Chapitre 15.1

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Je digérais encore la sortie avortée. Devant mes yeux ne cessaient de se rejouer la course-poursuite et la mort de l'agent. Voir quelqu'un mourir juste à côté de soi était une expérience que j'aurais préféré ne jamais vivre. La culpabilité me tordait le ventre à chaque fois que j'y songeais. Il était mort par ma faute. Si je n'avais pas voulu retourner là-bas...

Bien entendu Declan m'avait assuré qu'il connaissait les risques, qu'il ne servait à rien de se sentir coupable pour les agissements du Groupe L. Sers-toi de ta douleur pour te préparer contre eux. Voilà le conseil qu'il m'avait donné. Je me le répétais tout en me rendant dans la salle d'entraînement. Trenan voulait me voir. Je n'avais pas forcément la tête à m'entraîner, mais pas question de me défiler. J'en verrais d'autres.

Le spectacle qui m'attendait était loin d'être habituel. Je découvris Trenan posté derrière une petite table sur laquelle des objets étaient exposés. Je m'avançais sans trop savoir ce qu'il m'avait préparé. Le petit sourire étirant ses lèvres me mit la puce à l'oreille. Quelle surprise me réservait-il ? À l'instant où mes yeux se posèrent sur le contenu des coffrets, je tombais en admiration totale.

Les lames brillaient devant mes yeux, leur éclat irisé m'attirant irrésistiblement sans que je puisse expliquer d'où venait cette attraction. Posées dans leur écrin de satin noir, elles reflétaient la lumière des lampes, hypnotiques. Ma main se posa sur l'une d'elles, sans que j'en aie conscience. C'est quand la froideur de l'acier me fit frissonner que je réalisais mon geste. Mes doigts caressèrent le métal, presque voluptueusement. Me mordant la lèvre inférieure, je me tournais vers Trenan qui m'observait avec attention depuis qu'il avait ouvert la mallette.

— Elles te plaisent j'ai l'impression, dit-il, un sourire amusé flottant sur son visage.

— Oui, elles sont superbes, répondis-je en les regardant de nouveau. Me crois-tu vraiment capable de les manier ?

— Tout s'apprend dès qu'un maître est disposé à enseigner son savoir. Tu as de la chance, je suis tout à fait prêt à partager mon art. Mais ne te méprends pas. Le chemin à parcourir pour arriver à un niveau suffisant pour te défendre sera loin d'être une sinécure.

— Je n'ai pas peur de travailler jusqu'à parvenir à les maîtriser, assurais-je en le regardant droit dans les yeux.

— Dans ce cas, commençons la torture.

Et il ne mentait pas. Une heure plus tard, je suais à grosses gouttes, les muscles de mes bras endoloris au point que j'avais l'impression d'avoir des poids morts accrochés aux épaules. Le mouvement répétitif avait eu raison d'eux. Un regard sur la table au fond de la pièce. Elles semblaient me narguer de là où elles se trouvaient, douillettement blotties dans leur lit satiné. Trenan, après m'avoir fait saliver devant elles, s'était empressé de m'amener devant un sac rempli de pâles copies.

— Bien entendu celles qui se trouvent dans le coffret te seront offertes à la fin de ton apprentissage. Tu seras alors digne de les utiliser, pas avant. Pour l'instant, contentons-nous de malmener celles-là.

Maintenant, ayant déjà succombé à la perfection des lames promises, je ne pouvais que faire tout mon possible pour acquérir les techniques de manipulation de ces petites merveilles affûtées.

Écartant de mon visage une mèche de cheveux échappée de mon élastique, je repris ma position, une lame tenue entre mes doigts. La sueur rendait ma prise malaisée, glissante. La sueur et le sang, car maladroite comme j'étais, les premières prises en main des lames furent couronnées de nombreuses coupures m'arrachant à chaque fois des exclamations de douleur. Les entailles ne freinèrent pourtant pas les leçons. Vite cicatrisées grâce à mon sang de loup, elles m'incitèrent juste à m'améliorer. La louve en moi, dont je commençais à trouver la présence naturelle, me révélait une partie de moi que je n'avais jusque-là jamais explorée. Un côté plus sombre de ma personnalité, plus fort aussi se dessinait lentement alors que je dépassais mes limites petit à petit sous l'entraînement implacable et intransigeant de Trenan, mon mentor à présent. 


Une rage latente n'attendait qu'une étincelle pour exploser. C'est pour cela que Declan m'avait recommandé Trenan. Il avait senti cette colère bouillonnant en moi, dévastatrice depuis la mort de Hatford. La tristesse et les remords s'étaient peu à peu mués en une colère noire, une envie de vengeance, viscérale. Était-ce ma part animale qui parlait ou juste un instinct dont je n'avais pas encore pris conscience ? Impossible de le savoir. Peut-être étions-nous plus mêlées que je ne le pensais. Declan savait qu'il me fallait les moyens d'y parvenir. Je faisais partie du clan, de la meute désormais et de ce fait, j'avais autant droit qu'eux à ma part de sang. Je n'étais et ne serais plus une victime sans défense, jamais. Cette conviction m'aidait à m'accrocher et à m'endurcir. 

Protège-moi - T.1 Pleine lune [Terminé]Where stories live. Discover now