Chapitre 14.2

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On roulait à vive allure sur la route encombrée menant au centre-ville. Je laissais mon regard errer à travers la vitre. Au-delà de la voie rapide, sur laquelle s'entassaient des centaines de voitures toutes plus pressées les unes que les autres, se dessinaient les hautes silhouettes des tours surmontées d'énormes logos publicitaires. Le ciel d'un bleu limpide agressait presque le regard, forçant à plisser les yeux pour en atténuer la luminosité. Mon chauffeur n'était pas très loquace. Concentré sur l'itinéraire, il ne m'avait adressé la parole qu'une fois depuis notre départ, pour me demander d'éteindre la radio, car cela le déconcentrait. J'avais failli sortir de la voiture et le planter là. Un trajet de plus de deux heures sans musique se présentait d'ores et déjà comme une chose d'un ennui mortel, proche de la torture. En ce moment présent, je ne pouvais que conforter cette opinion. Un silence pesant emplissait l'habitacle troublé de temps à autre par le léger cliquetis du clignotant. J'en aurais hurlé de frustration, j'allais devenir dingue avec cette ambiance digne d'un enterrement. Sans être particulièrement sociable et volubile, un minimum de fond sonore ou d'échange verbal n'aurait pas été de refus dans ce lieu confiné. Pourquoi je n'avais pas pensé à emporter mon mp4 maugréais-je en moi-même.

Je n'osais même pas lui poser une question, engager la conversation avec quelqu'un d'aussi fermé me paraissait impossible. Me mordillant nerveusement la lèvre inférieure, j'attendais avec impatience d'arriver à destination, le nez collé à la vitre pour tromper mon ennui. Bientôt je serais confrontée à mon ancien chez-moi. J'arpenterai le vieux plancher de la maison familiale et je serai entourée de mes souvenirs d'enfance. Je savais qu'aller récupérer ce que mes parents avaient laissé était une étape importante. Il fallait que je tourne la page pour aller de l'avant, pour autant l'appréhension ne cessait de grandir au fur et à mesure que nous approchions. Mes mains tremblaient légèrement, des fourmillements parcouraient mes doigts, mon ventre faisait le grand huit : signes typiques de mon anxiété. Et pas de musique pour m'apaiser un tant soit peu. Fichu chauffeur.

L'impact me prit totalement par surprise. Mon corps fut projeté vers l'avant, violemment retenu par la ceinture de sécurité avant d'être plaqué contre le siège, ma tête rebondissant contre l'appui-tête. Désorientée, je tentais de reprendre mon souffle tout en jetant un coup d'œil vers l'arrière. Une berline noire aux vitres teintées s'apprêtait de nouveau à nous percuter. Son capot luisant s'approchant à vive allure. La panique enfla en moi tandis que je me tournais vers mon chauffeur, les mains agrippées à ma ceinture. Celui-ci, les mâchoires crispées dans un tic nerveux, embraya rudement tout en appuyant lourdement sur l'accélérateur. Notre modeste véhicule fit un bond puis fila droit devant. Les yeux rivés sur le compteur, j'étais hypnotisée par la course de l'aiguille rouge derrière le cadran. Plus vite, allez plus vite. Je compris que Declan ne m'avait pas alloué un quelconque chauffeur. Celui-ci tenait plutôt du garde du corps, habitué aux missions sous tension. Habilement, il traçait sa route dans la circulation dense, changeant de voie avec une facilité déconcertante en esquivant les voitures plus lentes, tentant de semer nos poursuivants. De temps en temps il jetait un regard dans le rétroviseur pour s'assurer de notre avance. Celle-ci ne devait pas être terrible vue la tension tendant le moindre de ses muscles. Un regard derrière moi me confirma mes craintes. Le conducteur de la berline était loin d'être un amateur, il nous collait au train, malgré les coups de volant agiles de mon partenaire de route.

— La boîte à gants. Prends l'arme, me dit-il soudain, d'un ton où l'urgence pointait. 

Protège-moi - T.1 Pleine lune [Terminé]Where stories live. Discover now