commencer sérieusement à y réfléchir, mon vieux. Parce que pour Mulci et moi, c'est déjà tout vu : on fera tout ce qu'on peut pour devenir des Mangemorts. Quand le nouvel ordre magique se pointera, mieux vaudrait être du bon côté.

Severus hocha la tête. Il s'imaginait déjà dans un monde où son savoir et son ingéniosité étaient respectés et non moqués, comme les Maraudeurs le faisaient souvent. La vision d'un tel monde lui fit oublier durant un petit moment Lily et il prit un peu de couleur.

- Très bien, dit-il, alors écoute, Avery : si tu veux te venger sur Lovegood, il va te falloir un endroit pour le faire. Tu ne peux pas l'attaquer comme ça, devant tous ces gens. Il va te falloir une cachette loin des regards.

Le garçon hocha la tête.

- Oui... Tu as raison. Mais où trouver un tel endroit ?

- Un jour, Nausicaa m'a parlé d'un lieu, enchaîna Severus, une petite cabane. Emilia – vous vous rappelez de cette surveillante, celle qui était en fait une Wandcaster – avait enfermé la fille Potter dans cette cabane, ce soir-là. Elle est assez loin du château.

- D'accord, mais elle est où, ta cabane ? demanda Mulciber.

- De l'autre côté du lac, expliqua Severus, plus loin dans la lande. Elle sera facile à trouver. Elle est proche de la Forêt interdite, il nous suffira de longer la lisière et on tombera fatalement dessus.

- C'est une bonne idée, approuva Avery, mais avant, il faudrait mettre la main sur Lovegood et réussir à l'embarquer sans se faire remarquer.

Severus eut un sourire.

- Apparemment, la chance te sourit. Elle est juste derrière toi. Elle marche à côté du lac avec cette cruche de Jorkins.