Protège-moi - T.1 Pleine lune [Terminé]

Chapitre 35.1

L'appréhension ne m'avait pas quitté depuis notre retour au Complexe. De suite, Argaëhl avait été dirigé vers le bureau de Declan où ils s'étaient enfermés depuis une bonne heure. Prétextant qu'il devait voir Doc pour un truc urgent, Arenht se dépêcha de filer vers l'infirmerie, me laissant seule dans le couloir. Quelques minutes plus tard, des membres de la meute passèrent devant moi, me jetant de rapides coups d'œil. Étrange, songeais-je. Ils avaient presque l'air de me craindre. Oh non, ce n'est pas vrai, réalisais-je. Ils sont déjà au courant. Et moi qui croyais cette époque où je me sentais comme une bête de foire révolue, j'en étais pour mes frais ! Après avoir enfin trouvé ma place au sein de la meute, apprivoiser mon double animal, voilà que ça me tomber dessus, femelle alpha. Toute ma vie se résumait à être différente des autres, j'aurais dû être habituée à force, mais je constatais que cela ne serait jamais le cas.

J'attendais que Declan en ait fini avec Argaëhl pour pouvoir lui poser toutes les questions qui se bousculaient dans ma tête. J'avais bien tenté d'interroger Arenht lors de notre retour, mais il n'avait rien voulu me dire. « C'est à Declan de t'expliquer », c'étaient les seuls mots qu'il avait consentis avant de se murer dans un silence tendu. Son attitude m'inquiétait depuis cette nuit. Était-ce lié à la rage sanguinaire qui avait pris possession de lui ou l'annonce impromptu me désignant comme une Alpha ? Peut-être bien les deux. Mais cette distance qu'il mettait entre nous aggravait mon état d'angoisse. Était-ce si terrible d'en être une ?

Dans le genre pas sûr de moi, insécurité chronique, j'étais la championne toute catégorie. Le complexe de l'abandon, je maîtrisais. Où avaient-ils été chercher que j'étais une Alpha ? D'après ce que m'en avait appris Declan, c'était en quelque sorte le pur-sang loup-garou, issu d'une lignée de meneur dont l'assurance devait être un caractère inné. Eh bien ! Ils avaient dû se planter quelque part. Rien que le fait qu'Arenht soit distant de moi réveillait ma peur tenace d'être à nouveau seule. Un vrai moral de gagnante...

— Alors ? lança-t-il d'un ton nonchalant. Que t'a dit Declan ?

Ah, il voulait jouer à ce jeu-là. Maintenant que le chef m'avait mise un tant soit peu au courant, il revenait vers moi comme si de rien n'était, comme s'il ne m'avait pas évité depuis cette fameuse virée. Il allait avoir un aperçu de mon caractère rancunier. Refusant obstinément de relever la tête du bouquin dans lequel j'étais plus ou moins plongée, je laissais échapper un « hum ? » évocateur.

Je me représentai facilement le froncement de sourcil sur son visage. Il se posta en face de moi, les bras croisés.

— Y'a un problème Aylyn ?

— Hein ? répondis-je de mon air le plus innocent. Tu me parlais ?

Bon d'accord, ce n'était pas très mature ni très subtil comme comportement, surtout de la part d'une femelle alpha, mais je ne pouvais m'en empêcher. Il m'avait blessée en s'éloignant de moi ainsi, et ma louve n'était pas en reste côté réaction puérile. Dès qu'il était apparu dans la pièce, elle était partie bouder dans son coin. Dommage qu'il ne la voyait pas.

— Ne me dit pas que tu me fais la tête ?

— Et pourquoi pas ? lâchais-je la tête toujours baissée.

Laissant échapper un soupir, il s'agenouilla devant moi, cherchant mon regard. Déterminé, il me saisit le menton. Délaissant mon livre, dont je n'arrivais plus à suivre l'intrigue depuis qu'il se trouvait là, je plantais mes yeux dans les siens. Pourquoi fallait-il qu'il soit aussi craquant ? J'avais beau me rappeler de mon ressentiment à son égard, ma farouche résolution d'être froide et aussi distante que lui fondait comme neige au soleil. Quand il me regardait ainsi, je n'avais qu'une envie, c'était de le dévorer de baisers.

Le dévorer tout court cela lui ferait les pattes ! Oh, ma louve n'oubliait pas aussi facilement ses griefs. Pour le coup, le fait qu'elle soit dans l'incapacité de sortir était une chance pour lui.