Chapitre 22.2

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En ouvrant la porte de la pièce, un mauvais pressentiment me serra la gorge. Des bruits à l'intérieur confirmèrent cette impression. Ça ne pouvait être qu'elle. Mon sang ne fit qu'un tour en la découvrant en train de mettre la dernière touche à la table et accueillir les premiers membres de la meute. Elle avait osé...De manière totalement arbitraire, je venais de me faire exclure de ma partie préférée des préparatifs. Le sang me monta de suite à la tête. Elle en avait du culot celle-là de prendre le rôle d'hôtesse de maison alors qu'elle n'était qu'une invitée. J'allais lui signifier ma façon de penser quand Declan et Doc firent leur arrivée dans le grand salon. Ravalant pour un temps mes récriminations, je m'avançais pour les saluer. Pas question qu'elle gâche ce jour de fête. Pourtant, elle en avait l'intention, me corrigeais-je en la voyant se précipiter vers eux, me coupant dans ma lancée. Alors là, pour le coup, je fulminais intérieurement, à tel point que mes ongles s'enfoncèrent dans la chair tendre de ma paume, tandis que ma louve, aussi furieuse, montrait les crocs.

Me réfugiant dans la cuisine, je me mis à préparer les entrées, tartinant allégrement les toasts d'œufs de lompe. J'avoue que les petits ronds briochés furent quelque peu malmenés comme je reportais mes nerfs sur eux. Je tentais tout de même d'adoucir mon geste, surtout pour ne pas présenter un plateau de toasts à moitié déchiquetés. Ne surtout pas lui donner une occasion de me critiquer. Une fois terminé, je pris une profonde inspiration avant de l'amener sur la grande table du salon. Je pris grand soin de ne pas croiser son regard. De toute façon, elle était occupée à attirer toute l'attention sur elle, la robe qu'elle avait revêtue pour l'occasion n'y étant pas étrangère. D'un rouge soutenu tranchant sur sa peau pâle, elle était dotée d'un décolleté assez plongeant. Telle la reine des abeilles, elle se pavanait au milieu des membres de la meute, pareil à un essaim bourdonnant. Ah ça, c'était bien les hommes, songeais-je avec humeur. Une femme faisait sa star et ils étaient à ses pieds. Pathétique !

Je cherchais Arenht des yeux. Où était-il alors que le repas allait commencer ? Ce fut plus fort que moi, je partis à sa recherche. M'esquivant le plus discrètement possible, je me dirigeais vers la salle de détente. Ma première idée fut la bonne. Il était là, en pleine conversation téléphonique. Ne voulant pas le déranger, je tournais les talons quand il m'interpella.


— Eh, Ayl ! Tiens je te le passe, dit-il en me tendant l'appareil. Une fois qu'il commence, il n'arrête plus. Une vraie pipelette !
Je lui lançais un regard d'incompréhension. Puis je percutais, tout en plaquant le téléphone à mon oreille.
— Antonh !
Sa voix de basse résonna à l'autre bout de la ligne me mettant de suite de bonne humeur.
— Coucou ma beauté. La préparation des fêtes se passe bien ? Vous allez encore vous empiffrer je suis sûr.
— Oui ça va.
Pas la peine de parler du problème Lahra, surtout avec Arenht juste à côté.
— Et j'avoue que vu la montagne de courses qu'ils ont encore faites, on en a pour au moins deux jours.
Son rire chaleureux cascada.
— Bon, je ne vais pas te retenir plus longtemps. Souhaite un joyeux Noël à toute la bande.
— Je n'y manquerais pas. Joyeux Noël à toi aussi.
Il raccrocha. Je tendis le téléphone à Arenht. Un sourire éclairait ses traits. Il adorait son frère et son absence ne devait pas être évidente à supporter.

— On va bientôt commencer, j'étais venue te chercher.
— Allons-y alors.
J'appréhendais le moment où nous arriverions dans la salle à manger et où elle ne manquerait pas de parader devant lui.

Le repas se déroula relativement bien, c'est-à-dire que je fis de grands efforts pour ne pas l'écouter. J'étais assise entre Doc et Arenht. Si le second fut légèrement accaparé par la jeune femme blonde, Doc sut comme à son habitude me distraire et me faire rire. J'en avais les larmes aux yeux et des crampes à l'estomac. Au moins, elle ne m'avait pas complètement gâché la journée. Je coulais un regard dans sa direction. Elle continuait à discuter avec mon voisin de table, rejetant de temps à autre ses longs cheveux vers l'arrière, dans un geste étudié, posant de temps à autre sa main sur le bras de son interlocuteur. Mes poils se hérissèrent en prenant conscience de son manège. À vomir. Heureusement que j'avais fini de manger. Bien sûr notre invitée n'avait fait que picorer son assiette, usant délicatement de ses couverts alors que j'avais englouti le contenu de la mienne aussi rapidement que les autres. À côté d'elle je prenais conscience de mon manque flagrant de féminité.

Profitant du fait que nous allions passer au dessert, je pris l'initiative d'aller le chercher pour ne plus les voir. Ma louve était aussi remontée que moi. Sortant la bûche glacée de son emballage, c'est les doigts tremblants que je la déposais sur le plateau. La porte s'entrouvrit et je vis Doc pointer le bout de son nez. Un pâle sourire affleura sur mon visage.

— Besoin d'un coup de main ma belle ?

— Si tu veux, il ne reste plus qu'à les installer sur le chariot, lui dis-je en montrant les bûches sur le plan de travail.

— Ça n'a pas l'air d'aller très fort, constata-t-il.

— Rien de grave, éludais-je en saisissant un des plateaux.

— Un rapport avec ton voisin de table et la nouvelle qui l'accapare ?

Je pinçais les lèvres en refusant de répondre. Il était vraiment trop perspicace des fois.

— Tu veux que je m'en occupe ?

Dans ses yeux brillait une lueur espiègle, et je fus tentée de lui dire oui, mais cela aurait été très puéril de ma part. Et puis Arenht ne semblait pas s'ennuyer en sa compagnie.

— C'est gentil de proposer, mais non, laisse. Allez, amenons le dessert ou bien nous risquons d'avoir une rébellion sur le dos.

Protège-moi - T.1 Pleine lune [Terminé]Where stories live. Discover now