Chapitre 23.1

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Cette année j'avais envie de marquer le coup et d'offrir quelque chose à Arenht, pour le remercier de tout ce qu'il avait fait pour moi. Je voulais un objet symbolique. C'est avec beaucoup de soin que j'emballais le livre choisi, un clin d'œil à notre première rencontre. Ce jour-là, il lisait Croc-blanc, de Jack London. J'avais réussi à lire le titre de l'ouvrage lorsqu'il m'avait aidé, malgré mon trouble. L'appel de la forêt, du même auteur, constituait une sorte de rappel, en espérant qu'il ne l'ait pas déjà. Préférant lui donner sans que quelqu'un traîne dans les parages, je me rendis chez lui avant que Doc vienne me chercher.

La porte s'ouvrit sur Lahra. Je me figeais, incapable de la saluer, mon cerveau momentanément indisponible. Que faisait-elle ici ?

— Hé, Aylyn. Bonjour, me salua-t-elle toute pétillante.

— Salut.

Il ne fallait pas me demander plus. L'espèce de sourire qui tordit mes lèvres exigeait déjà un effort surhumain de ma part.

— Tu veux voir Arenht ?

À ton avis ? ironisa la petite voix dans ma tête.

— On fait le trajet ensemble pour aller au Complexe. Ça fait vraiment du bien de se dégourdir les pattes... Oh, désolée. Ça doit être dur pour toi.

Le rictus plaqué sur mes lèvres tint difficilement. Elle le faisait exprès, pas de doute.

La silhouette du jeune homme ne tarda pas à apparaître derrière elle. Il semblait légèrement gêné. Je me crispais. Ma louve grondait à l'intérieur. Si seulement elle pouvait sortir. Elle lui aurait effacé ce sourire en un coup de patte. Calme-toi, Aylyn.

— Je voulais t'apporter ça, parvins-je à dire.

Je me sentais ridicule avec ce paquet. Il s'avança jusqu'à moi, s'en saisit tout en me remerciant. Je croisais un instant ses prunelles ambrées avant de baisser la tête. Pas besoin de me ridiculiser davantage sous les yeux de la jeune femme en le dévorant du regard. Je pris rapidement congé en prétextant que Doc allait m'attendre.

Au Complexe, je restais un moment dans son bureau, au lieu de traîner dans la salle d'entraînement comme je le faisais habituellement. Elle s'y trouvait en ce moment précis, alors... Il était hors de question d'être spectatrice de ses remarques admiratives sur les talents de mes compagnons.

Doc me poussa du coude pour me faire sortir de mes noires pensées.

— Encore en train de ruminer ma belle ?

— Je réfléchissais c'est tout.

— À d'autres. Je te connais Ayl. Les autres ne captent pas, car ils sont menés par leurs hormones, mais je sais reconnaître de la jalousie quand j'en vois et toi...

Il laissa sa phrase en suspens en me faisant un clin d'œil.

— C'est aussi évident ? Je suis horrible n'est-ce pas ?

Je me cachais la tête entre les mains en soupirant.

— Je ne la sens pas cette fille, avoua-t-il. Un truc cloche dans cette affaire, mais je n'arrive pas à mettre le doigt dessus.

— Je ne suis donc pas la seule, soufflais-je en lui faisant face. J'avoue ne pas aimer la manière dont elle flirte avec tout le monde, mais il n'y a pas que ça.

— Je vais mener ma petite enquête. Par contre, ajouta-t-il, tu ne vas pas pouvoir l'éviter éternellement.

— Je sais, soupirais-je.

Je me levais de mauvaise grâce pour aller à ma séance de torture. Il me donna une bise sur la joue.

— Montre les dents s'il le faut.

— Merci. Tu sais toujours quoi dire pour me remonter le moral.

— Surtout que je dois me démener deux fois plus pour te rendre le sourire en l'absence de mon acolyte. On fonctionne tellement mieux en duo !

— C'est vrai. Mes deux grands frères. Vivement qu'Antonh revienne. Il me manque.

— Il aurait déjà dégagé cette sangsue qui s'acharne à rôder autour de son frère.

Protège-moi - T.1 Pleine lune [Terminé]Where stories live. Discover now