Chapitre 8.3

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Près de moi se tenait un loup, le loup à la fourrure noire et aux yeux d'ambre. La tête inclinée sur le côté, il me dévisageait de son regard hypnotique. La forêt bruissait autour de nous, myriades de sons étranges comme autant de battements de cœurs. Il fit un pas vers moi alors que je restais immobile. Ses poils ondulaient au rythme de sa démarche souple. Étrangement j'étais attirée par lui. Ma main se tendit pour le toucher. La vision me laissa ébahie. À la place de mon bras se trouvait une patte. Une patte de loup aux poils couleur argentés. Je voulus crier, mais seul un jappement sortit de ma bouche... ou plutôt de ma gueule. Tournant sur moi-même, j'examinais avec effarement ma silhouette. J'étais une louve ! Mon cerveau n'arriva pas tout de suite à assimiler l'information. Déboussolée, je reculais jusqu'à me retrouver acculée à un arbre gigantesque. Le loup continuait d'avancer vers moi, à pas de velours sur le tapis de feuilles mortes. Puis je me sentis maintenue. Par réflexe, je me débattis.


— Oh, mais c'est qu'elle a de la force la petite ! s'exclama une voix goguenarde à mon oreille.

— Attention, elle va se faire mal, tiens-lui le bras. Doucement quand même.

— Elle n'a pas encore subi la...

Ouvrant les yeux, le spectacle qui s'offrait à moi semblait encore plus étrange que mon rêve. Allongée sur une table d'opération, j'étais maintenue par Arenht et Sheren alors que deux autres personnes discutaient avec animation.

— Qu'est-ce qui se passe ? arrivais-je péniblement à articuler, ma gorge semblant en feu.

La peur faisait trembler ma voix. Surpris, les deux inconnus stoppèrent leur conciliabule pour s'approcher de la table. La pression autour de mes bras disparut.

— Ne t'inquiète pas Aylyn, tout va bien.

Je tournais la tête vers Arenht, plongeant dans son regard inquiet. Je me détendis légèrement, même si la panique restait, latente en considérant le lieu où je me trouvais. Une table d'opération, encore. Qu'avais-je fait dans une vie antérieure pour mériter un tel karma ? Il m'avait sauvé, me répétais-je. Je ne craignais rien avec lui. Repensant à notre évasion, je me rendis compte que j'ignorais comment nous avions réchappé de cet enfer.

— Comment nous...

— Tu as été blessée, j'ai tiré plusieurs coups et dans la pagaille nous nous sommes enfuis, répondit-il.

Sa réponse semblait un peu trop préparée, comme un texte récité par cœur. Un bref échange de regard avec le dénommé Sheren accentua l'impression qu'il ne me disait pas tout.

— Où...

Peut-être était-ce la première question que j'aurai dû poser, mais dans mon état il n'y avait plus vraiment de place pour la logique.

— En sécurité, répondit Arenht.

Pour autant, ses traits trahissaient un tourment. Que me cachait-il ? Je me redressais tant bien que mal. Je le sentis esquisser un geste vers moi avant de se reprendre. Il gardait ses distances et cela me blessait. Il était mon seul repère au milieu de ces inconnus.

— Nous sommes au cœur du parc d'Algonquin, précisa l'homme me faisant face. Dans notre maison. Tu es ici comme chez toi.

Je relevais la tête vers lui, intimidé par sa stature.

Le leader c'était lui, sans nul doute possible. Il dégageait une aura palpable, une autorité naturelle inspirant immédiatement du respect voir de la crainte.

— Merci, je réussis à articuler.

— Nous allons t'installer ici pour cette nuit. Je pense qu'une bonne nuit de sommeil te fera du bien après tout ce que tu as enduré. Demain nous répondrons à toutes tes questions.

Il se tourna vers les deux hommes derrière lui. Arenht détourna les yeux, faisant mine d'examiner le tas de papiers posé sur sa droite. Doc me sourit légèrement comme pour me rassurer.

— Je m'occupe de tout ça, chef, affirma le jeune homme en s'approchant de moi.


Je masquais ma déception du mieux que je pus, tout en lançant un coup d'œil à celui qui m'avait sauvé. Il quittait déjà la pièce à la suite de son chef. Ma gorge se noua alors que mon seul repère disparaissait sans dire un mot. Je me sentis abandonnée alors qu'il ne me devait rien. Une main se posa sur mon épaule, canalisant aussitôt mes pensées. Les tremblements avaient repris, comme en réaction à la soudaine absence d'Arenht à mes côtés. Je rencontrais le regard franc et doux de Doc. Je tentais de lui répondre d'un sourire, cela n'eut pas l'air de le convaincre. Il s'assit à mes côtés. Juste une présence, pas de question indiscrète ni de conversation forcée. Me surprenant moi-même, je laissais ma tête se poser sur son épaule, envahie par la fatigue. 

Protège-moi - T.1 Pleine lune [Terminé]Where stories live. Discover now