Chapitre 53 - SIRIUS BLACK

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Le regard translucide de la vieille femme se tourna sur Sirius et un sourire dévoilant ses dents restantes s'étira sur sa vieille face ridée.

- Oui, dit-elle d'un air pensif, je reconnais les quatre louveteaux qui m'ont suivi dans la forêt il y a quelques années. Vous avez grandi depuis, vous serez bientôt des hommes, mais j'arrive à vous reconnaître.

Son regard passait de Sirius pour circuler ensuite sur James, Remus et Peter. Puis, elle toisa Nausicaa.

- Toi aussi, jeune fille, je t'ai vue, cette année-là, ajouta-t-elle, vous m'espionniez, tous les cinq. Je vous voyais. Vous n'étiez pas une menace, bien sûr. La seule vraie menace reste celle qu'on ne voit pas venir. Et ce sorcier qui a incendié ma maison et volé l'artefact, on ne peut pas dire que je l'avais vu venir.

- Mallory, souffla Sirius, il vous avait volé le Berceau de citronnier pour pouvoir ouvrir le Bassin des Rêves. Mais... Qui êtes-vous ?

- Tu viens de le dire, mon garçon. J'étais la gardienne du Berceau du citronnier.

- Ce que mon ami essaye de vous demander, intervint Remus, c'est comment se retrouve-t-on à résider dans la Forêt interdite à surveiller un artefact vieux de plusieurs siècles ? Qui êtes-vous réellement ?

La vieille femme soupira, comme si elle prenait conscience qu'elle ne pouvait pas faire semblant de mal interpréter la question encore longtemps.

- Je m'appelle Isobel Sacabosse, déclara-t-elle alors que tous les regards restaient fixés sur elle, il y a longtemps, tellement longtemps maintenant, j'étais une brillante chercheuse en phénomènes magiques. Mon équipe et moi fûmes envoyés étudier les géoglyphes de Nazca au Pérou ; des sites forts en teneur magique. Mais cette vie est remplie de dangers.

« Nous fûmes tous frappés par une malédiction qui nous téléporta, pour une raison que j'ignore, ici-même, sur le Plateau des Infamies. Nous reconnûmes aisément cette forêt ; après tout, nous avions tous fait nos études à Poudlard. Notre premier geste fut de nous éloigner de cet endroit pour regagner Pré-au-Lard mais, tout au long de notre trajet dans cette forêt, des membres de notre équipe décédèrent. C'était comme s'ils étaient frappés par une maladie. Il ne resta, à la fin, que moi et un autre collègue. Nous ne sortîmes jamais de la Forêt interdite, persuadés d'être atteints par une maladie contagieuse qu'on ne pouvait pas risquer d'apporter à l'extérieur de cette forêt.

Hugo eut un mouvement de recul, imité par Aubrey et Bertha. Isobel Sacabosse eut un nouveau sourire édenté en s'en apercevant.

- Oh, nous avions tort, à cette époque, dit-elle, nous n'étions pas malades. C'était bien pire : nous étions tout simplement maudits. Moi, j'étais enceinte, à cette époque-là. Mon collègue et moi construisîmes une cabane dans les bois pour y passer le restant de nos jours loin de tout être humain. J'avais accepté cette idée de renoncer à la civilisation pour ne pas contaminer le reste du monde. Peut-être parce que j'avais l'esprit trop occupé par ma grossesse. Mais mon compagnon, lui, avait du mal à faire son deuil du monde extérieur.

« Un matin, je me réveillai dans cette cabane et je retrouvai au pied de ma couchette un mot. Mon compagnon avait pris la décision de quitter la Forêt interdite et de regagner Pré-au-Lard pour ensuite retourner auprès de sa famille. Alarmée, je me suis mise à courir dans la forêt pour le retrouver mais c'était peine perdue. Il devait déjà être loin à ce moment-là.

- Alors il est sorti de la forêt, dit Amelia d'une petite voix, mais il n'a contaminé personne ?

- Non... Il n'est jamais sorti. J'ai retrouvé son cadavre non loin de la lisère. C'est là que j'ai compris que nous n'étions pas contaminés mais maudits. Condamnés à jamais à rester dans cette forêt sans pouvoir en sortir... sous peine de mort.

« J'ai accouché seule dans cette cabane, ajouta la vieille femme le regard dans le vide, insufflant pour la première fois de l'émotion dans sa voix, j'ai donné naissance à une petite fille. Une petite fille que j'ai appelée Salpirine. Ma Salpirine Sacabosse. Elle a grandi avec moi dans cette forêt. Durant les six premières années de sa vie, elle n'avait connu que cela.

- Mais... N'était-ce pas dangereux pour une enfant de vivre ici ? demanda Mary d'une petite voix.

- Dangereux ? Bien sûr que ça l'était. Mais le monde est aussi bien dangereux pour les adultes que pour les enfants. Ce que j'appris à mes dépens. Salpirine était une petite fille pleine de vie qui s'était profondément attachée à cette forêt. Je la défendais souvent de ne pas s'éloigner de la maison mais... Vous savez comment sont les enfants à cet âge-là ?

« Un jour, elle profita d'une de mes absences ; je devais être partie chasser. Elle s'éloigna dans la forêt. Je l'ai entendue hurler, c'est vrai. Mais elle était tellement loin. J'ai couru au travers ces bois de toutes mes forces. Mais je ne pouvais pas arriver à temps. J'ai seulement vu cet abominable Scolopendromorphe se jeter sur elle.

- C'est quoi un... un Scolo-machin-chose ? demanda Amelia.

- C'est une sorte de mille-pattes géant muni de crochets, lui glissa Evans, c'est très dangereux.

- Et... Il y a de ces horreurs dans cette forêt ?

- Les Scolopendromorphes font partis des choses les moins horribles qui peuplent ces bois, ma douce enfant de l'été, répliqua Isobel avec un rire sec, et pourtant, c'est une créature monstrueuse. Plus énorme encore qu'un Troll des bois. Mon cœur s'était littéralement arrêté quand j'ai vu cette chose immense bondir sur ma petite Salpirine.

« Mais un homme est sorti de nulle part. Muni de sa baguette magique, il terrassa le Scolopendromorphe et sauva ma fille. J'étais soulagée. Le monstre gisait sur le flanc, ma fille sur les fesses, terrorisée mais bien en vie. J'allais me jeter sur elle pour la serrer dans mes bras. Mais je n'en eus jamais le temps. Cet homme sorti de nulle part attrapa mon enfant et transplana avec elle.

« C'était mieux ainsi. Salpirine ne méritait pas d'une vie dans cette maudite forêt. C'est moi qui suis maudite, pas elle. Peut-être cet homme allait-il lui offrir une meilleure vie.

- Mais... Et si c'était quelqu'un d'horrible ? souffla Jenna. S'il l'avait kidnappée pour la torturer...

- Quelle autre pensée pouvais-je avoir ? répliqua Isobel d'un ton las. Je ne pouvais pas sortir de cette forêt sans mourir. La seule chose que je pouvais faire était de me convaincre moi-même que Salpirine était heureuse dans une famille chaleureuse. Des fois, je regardais le château de Poudlard qui se dressait au loin et je l'imaginais en train d'étudier avec les autres élèves, manger dans la Grande Salle et dormir dans son dortoir. C'était la seule manière que j'avais trouvé pour ne pas sombrer dans la folie.

« Je suis restée seule depuis ce temps-là. J'ai surveillé le Berceau de citronnier du mieux que j'ai pu mais lorsqu'il fut volé et que ma maison fut incendiée, je me suis enfoncée plus loin dans la forêt. Je me suis établie ici.

- Ici ? dit Sirius. Mais vous aviez dit que cet endroit était néfaste.

- Pas pour moi. Car voyez-vous, entre temps, je suis devenue la Berceuse des Morts.

Les Maraudeurs et le Retour du Némésis (tome 5)Where stories live. Discover now