Protège-moi - T.1 Pleine lune [Terminé]

Chapitre 27.2

Je vis un jeune homme mince et élégant, les cheveux d'un blond pâle, presque blanc, à la coupe impeccable, s'avancer vers moi. Je n'avais aucune idée de qui il pouvait bien s'agir. Doc s'était absenté un moment et je faillis m'en aller dans une autre direction quand je me rappelais le but de cette soirée. Des chefs de clans étaient présents et je ne voulais pas embarrasser Declan. Je dus prendre sur moi pour faire bonne figure et me préparer à un échange de mondanités.
— Aylyn, tu nous as manqué au conseil.
Surprise qu'il connaisse mon nom alors que j'ignorais son identité et de son ton familier, je restais interloquée.
— Par contre, je suis agréablement surpris de te voir ici et sous ton autre forme, enchaîna-t-il.
J'essayais de me souvenir d'où il pouvait me connaître. Conseil... Le Conseil des clans, donc des chefs de meute et leur famille...
— Sohren ? fis-je incertaine.
Il me fit une petite courbette avant de laisser errer son regard sur ma silhouette, pas gêné le moins du monde de me détailler ainsi. Croisant les bras devant ma poitrine un peu trop exposée à mon goût, je le fusillais du regard. Son air arrogant m'insupportait autant que quand il était sous sa forme animale. Je me demandais furtivement s'il se souvenait m'avoir croisé dans cette ruelle à l'époque de mon ancienne vie. Impossible de le savoir. Son regard noir mystérieux restait indéchiffrable. Un sourire en coin, il m'observait, imperturbable.
— J'ai hésité à venir, lâchais-je.
— Je suis chanceux alors. Je pense que mon père aimerait beaucoup te rencontrer. Peut-être auras-tu l'occasion de le croiser dans la soirée.
— Peut-être, lui répondis-je sans grande conviction.

Je prétextais un besoin de me rafraîchir pour mettre fin à cette conversation.

Je ne comptais plus les verres. Ma main tenait la coupe comme un rempart et petit à petit, je me détendis de nouveau. Aucune idée d'où Doc était passé, de toute façon, c'était mieux ainsi. À coup sûr j'aurai eu droit à une remarque sur les effets secondaires de l'alcool ou tout simplement une interdiction pure et simple de boire. Portant le cristal délicat à mes lèvres, une nouvelle gorgée de liquide délicieusement pétillant entra en contact avec mon palais, me laissant une sensation plaisante de légèreté. Oui boire de l'alcool alors que je prenais des cachets contre la douleur n'était pas la meilleure idée, mais les problèmes se désagrégeaient, les démons s'évanouissaient, la douleur s'estompait. Pour la première fois de ma vie, je goûtais à l'effet grisant de l'alcool. Juste ce qu'il me fallait ce soir, un palliatif pour supporter jusqu'au bout ce cérémonial. Dès que Declan pointerait le bout de son nez, je m'éclipserais en prétextant la fatigue. Ce ne serait pas vraiment un mensonge. J'étais épuisée de garder cette façade, de sourire alors que j'étais à deux doigts de m'effondrer. On me tapota l'épaule. Alors que je me tournais en me préparant à saluer un énième inconnu, je vacillais légèrement, étourdie par le champagne. Je me rattrapais instinctivement au bras de l'homme m'ayant interpellé. Alors que je relevais les yeux en m'excusant, je me figeais en découvrant son identité.

— Bonsoir Ayl.

Sa voix fit courir des frissons sur ma peau. J'avais l'impression que cela faisait une éternité que je ne l'avais pas entendu.

— Bonsoir, réussis-je à articuler.

Ses deux prunelles ambrées me dévisagèrent. Arenht regarda autour de nous, comme cherchant quelqu'un, avant de revenir se poser sur moi, de descendre sur ma robe, de remonter vers mon visage.

— Doc t'a fait faux bond ?

La question me prit tellement de court que je restais bouche bée quelques secondes avant de hausser les épaules.

— Il ne m'accompagnait pas spécialement. Il va où il veut. Je...

J'avais la désagréable impression de me justifier et mon esprit embrumé par l'alcool ne m'aidait pas.

— C'est juste que tu n'as pas l'air très bien et...

— Je vais bien, très bien même, l'assurais-je en souriant. Tu as goûté au champagne ? C'est la première fois que j'en bois et c'est délicieux !

— Aylyn, tu en as bu combien ?

— Je ne sais pas. Et en quoi ça te regarde ? Je suis une grande fille, tu sais.

Il marmonna quelque chose entre ses dents avant de soupirer.

— Tu devrais peut-être prendre un peu l'air. Je vais aller chercher Doc.

Je secouais la tête, puis serrais de suite les lèvres en sentant la pièce tanguer. Juste à cet instant, la dernière personne que je souhaitais voir se matérialisa, l'un de ses bras fins venant s'enrouler autour du torse d'Arenht. Pour le coup, les choses reprirent une stabilité parfaite. Je retins une grimace.