Chapitre 6.2

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J'émergeais, hagarde. Repoussant les mèches emmêlées de mon visage, je me redressais. Dans la demi-obscurité, les contours familiers de ma chambre se dessinaient. Les événements de la veille revenaient, la réalité me frappant de plein fouet. Un bruit me fit tressaillir. Un espoir insensé me traversa. Ce pouvait-il que... J'allais bondir de mon lit quand je me figeais, tendant l'oreille. Des pas arpentaient le rez-de-chaussée avec lenteur, comme s'ils veillaient à ne pas troubler les lieux. Mon cœur tambourina alors que mes mains se crispaient sur les draps. Un mauvais pressentiment, un danger imminent. Je tâtonnais à la recherche de mon portable. Instantanément je pensais à Arenht. Il avait insisté pour me donner son numéro. Fébrilement j'allais jusqu'à son contact. La sonnerie retentit. Une fois. Deux fois. Je raccrochais avant la troisième en entendant le grincement des marches de l'escalier menant à l'étage. Une conversation indistincte. Ils étaient au moins deux. Activant le mode silencieux, je rangeais l'appareil dans ma poche, enfilais mes chaussures et me dirigeais vers le petit balcon attenant à ma chambre. Un léger renfoncement dans le mur me permettrait d'être à l'abri des regards s'ils s'avisaient de venir regarder ici. Je n'avais pas d'autre option pour éviter de tomber sur les inconnus introduits chez moi.

Juste au moment où je refermais avec précaution la porte-fenêtre, je vis la poignée de celle de ma chambre tourner lentement. Je me plaquais aussitôt sur le côté, me faisant aussi invisible que possible. Un faisceau lumineux balaya la pièce de long en large avant de s'éloigner.

— Personne. Tu es sûr d'avoir entendu une voiture s'arrêter devant la baraque ?

Je me mordis la lèvre. Quelqu'un surveillait la maison de mes parents. Pourquoi ? Puis une froide certitude me vint. C'était eux. Ils m'avaient retrouvé. Après toutes ces années, l'exil dans un autre pays, ils avaient remonté notre piste. Il fallait que je parte d'ici tout de suite. Un coup d'œil par-dessus le balcon. Je n'avais jamais eu l'occasion de faire le mur vu que dans mon cas je fuyais le monde extérieur. Pour une première fois, pas le temps de me poser de question, la gouttière fournirait la prise nécessaire pour la descente. Prenant mon courage à deux mains, j'enjambais la barrière en bois et me lançais. Je n'avais pas spécialement le vertige, mais l'exercice n'était pas évident. Cela paraissait toujours plus simple dans les films. Au moins le tuyau résista et aucun grincement intempestif ne résonna dans le silence de l'aube.

Mes pieds venaient de se poser sur la terre ferme et je soupirais de soulagement quand la fenêtre au-dessus de moi s'ouvrit brusquement. Avant d'avoir pu me faufiler hors de vue, une tête apparut au-dessus de la rambarde et eut tôt fait de me repérer.

— Elle est là, en bas, s'exclama-t-il.

Je retrouvais comme par magie l'usage de mes membres et me mis à courir. Déjà la porte d'entrée claquait et une silhouette se ruait vers moi. L'adrénaline fusa dans mes veines, reléguant la panique au second plan. L'instinct de survie guidait mes pas, droit vers le bois non loin du quartier. J'aurais peut-être une chance de les semer là-bas, de me cacher. Je comptais sur ma connaissance des nombreux passages détournés pour garder une avance sur eux. Je percevais les sons sourds de leur cavalcade alors qu'ils se lançaient à ma poursuite, les jurons à peine grognés pour ne pas alerter les voisins endormis. J'étais seule, une proie qu'ils prenaient en chasse.

Enfin j'atteignis les sous-bois, m'enfonçant hors du sentier tracé. J'avais réussi à gagner une petite avance sur eux, assez pour me trouver un endroit où me cacher. Heureusement la lumière diffuse de la lune me permettait de voir suffisamment où je mettais les pieds. Une crampe soudaine me vrilla l'estomac. Incapable de poursuivre, je me pliais en deux. J'expirais brusquement, la douleur m'envahissant par vagues. M'accroupissant parmi les fougères, autant pour me cacher que pour atténuer les crampes, je serrais les dents, les larmes aux yeux. Haletante et terrifiée, je sentis la douleur se diffuser dans mes veines, celles-ci semblant véhiculer du feu liquide. Par-delà la souffrance qui irradiait tous mes muscles, je priais pour la torture prenne fin. Mes os parurent s'étirer, craquant les uns après les autres. Je ne pus contenir totalement le hurlement qui sortit de ma gorge. Effrayés, des oiseaux nocturnes s'envolèrent dans un grand bruissement d'ailes. La souffrance, intolérable me fit fermer les yeux. Je ne comprenais pas ce qui m'arrivait. La seule certitude était qu'ils allaient me retrouver. Entre les vagues de douleur, j'entendis des bruits de pas se rapprocher. 

Protège-moi - T.1 Pleine lune [Terminé]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant