Protège-moi - T.1 Pleine lune [Terminé]

Chapitre 1.1

Un rêve, un cauchemar. Si seulement...

Quatre années. Déjà. Pourtant il continuait à revenir me visiter de temps à autre.

Une soirée où tout avait basculé. Le jour de mes seize ans précisément, on ne pouvait souvenir plus mémorable d'un anniversaire. C'était la première fois que je m'aventurais dans les bois en pleine nuit. La lune, pleine et lumineuse, créait une atmosphère particulière. Un frisson délicieux m'avait parcouru alors que je m'enfonçais entre les arbres, un sentiment exaltant de liberté. À l'époque, les espaces sauvages ne m'effrayaient pas, bien au contraire. Je passais le plus clair de mon temps à arpenter les environs. Les forêts constituaient mon terrain favori.

Les détails restaient flous quant à eux. Comment m'étais-je retrouvée là ? Le blackout total, seule la suite apparaissait dans une clarté obsédante, une scène qui ne cessait de se rejouer sur le fond noir de mes nuits. Ils me poursuivaient, eux, des inconnus dont j'ignorais les motivations. Une certitude, cette nuit-là ils en avaient après moi.

Je n'osais fermer les yeux, pourtant la fatigue finissait par avoir raison de moi et alors ils me happaient. Le souvenir de leurs voix n'était en rien altéré par les années. Tout autant que cette odeur de tabac froid mêlé à une eau de toilette bon marché nichée dans mes narines de puis ce jour.

La peur. Je ne la connaissais pas avant, mais j'en avais senti toutes les subtilités en à peine quelques minutes. J'étais une proie pour eux.

L'incompréhension. Les muscles qui se tétanisaient, une immobilité forcée alors que le danger se rapprochait. Puis l'adrénaline qui fusait dans les veines, déverrouillant les chaînes de la panique, l'instinct de survie prenant le dessus. La fuite, à l'aveugle, les branches qui éraflaient ma peau, autant de zébrures de feu dont je me moquais. Je trébuchais, mes pieds dérapant sur le sol terreux jonché de feuilles mortes. Même dans mes cauchemars le goût âcre de la peur emplissait mon palais, mon ventre se tordait sous les vagues d'angoisse. Mes paupières se crispèrent avec force comme pour m'échapper du souvenir, mais mon esprit refusait de coopérer tout en sachant pertinemment que rien n'était réel.

Il allait arriver. Je me raccrochais à cette certitude pour ne pas sombrer plus profondément. Le grondement roula jusqu'à mes oreilles, un avertissement pour mes poursuivants. J'avais sursauté tout en me plaquant davantage contre le tronc d'arbre derrière lequel j'avais trouvé un rempart dérisoire.

La course effrénée des hommes s'était brutalement ralentie, leurs pas hésitants. Plus d'interpellations. Un silence où la peur, leur peur, devenait palpable.

À peine une ombre, voilà ce que je discernais alors que l'animal passait non loin de moi dans leur direction. Un loup, au pelage de velours noir et aux prunelles d'ambre. Un regard lancé en arrière avant qu'il ne se fonde dans les broussailles. Des cris me parvenaient, assourdis par la distance.

Longtemps, je restais prostrée contre l'écorce rugueuse, faisant presque corps avec l'arbre, mes mains engourdies par le froid comme incapable de se détacher de lui.

Mon cerveau ne cessait de se débattre sous les flashbacks. La plupart des nuits, je demeurais les yeux grands ouverts, toute entière tendue par la peur revécue.