Chapitre 9.3

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Je les regardais sans comprendre – ou plutôt sans oser comprendre. Où étais-je tombée ? Peut-être avais-je des séquelles ? Ma tête avait dû heurter le sol. J'hésitais à le faire répéter, oscillant entre la peur de paraître ridicule et celle d'avoir parfaitement entendu. Je ne savais pas lequel des deux était le pire.

Je me recroquevillais sur ma chaise, totalement abasourdie par le déferlement d'informations qui me tombait dessus. J'allais me réveiller, dans ma chambre d'étudiante et me rendre compte que j'avais tout imaginé. Peut-être un délire psychotique ? Je n'étais pas à l'abri de tomber dans la paranoïa, alors ne plus savoir dissocier le rêve du réel, rien d'extraordinaire. Je me pinçais machinalement le bras et grimaçais aussitôt de douleur. Si j'en croyais ce test imparable, j'étais tout ce qu'il y avait de plus réveillée. La surface d'un doux ton gris de la table m'hypnotisait. Je m'abîmais dans sa contemplation pour ne pas céder à la panique. Une inspiration ample puis une expiration lente, contrôlée. La pièce semblait tourner autour de moi. Ma main libre s'accrocha au rebord de la table, tandis que celle reposant sous la main de mon voisin se recroquevillait sur elle-même.

— Vous l'effrayez plus qu'autre chose là.

La voix d'Arenht me sortit de mon malaise, stoppant le vertige dans lequel je me débattais. Je clignais rapidement des yeux. Un air désolé s'afficha sur le visage de Declan.

— Je suis désolé Aylyn. C'est une première pour moi d'annoncer ce genre de choses. Loin de moi l'idée de te choquer. Autant te dire la vérité tout simplement, sans détour.

Il prit une brève inspiration avant de poursuivre. Je frémis en attendant la révélation.

— Nous sommes des loups-garous.

Des loups-garous. Mais bien sûr, rien de plus normal. Je réprimais un fou rire nerveux. Et pourquoi pas des vampires ? Habituellement c'était plus vendeur. Croisant le regard d'Arenht je m'abstins d'exprimer ce commentaire à voix haute. Seul Sheren affichait un air enjoué en totale opposition avec le sérieux de la discussion. Il semblait se douter du chemin que prenaient mes pensées.

— T'aurais préféré les suceurs de sang ? lança-t-il.

Je faillis m'étrangler en avalant ma salive. Peut-être pouvait-il vraiment lire dans mes pensées !

— Sheren ! le rappela à l'ordre Declan.

— Ben quoi, rien qu'à regarder sa tête on devine qu'elle ne gobe pas un mot. Tu sais bien qu'on n'est rien d'autre qu'un mythe pour le commun des mortels. Dans le même panier que les vampires.

— Sauf qu'eux sont vraiment un mythe, souligna Doc en me faisant un clin d'œil.

Parce que les loups-garous c'était plus crédible ?

Declan se passa une main sur le visage. Apparemment ce n'était pas dans ses habitudes de devoir expliquer ce genre de choses à une inconnue.

— Regarde ta blessure, m'enjoignit Doc. L'une des particularités de notre espèce est une régénération des cellules très rapide. Sans parler de guérison instantanée, on gagne pas mal de temps pour récupérer. Je paris que tu n'as pratiquement plus aucune trace de cette balle.

Mes doigts vinrent machinalement se poser sur le pansement sous mon pull. Je me mordillais les lèvres, indécises. Arenht me caressa doucement la main de ses longs doigts. Par ce geste il me rassurait, me demandait de lui faire confiance, de leur faire confiance. Alors que je savourais ce contact malgré toute cette situation, mes doigts vinrent soulever le tissu puis tirer sur les bords du pansement. Mes yeux s'écarquillèrent en découvrant l'état de ma peau sous la gaze immaculée.

— Il n'y a plus rien, balbutiais-je. Mais comment ? Pourquoi ? Qu'est-ce que...

J'avais officiellement perdu pied. Mon cerveau peinait à assimiler ce que mes autres sens percevaient. Tout un tas de questions jaillissait dans mon esprit, le saturant. Si j'étais vraiment... ce qu'ils disaient que j'étais, pourquoi l'ignorais-je ? Mes parents... En étaient-ils ? Certainement, mais pourquoi ne m'avoir rien dit ?

— Tes parents ont voulu te protéger. Ils nous ont contactés, car ils se savaient menacés.

Je braquais mon attention sur Declan, assimilant ses paroles. Ils étaient au courant. Les larmes me montèrent aux yeux, sans prévenir. Trop, cela faisait trop à absorber. Sans réfléchir, je me levais brusquement pour lui faire face. Personne ne réagit, mais je sentais toute l'attention braquée sur moi.

— Pourquoi ne pas les avoir sauvés alors ? articulais-je d'une voix blanche.

Des toussotements gênés trouèrent le silence pesant. Je demeurais là, les larmes dévalant mes joues à présent et les jambes flageolantes.

— Je regrette profondément ce qui leur est arrivé. Ils nous avaient demandé de veiller sur toi, ce que nous avons fait. Yorsha a eu l'idée d'installer un traceur sur ton téléphone.

Je leur jetais un regard incrédule. Ils m'avaient espionné ! Je pensais aussitôt aux sms envoyés à Cassie dans lesquels je parlais d'Arenht, me creusant la cervelle pour me les rappeler. Avais-je mentionné son nom lorsque je parlais de lui ? Avais-je...

Declan leva les mains en signe d'apaisement, sentant la direction de mes pensées.

— C'était une précaution dans l'unique but de veiller sur toi. À aucun moment nous ne nous en sommes servis pour entrer dans ta vie privée. Nous avons juste utilisé la fonction GPS. Elle a permis à Arenht à te localiser...

Il ne poursuivit pas sa phrase, pas besoin. Cette fameuse nuit n'était pas près de s'effacer de ma mémoire.

— Jusqu'à cette nuit où ils t'ont enlevé. Nous ignorions alors que tes parents n'étaient plus et que tu serais seule chez toi. Le lendemain nous avons remarqué la disparition du signal. 

Protège-moi - T.1 Pleine lune [Terminé]Where stories live. Discover now