Chapitre 9.4

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Malgré moi je me tournais lentement vers Arenht, le souvenir de cette nuit se rejouant dans ma tête. Les pièces s'assemblèrent au fur et à mesure. Sa présence n'avait jamais été une coïncidence. Je détournais le regard mortifié. Quelle idiote j'avais été de croire que le destin le mettait sur ma route à chaque fois. Le juron qui lui échappa me fit relever la tête. L'expression sur son visage me fit un choc. Les lèvres crispées, les muscles tendus, il semblait se retenir. Puis il repoussa sa chaise avant de s'en aller, sans un mot. La porte claqua, me faisant sursauter.

Une main se posa sur mon épaule. Doc. J'essuyais maladroitement mes joues avant de me rasseoir. Les tremblements avaient repris. J'inspirais, puis expirais dans une pitoyable tentative de rependre un semblant de contrôle. Je n'avais qu'une seule envie, disparaître ou bien remonter le temps, au choix. Ils m'avaient sauvé et au lieu de les remercier, je les accusais.

— Je suis désolée, murmurais-je. Excusez-moi, je ne voulais pas...

— C'est nous qui sommes désolés, répondit un des hommes attablés, Antonh. On ne peut imaginer ce que tu dois vivre. Et ne fais pas attention à mon frère. Il est un peu sous pression en ce moment.

Je le dévisageais. Son frère ? Apparemment je n'étais pas au bout des révélations aujourd'hui.

— Et si on faisait un break, suggéra Doc. Un petit tour en cuisine pour faire baisser la pression et si Aylyn le veut, un tour du propriétaire.

— Je veux bien lui servir de guide, s'empressa Sheren en bombant le torse.

Il arriva à m'arracher une ébauche de sourire.

— Tu crois vraiment que l'on va te laisser seul avec elle ? ironisa Antonh. On n'a pas envie qu'elle prenne peur.

Il me fit un clin d'œil. L'atmosphère bonne enfant régnant entre eux m'aidait à surmonter mon malaise, sans totalement effacer la brusque sortie d'Arenht.


En revenant dans la pièce me servant de chambre, je remarquais un gros sac de sport posé sur le lit.

— Tes affaires, m'indiqua Doc. Arenht est parti les récupérer ce matin à ton logement étudiant. Ne t'inquiète pas, ta colocataire était déjà partie en cours.

Je me figeais sous le choc. Je les avais complètement oubliés. Cassie, Ethan. Ils devaient s'inquiéter, je n'avais donné aucun signe de vie depuis... ma convocation au poste. Cela faisait plusieurs jours, une éternité pour ma part. Nul doute qu'elle avait saturé ma messagerie et ma boîte vocale. Sauf que mon téléphone n'existait plus, réduit en miettes par ceux m'ayant enlevé, un soulagement en fait. Ils semblaient capables de tout pour me retrouver. Je réprimais un frisson de peur. J'étais en sécurité.

— Cassie... Ma coloc doit être morte d'inquiétude, balbutiais-je. Je n'ai jamais disparu ainsi sans la prévenir avant et...

— Calme-toi, m'enjoignit le jeune homme, un petit sourire jouant sur ses lèvres. On a fait le nécessaire. Yorsha a envoyé un message à ton amie. On a prétexté un problème familial expliquant ton absence indéterminée. On préférait rester dans le vague. Pareil pour la fac.

Comme je demeurais plantée devant lui, complètement déboussolée, il me frotta doucement le bras.

— Ça fait beaucoup, hein ? Je n'imagine même pas à quel point tu dois être déboussolée. Fais-nous juste confiance. Nous sommes là pour toi. Maintenant, repose-toi.

Il jeta un coup d'œil à sa montre.

— Ça va être l'heure de ma garde, il faut que je file. Les autres sont là si tu as besoin.

— Tu es vraiment médecin alors ?

— Oui, un vrai de vrai, répondit-il, amusé.

Je rougis, gênée par ma question stupide.

— Désolée. J'ignorais que vous travailliez dehors.

— On a presque tous une activité indépendante. Antonh est reporter photo. Trenan est prof d'arts martiaux et Sheren animateur sportif, ils travaillent comme moi à Peterborough. Yorsha et Arenht bossent sur place à temps plein. Tout ce qu'il y a de plus normal tu vois.

Je souris à l'allusion.

— Peterborough ? Pourquoi aussi loin ?

— En tant que loups-garous nous n'avons pas la même échelle des distances. Ce n'est pas aussi loin sous forme animale.

Je hochais la tête. Il allait me falloir un peu de temps pour appréhender leur univers, mon nouvel univers.

Une fois qu'il fut parti, j'inspectais le contenu du sac. Songer qu'Arenht avait pris soin de le préparer me touchait et rendait son geste lors de la réunion encore plus incompréhensible. Mes doigts saisirent l'un des carnets glissés entre les piles de vêtements. À l'intérieur, une photo de moi et de mes parents. Les larmes aux yeux, je la serrais contre moi, me roulant en boule sur le lit. 

Protège-moi - T.1 Pleine lune [Terminé]Where stories live. Discover now