Chapitre 19.3

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Lorsque le véhicule s'arrêta enfin, Arenht attendit que Sheren s'assure que le périmètre soit dégagé avant de m'extraire de là. Une extraction, il n'y avait pas d'autres termes pour désigner la scène. Sans l'aide des deux hommes, j'aurai mis un temps infini à me dégager de là, ou je serais restée à l'intérieur pour éviter le moindre mouvement réveillant la douleur. Notre planque se situait au deuxième étage. Jamais je ne fus aussi soulagée de voir un ascenseur dans un immeuble. À demi affalée sur mon coéquipier, je lorgnais les chiffres du panneau de contrôle. Plus vite. 1. 2. On y était. La petite sonnerie annonçant l'ouverture des portes me tira de ma léthargie et j'avançais, avec mon escorte personnelle vers la porte. Une fois à l'intérieur, Sheren alla se placer à la fenêtre pour surveiller la rue en contrebas pendant qu'Arenht m'aidait à m'étendre sur le lit. La soudaine absence de mouvement fit refluer la douleur. J'essayais de me détendre.

— Doc est en route, m'indiqua-t-il tout en amenant une boîte rectangulaire.

Il en sortit une bouteille puis des compresses.

— Tu permets ? Je vais faire ça un peu mieux que tout à l'heure.

Je hochais la tête, relevant mon tee-shirt. Lorsqu'il souleva le pansement de fortune, je grimaçais un peu. Il entreprit de bien nettoyer la plaie, le plus doucement possible, avant de remettre une compresse propre et un pansement par-dessus.

Quelqu'un me poussait. Le mouvement répétitif me fit gronder tout bas. J'ouvris difficilement les yeux pour découvrir mon ami. Oh, j'avais dû m'assoupir.

— Ça va ma Belle ?

— Hé, Doc... À peu près.

— Laisse-moi examiner ça.

En détournant la tête de ma blessure, je remarquais tout son attirail. Allongée sur le lit, je n'en menais pas large. J'essayais de garder un visage impassible et de ne pas me focaliser sur les instruments étincelants. Mon tee-shirt relevé dévoilait la blessure suintante de sang.

— Le projectile n'est pas ressorti. S'il s'agit de ce à quoi je pense, il faut le sortir sans tarder.

— Des balles d'argent, souffla mon coéquipier.

Les instruments étaient soigneusement alignés sur le tissu de couleur vert pâle. À bien y regarder, le même espace les séparait. Je reconnaissais le soin et la minutie avec lesquels Doc organisait ses affaires. Je l'avais déjà taquiné avec cette manie presque obsessionnelle de l'ordre. Oui je déviais du sujet, oui je me focalisais sur autre chose pour éviter de songer à ce résidu d'argent fiché dans ma chair.

— Vous ne pourriez pas faire la conversation, grognais-je sous l'effet de la douleur et de la panique mêlée. Histoire de me changer les idées.

— Quand Antonh est bourré, il adore pousser la chansonnette et là, attention le carnage.

Je me tournais vers Arenht en me retenant de rire.

— Sérieusement ? Tu balances ton frère ? C'est un peu facile.

— Tu m'as pris au dépourvu, se défendit-il avec un sourire en coin. Et ça fonctionne c'est le principal. De plus c'est une info vitale, car le jour où il te proposera un karaoké, tu sauras à quoi t'attendre.

— Une suggestion, commenta Doc. Fuis.

Tout en parlant, il ne cessait de mettre tout en place.

— À ce point ? OK, je prends note. Rien sur notre chef ? tentais-je.

— Pas touche au patron, déclara avec sérieux Doc. On tient à nos vies.

— J'aurais tenté. Et vous... Ohhhh merde !

Doc venait d'introduire une espèce d'engin de torture dans ma chair. Je me crispais sur la table, les dents serrées. Quelques mouvements experts suffirent. La tête me tournait alors qu'il ressortait la pince enserrant la balle patinée de sang. Le bruit sourd qu'elle émit lorsqu'elle heurta le bol métallique me fit tressaillir.

— C'est bon ? demandais-je d'une voix blanche, encore ébranlée par la taille de l'objet.

Une compresse fut appliquée sur mon abdomen, puis une bande adhésive pour la maintenir en place. La main d'Arenht avait trouvé la mienne juste au moment de l'extraction. Je m'aperçus que mes doigts agrippaient encore les siens. Gênée, je relâchais la pression, le libérant.

— Ça va ?

J'essayais de sourire pour le rassurer, mais le résultat dut être pitoyable. La tête me tournait et j'avais l'estomac en vrac.

— Repose-toi. Tu as géré.

— Je confirme, intervint Doc. J'en connais qui se sont évanouis lors de leur première extraction de balle. Non, je ne donnerais pas de nom, dit-il en surprenant mon air intéressé. Pas aujourd'hui, précisa-t-il sur un clin d'œil. 

Protège-moi - T.1 Pleine lune [Terminé]Where stories live. Discover now