Protège-moi - T.1 Pleine lune [Terminé]

Chapitre 18.1

Plongée dans mes pensées, comme à l'ordinaire, je faillis passer à côté de sa silhouette solitaire. Les subtiles notes épicées m'arrêtèrent. J'inspirais profondément pour m'en imprégner et trouver le courage de l'aborder. Il n'avait certainement pas envie de me voir. Malgré mes pas silencieux, il se tourna vers moi dès l'instant où je passais le couvert des arbres. Il se tenait sur un escarpement du terrain, dominant le cours d'eau en contrebas. Sous son regard impassible, j'hésitais à m'avancer davantage. Devant son absence de réaction, j'osais m'approcher. Sous cette forme, j'arrivais à faire preuve de plus de courage que d'ordinaire.

Il reprit la contemplation du paysage. Il n'allait pas me faciliter la tâche.

— Je m'excuse. Je ne voulais pas te mettre dans cette situation. Je...

Son silence ne m'aidait vraiment pas. J'aurais préféré qu'il s'énerve sur moi.

— Tu as clairement le droit d'être en colère contre moi. Je le mérite. C'est juste que... J'aurais voulu t'expliquer pourquoi je l'ai fait.

— Pour nous protéger, c'est ça ?

Je sursautais à sa pensée. Il avait visé juste, sauf que j'ignorais s'il émettait une suggestion ou s'il se moquait de moi.

— Oui. Il connaissait notre secret. Il m'a montré des photos de nous tous.

— Tu lui fais confiance alors qu'il nous menaçait ? Alors qu'il t'a menacé.

Son intonation s'était faite plus menaçante sur les derniers mots. Je lui jetais un coup d'œil furtif pour jauger de son humeur. Ses babines légèrement retroussèrent confortèrent mon impression. Il n'avait pas été dupe une seule seconde dès qu'il avait découvert le couteau en argent. Qu'Ethan soit encore en vie montrait qu'il se souciait assez de moi pour museler ses pulsions.

— Il ne m'aurait pas fait de mal, je le sais. S'il l'avait vraiment voulu, il m'aurait déjà tué. Il avait besoin de réponses. Je peux le comprendre.

— Parfois je me demande si tu n'es pas trop naïve.

Il soupira.

— Ou si c'est juste moi qui ai du mal à voir encore du bon dans la nature humaine.

— Tu as l'habitude de te méfier, de garder un œil sur les potentiels problèmes, de protéger. Ta réaction est normale, l'assurais-je.

— C'était et c'est toujours une menace. Mais... je veux bien lui laisser le bénéfice du doute. Pour toi.

Je rencontrais ses prunelles ambrées. L'espace d'un court instant, une sorte de connexion s'opéra entre lui et moi. Le souffle suspendu, je n'osais bouger de peur de rompre cet échange silencieux. Mon cœur battait la chamade. Puis la connexion fut rompue. Il s'était soudainement détourné, en alerte. Un léger grondement s'échappa de sa gueule. Je mis quelques secondes à réagir. Mes sens m'apportèrent une odeur inconnue. Quelqu'un approchait, un étranger. Arenht se mit en position d'attaque, prenant soin de se mettre devant moi.

Un mouvement se devina derrière les arbres face à nous. Des pattes émergèrent, puis une tête curieuse. La silhouette souple et robuste au pelage d'un gris argenté se déploya devant nous, sa démarche assurée témoignant de sa témérité. Le grognement se fit plus sonore du côté d'Arenht.

— Reste derrière moi, m'intima Arenht avant de s'avancer vers l'intrus.

Alors qu'il réduisait la distance à son tour, je pus le distinguer avec précision. Perplexe, je me demandais d'où me venait cette impression de déjà-vu. Les deux prunelles sombres du loup nous détaillaient avec arrogance, s'attardant sur moi avec une insistance qui me mit mal à l'aise. Arenht n'apprécia pas cet intérêt prononcé et découvrit ses crocs dans sa direction.