Chapitre 13.2

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J'entrais à sa suite, retrouvant la salle aux murs foncés, dont l'un exposait les armes tel un tableau d'une beauté mortelle. Juste en dessous, des bacs contenaient les munitions, à blanc, puis les casques antibruit. Il me fit rapidement une présentation des lieux pour me rassurer sur la sécurité, de la composition des murs aux aérations pour les émanations délivrées par le tir. Justement, j'en sentais des résidus dans l'air, une odeur que je connaissais...

— As-tu déjà tiré sur quelqu'un ? s'enquit-il.

J'eus une absence, brutalement replongée dans cette salle désaffectée. Moi, face au Décoloré, les doigts crispés sur la crosse de l'arme, à en sentir les lignes gravées s'incruster sur ma peau. Le bruit sourd, l'impact dû au recul, la vision du sang jaillissant de la blessure...

— Aylyn ?

Une main passa plusieurs fois devant mon champ de vision. Mes yeux cillèrent avant de faire le point. Les murs du stand de tir se superposèrent à ceux de mon cauchemar. Des murs bleu sombre, à la couleur nette, propre, bien loin des traces de moisissures marbrant le vert délavé de ma salle de torture. J'esquissais un faible sourire, la sensation de malaise encore persistante dans ma poitrine. L'odeur de poudre, bien que minime, avait enclenché le souvenir, le rendant bien trop réel. Pour le coup, mon odorat surdéveloppé constituait un handicap, ravivant avec trop de précision le traumatisme.

Ce fut le contact de ses doigts chauds sur ma main glacée qui me sortit vraiment de mon absence. Le contact visuel ensuite alors qu'il se positionnait en face de moi, cherchant à accrocher mon regard.

— On peut revenir plus tard si tu veux, proposa Arenht.

Je secouais la tête, obstinée. Je n'allais pas encore laisser mes cauchemars me mettre des freins. J'avais l'intention de les affronter, non le contraire.

— Tu peux me parler aussi, proposa le jeune homme. Parfois raconter nos peurs permet de les exorciser.

À son expression je me doutais qu'il parlait en connaissance de cause. Je me mordillais la lèvre, hésitante. Son regard compréhensif posait sur moi ne me jugeait pas. Je me décidais à surmonter mon malaise. Si nous devions être partenaires, la confiance était primordiale. Je lui racontais donc les circonstances dans lesquelles j'avais utilisé une arme à feu pour la première fois de ma vie. À certains moments je voyais ses lèvres se crisper, ses poings se serrer. Quand j'eus fini, je pris une grande inspiration avant de la relâcher. Il avait raison. Sans complètement disparaître, le poids de cet incident ne pesait plus aussi douloureusement sur mon esprit.

— Je suis désolé, souffla-t-il, ses mains passant vivement dans ses cheveux. Tu n'aurais pas dû vivre ça.

— Tu n'y es pour rien.

— Je n'aurais pas dû te laisser seule cette nuit-là.

Protège-moi - T.1 Pleine lune [Terminé]Where stories live. Discover now