Protège-moi - T.1 Pleine lune [Terminé]

Chapitre 22.1

Une semaine. Sept jours pour que Lahra change de visage, tout au moins en ma présence. Le temps de prendre ses marques, de s'intégrer au groupe, de trouver un appartement. Les évènements s'étaient enchaînés avec une fluidité telle que je n'avais rien vu venir. La jeune femme se fit distante avec moi, se contentant de me saluer avant de chercher la compagnie des autres membres de la meute. Au début, je me demandais si je ne me faisais pas des idées. Je fus forcée de me rendre à l'évidence. Son changement radical de comportement avec moi me laissait perplexe. J'avais beau me triturer le cerveau pour comprendre, je ne voyais pas d'explications logiques. Impossible d'en parler avec les autres sans passer pour une fille jalouse.

Au-delà de sa froideur envers moi, c'était sa continuelle présence près d'Arenht qui me mettait en rogne. Elle le suivait à la trace ce n'était pas possible autrement. Impossible de passer un instant seul avec mon partenaire. Ancien partenaire. Déjà que j'avais du mal à gérer le fait de ne plus pouvoir être sur le terrain, je n'avais plus de moments complices avec lui. Mes vieux réflexes refirent surface. Je me mis en retrait, m'effaçais. Toutes mes bonnes résolutions s'évaporèrent. Je me protégeais, me repliais derrière ma carapace, comme à l'époque du lycée. Être invisible pour ne pas être une cible.

                                                                                                  *

Doucement nous entamions la seconde moitié du mois de décembre. La pointe d'appréhension se faisait de plus en plus importante au fur et à mesure des jours. Les fêtes de fin d'année. Impossible d'échapper à l'ambiance particulière véhiculée par ce moment. Dans les rues, les illuminations et les décorations habillaient la ville, la paraient d'un habit étincelant. Cette année, toute cette joie, tous ces préparatifs me renvoyaient à leur absence, me rappelaient leur perte. Cette année, je ne passerais pas Noël en famille. Puis, je me ressaisissais. Je ne serais pas seule, je serais en famille, même si elle sortait de l'ordinaire, songeais-je en souriant.

Une robe noire toute simple, à part la pièce de dentelle soulignant le bustier. C'était la seule pièce de ma penderie véritablement féminine et habillée. Pour le reste, des jeans dans lesquels je me sentais à l'aise, des sweats et hauts confortables. Pour l'occasion, je sortais donc cet habit, cédant sous l'insistance des gars, cette bande de loups-garous jouant à fond leur rôle de grands frères. Tout était parti d'une question apparemment anodine de Declan. Il avait voulu savoir de quelle manière nous célébrions les fêtes avec mes parents. J'avais conscience qu'il voulait faire son possible pour rendre l'évènement joyeux et atténuer leur absence. Avec le recul, j'aurai pris plus de précautions dans ma réponse. Les décorations, l'ambiance chaleureuse, le repas que nous préparions ensemble, la musique, nous mettre sur notre trente-et-un, tous ces clichés, des souvenirs heureux qui me revenaient en mémoire alors que j'énumérais ces choses. Je ne savais pas à quel point il allait me prendre au pied de la lettre. La surprise fut totale le matin du 24. Alors que j'émergeais dans la cuisine, je restais ébahie devant les guirlandes dorées ornant les étagères et les murs, les boules se balançant en dessous du luminaire. Je ne pus m'empêcher de sourire. Ils étaient incroyables.

Cette année j'attendais donc cette fête avec impatience, pressée de revivre cette ambiance spéciale, même si la présence de Lahra atténuait quelque peu mon enthousiasme.

Je l'avais consciencieusement évité. Ce n'était pas non plus difficile vu mon emploi du temps ces dernières semaines. Je partageais la plupart de mon temps au Complexe entre la salle d'entraînement et le labo de Doc, entre travail et affûtage de mes réflexes et tentatives de comprendre le fonctionnement du virus. L'impression très nette qu'elle n'était pas ce qu'elle prétendait me taraudait. Dorénavant, je préférais garder mes distances. Pourtant aujourd'hui elle en avait décidé autrement. Du coin de l'œil, je l'observais venir à ma rencontre. Ses longs cheveux dorés lisses et brillants coulaient telle une nappe d'or sur ses épaules. Elle m'énervait à être aussi parfaite. De longues jambes, une silhouette parfaitement proportionnée que je lui enviais. En comparaison, je faisais pâle figure. Intérieurement je pris sur moi pour offrir un visage neutre.

— Je peux t'aider, proposa-t-elle innocemment.

— Pourquoi pas ? répondis-je à contrecœur.

J'évitais de croiser son regard, continuant à m'affairer autour de l'arbre. Elle attrapa des décorations et entreprit de les placer délicatement. J'espérais qu'elle ne cherche pas à faire la conversation.

Après le déjeuner, je mis en place une liste rapide des choses à faire, notamment pour la préparation des plats. Il restait aussi à dresser et décorer l'immense table de la salle à manger. Je me réservais toujours cette tâche pour la fin, en savourant d'avance le moment. L'après-midi passa à une vitesse hallucinante, mais nous en voyions le bout.

— Allons nous préparer, proposais-je. Il ne restera plus que la pièce principale à mettre en place.

— D'accord, on se retrouve pour finaliser alors.

Je me rendis dans les vestiaires où j'avais entreposé ma tenue, ainsi que le nécessaire pour rapidement me maquiller. Le strict minimum, juste pour marquer le coup. Pourtant, je mis un peu plus de soin que d'habitude en songeant à la présence de Lahra. Mon ventre se crispa en songeant à son allure. Une fois terminé, je me dirigeais vivement vers la salle de réception pour m'atteler à son embellissement. Avec un peu de chance, elle ne serait pas encore revenue et je pourrais m'en occuper seule.