Chapitre 11.3

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« Tu vas bien ? »

Cette fois, ce n'était pas ma louve, aucun doute. Entendre sa voix grave à l'intérieur de ma tête me troubla, une forme d'intimité à laquelle je ne m'attendais pas. Au moins il ne me verrait pas rougir. C'était le moyen de communication des loups-garous, rien de plus. Il allait falloir l'employer à mon tour, sauf que... rien de tout cela n'avait été livré avec le mode d'emploi.

— Oui. Je crois...

Finalement, ce n'était pas si sorcier. Il suffisait de « parler » comme d'habitude, sauf qu'aucun son ne sortait à l'extérieur. Sa présence me surprenait. Nous ne nous étions pas parlés depuis cette scène dans les vestiaires, à peine nous croisions nous. Et le voilà qui apparaissait au moment où je me sentais la plus vulnérable, émergeant à peine de ma métamorphose. Mais nous étions seuls, isolés du reste de la bande et peut-être attendait-il cette occasion pour enfin mettre les choses à plat.

— Si tu veux être seule..., commença-t-il.

— Non, reste, m'exclamais-je aussitôt, dans un cri du cœur. Je... Tu ne me déranges pas, ajoutais-je gênée.

Il s'approcha un peu plus, ses prunelles d'ambre braquées sur moi, hypnotiques.

— Belle couleur, constata-t-il. L'ombre et la lumière. On forme la paire, plaisanta-t-il.

Je me liquéfiais sur place. Sous forme humaine, mes joues chaufferaient littéralement. Se rendait-il compte de l'effet qu'il avait sur moi ? J'espérais que non, intérieurement morte de honte. Je ne savais plus que penser. Il se comportait comme si ces derniers jours ils ne les avaient pas passés à m'esquiver. Pour autant, je saisis la perche qu'il me tendait.

Ma louve affleura à mon esprit. Cette cohabitation me déstabilisait encore un peu, mais une connexion incroyable nous liait. C'était comme enfin rencontrer la partie qu'il me manquait adolescente, une amie intime me connaissant par cœur. Toutes ces années, présente sans que j'en aie conscience. Face au loup couleur de nuit, elle ne cachait pas son attraction, admirant sa silhouette aux muscles finement dessinés. Sous sa forme animale, il dégageait autant de charisme qu'en tant qu'humain.

Trouve un sujet de conversation, m'intimais-je alors que le silence nous enveloppait.

— Je voulais te dire..., me devança-t-il. Je m'excuse pour mon comportement.

— Ce n'est rien, l'assurais-je, troublée par l'émotion transparaissant dans sa voix.

— Non. Je me suis comporté comme un abruti, lâcha-t-il. Tu venais de débarquer dans un endroit inconnu et je t'ai... abandonné.

Le dernier mot fut comme un murmure. La culpabilité résonnait à travers chaque mot, me broyant le cœur. Même si c'était la vérité, je détestais le voir dans cet état.

— Pourquoi te sens-tu à ce point coupable ?

La question avait franchi mes lèvres sans que je puisse la retenir. Je voulais comprendre pour l'aider à effacer cette douleur qui le rongeait. Il secoua la tête, le museau baissé.

— Je vais bien, insistais-je. Sans toi je ne serais pas là. Je ne vous aurai pas autour de moi.

Il releva sa belle tête noire. Sa gueule esquissa ce que je pris pour un sourire.

— Bientôt c'est toi qui vas me rassurer, s'amusa-t-il. Accepte mes excuses. J'avais juste besoin de...digérer certaines choses.

J'acquiesçais, avant de m'agiter un peu. Mes pattes me démangeaient, parcourues de légers frissons. Arenht le remarqua aussitôt.

— Ah, je pense que ta louve veut profiter. C'est la première fois qu'elle va pouvoir se dégourdir les pattes.

Sur ces mots, il bondit, s'élançant vers les grandes étendues boisées. Je restais sur place, hésitante, mais ma louve me poussa à le rejoindre. J'avais tellement peur de me ridiculiser, la peur irrationnelle de ne pas m'en sortir à quatre pattes. Autant d'inquiétudes inutiles au final. Dès que mon corps se mit en mouvement, tout s'enchaîna avec une facilité naturelle. C'était comme si j'avais été une louve toute ma vie, dans un sens, une part de moi oui. 

Protège-moi - T.1 Pleine lune [Terminé]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant