Protège-moi - T.1 Pleine lune [Terminé]

Chapitre 23.2

Je poussais les doubles portes avec appréhension, tendant l'oreille. C'était le comble tout de même, avoir la boule au ventre dans ces lieux qui représentaient mon refuge. Peut-être qu'en passant par les vestiaires la voie serait libre jusqu'à la salle de tir. Des exclamations me parvinrent. Loupé pour la chance. J'inspirais un grand coup, plaquais un sourire sur mon visage avant d'entrer.

En avisant Sheren sur le banc en bordure de l'espace d'entraînement, je réprimais une grimace. Le connaissant je n'aurais pas dû être surprise qu'il bave littéralement en la regardant. En tout cas, niveau discrétion il récoltait un zéro pointé. OK, elle avait un corps quasi parfait. Il aurait fallu être aveugle pour ne pas le remarquer, mais quand bien même, je me serais attendu à un peu plus de tenue. Je détestais ressentir cette émotion, la jalousie. Malgré moi elle m'empoisonnait.

D'un pas rapide, je me rendis à la salle de tir, au fond du couloir. Là-bas au moins j'échapperais un moment à toute cette mascarade. Me retrouver seule devenait presque une question de survie. Je bouillais littéralement à l'intérieur et mon incapacité à me transformer ajoutait à ma frustration. Je ne pouvais pas exorciser mon mal-être en cavalant dans la forêt. Mon poing se crispa contre ma poitrine alors qu'une boule d'angoisse enflait. Une fois dans la petite pièce, je libérais mon souffle, me penchais pour reprendre contenance. Inspiration, expiration. La pression commençait à redescendre. Les mains tremblantes, je repoussais mes cheveux en arrière. Allez, je pouvais le faire. M'exercer allait me permettre de me changer les idées. Me tournant vers le mur, je choisis un petit calibre. C'est celui que j'emportais en mission. Discret, maniable et relativement silencieux comparé à d'autres modèles. Je me plaçais dans l'un des box, plaçais le casque sur mes oreilles. À l'autre bout du couloir, la cible me faisait déjà face. Je n'avais pas besoin de faire beaucoup d'effort pour me mettre en conditions. Je fermais les yeux à peine deux secondes et au moment de les ouvrir, ce n'était plus un vulgaire bout de carton en attente de se faire trouer, mais la silhouette cauchemardesque du Décoloré. Mes doigts se saisirent de l'arme, mon bras se leva. J'armais le pistolet, visais... Une goutte de sueur perla sur mon front, suivie d'une autre. Lui, celui qui m'avait injecté ce poison. Son air sournois me fixait. Je cillais. Ma vision devenait trop réelle, charriant les démons à sa suite. Avec un grognement de dépit, j'abaissais mon bras. Les tremblements. Ils reprenaient, m'empêchant de faire correctement le point. Je reposais l'arme. Il n'est pas là, m'exhortais-je en passant ma main devant mes yeux. Je suis en sécurité. Je n'y arrivais pas. Ma gorge se resserrait, m'empêchant de respirer normalement. 

Je percutais un torse en fonçant tête baissée vers la sortie. Le choc me fit vaciller et j'eus du mal à reprendre mon équilibre alors que ma crise d'angoisse devenait plus intense. Je marmonnais une excuse tout en voulant contourner la personne qui venait d'entrer. Je n'avais qu'une idée fixe, sortir, me retrouver à l'air libre pour ne pas craquer devant le groupe. Il y en a une qui ne manquerait pas de jubiler.

— Aylyn ?

Je me crispais. Tout mon corps tendait vers la sortie, l'air frais... Je me sentis tirée en arrière. Je me cachais derrière le rideau de mes cheveux alors que son odeur m'enveloppait.