Chapitre 15.2

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Doc m'avait fait le rapide résumé des différentes étapes de la transition. Mes sens allaient s'affiner de plus en plus jusqu'à arriver à pleine maturité. Je ne m'étais pas spécialement posée de questions sur la manière dont j'allais percevoir les changements. J'allais rapidement me rendre compte qu'ils étaient loin de passer inaperçus dans le quotidien, surtout concernant mes rapports avec certaines personnes.

Les premiers effets ayant une répercussion directe sur mon quotidien se manifestèrent un soir. Les sons violents de la ville résonnèrent avec une intensité nouvelle. Je m'emprisonnais la tête entre les mains pour en atténuer l'impact. Impossible de dormir dans ses conditions. Je me tournais vers mon réveil. L'affichage lumineux indiquait trois heures du matin. Impossible d'appeler Doc. Ce n'était pas une urgence, enfin, pas vraiment. Quoique... J'avais l'impression que mon crâne allait éclater. Rejetant le drap, je me levais et farfouillais dans mon tiroir à la recherche de mes écouteurs. Peut-être qu'ainsi, j'occulterais une partie des sons. Je plaquais les écouteurs et sélectionnais ma playlist favorite. Quitte à perdre l'ouïe, autant que cela soit avec de la bonne musique. J'appuyais sur lecture et augmentais graduellement le volume. Je fermais les yeux, me rallongeais et soufflais de soulagement. J'avais réussi à mettre entre parenthèses le bruit ambiant et m'immergeais avec délice dans les accords acoustiques de la chanson.

Le lendemain, un autre symptôme me perturba. Je devais retrouver Arenht pour une séance d'entraînement. Dès que je l'aperçus dans la salle, je tressaillis. Allez savoir comment c'était possible, il dégageait encore plus de charme que d'habitude.

Son souffle chaud caressant ma joue alors qu'il m'expliquait les différentes manières de me défendre, ses mains sur ma hanche pour guider mes mouvements. Il n'avait sûrement aucune idée de l'effet qu'il me faisait. C'était de plus en plus difficile de donner le change.

La montée vers la salle de réunion faillit avoir raison du sang-froid que j'avais réussi à conserver jusque-là. La cabine de l'ascenseur dans laquelle nous nous tenions rendait la présence de mon coéquipier trop intense. C'est comme s'il emplissait tout l'espace. L'impression d'étouffer m'envahit, mais différente de celle de mes crises d'angoisse. Des images m'assaillirent, tout droit tirées des livres romantiques que je dévorais depuis mon adolescence, des scènes où l'ascenseur plantait le décor.

Je pris une profonde inspiration pour me ressaisir. Son odeur emplit mes sens. Ma louve, compris-je, surprise par l'intensité de mon odorat. Je fermais brièvement les yeux en me fustigeant de ma mauvaise idée. Ce n'était pas vraiment le bon moment ni le bon endroit pour avoir mes perceptions décuplées. Je me mordis la lèvre et tombais alors sur l'expression amusée de mon coéquipier. Je suis mal, songeais-je en me sentant rougir jusqu'à la racine des cheveux. Si seulement les loups-garous ne rougissaient pas...

Parmi toutes les capacités spéciales, celle de pouvoir cacher mes émotions m'aurait bien servi, malheureusement celle-ci ne faisait pas partie du package. Un sourire amusé m'échappa alors que je me faisais ces réflexions.

— Partage, partenaire.

— Hein ? Quoi ?

Je le regardais d'un air stupide. Son sourire s'agrandit alors qu'il se tenait devant moi, adossé à l'une des parois de la cabine, les bras croisés.

— Tu pensais à quelque chose d'amusant, non ?

— Euh, oui en quelque sorte, bafouillais-je en me demandant comment j'allais pouvoir me sortir de ce pétrin sans me ridiculiser davantage. Je pensais à nos super pouvoirs.

­— Des super pouvoirs ? Oui, c'est une façon de voir les choses. On peut dire qu'on a été gâté par la nature.

Il se passa la main dans ses mèches sombres. Il n'aidait vraiment pas. Je réprimais l'envie impérieuse de passer mes propres doigts dedans. Je trouvais un soudain intérêt au panneau de contrôle, regardant la lueur bleutée passer d'un chiffre à l'autre. N'importe quoi pour détourner mes pensées de lui, de calmer les pulsions qui me traversaient tels des éclairs.

Doc n'avait pas dû croire utile de me prévenir de ce type de désagrément, ou bien l'avait-il passé volontairement sous silence. Je n'allais pas pouvoir me cloîtrer indéfiniment dans les toilettes. On allait finir par trouver étrange que je prenne autant de temps. Devant le lavabo, j'étudiais mon reflet avant de souffler de désespoir. Tu es trop transparente ma fille, murmurais-je avant de me rafraîchir les joues.

C'était un doux enfer d'être à ses côtés. 

Protège-moi - T.1 Pleine lune [Terminé]Opowieści tętniące życiem. Odkryj je teraz