Chapitre 26.3

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Avant de parler avec mon ancien partenaire, je me devais d'aller voir le chef. Je trouvais le bureau désert. Évidemment, une réunion se tenait actuellement dans la salle en bas, celle à laquelle Arenht s'était rendu. Par la force des choses, je n'y participais pas. Je refoulais la sensation désagréable d'exclusion que je ressentis. Je m'asseyais face au bureau, bien décidé à l'attendre. Pas question de remettre cette conversation à plus tard. Je n'étais pas certaine de trouver le courage nécessaire si je laissais passer l'occasion. Au bout de quelques secondes, je me levais et arpentais la pièce, incapable de tenir en place. Mon esprit ne cessait de ressasser les derniers évènements. Mes mains se plaquèrent sur mes tempes comme pour contenir l'agitation à l'intérieur.

Le bruit de la porte me tira de ma torpeur. S'il fut surpris de ma présence, il n'en montra rien. Je lui enviais cette faculté d'intérioriser ses émotions, d'être si difficile à cerner. Tout le contraire de moi en somme. Il s'approcha et je peinais à le regarder en face. Sa main vint se poser doucement sur mon épaule avant de m'attirer vers lui.

— Tu nous as fait une belle frayeur, jeune fille.

Je pris une inspiration tremblante. Raconter mon cauchemar à Antonh m'avait vidé émotionnellement, mais en venant ici, je savais que je devrais y repasser. Je refis donc le récit.

— Declan, je... je tenais à m'excuser.

Ma gorge se noua. J'attendais sa réaction. Lui plus que quiconque devait m'en vouloir. Ce n'était pas seulement moi que j'avais mise en danger.

— Je n'ai pas réfléchi aux conséquences. Je vous ai mis en danger, tous. Je... je te jure que je ne leur ai rien dit.

Ses bras m'éloignèrent de lui pour mieux me scruter. Je frémis en avisant son visage marqué par une rage froide et meurtrière. La mâchoire crispée, ses yeux flamboyaient, aussi tranchants que l'acier.

— Ils vont payer, Aylyn. Je t'en fais le serment. Mais... crois-tu que je sois insensible au point de m'inquiéter des possibles informations qu'ils t'auraient arrachées avant toi ? Toi, tu es importante pour moi. Vous tous. Notre clan.

— Je ne voulais pas te blesser, l'assurais, les larmes aux yeux. Je sais à quel point tu prends soin de nous. Tu es... Tu es comme un père pour moi.

Je vis l'émotion traverser ses traits avant de s'estomper.

— Tu avais sûrement tes raisons pour partir ainsi et je ne te demanderai pas de comptes. Juste... Parle à Arenht. C'est ton coéquipier, ton ami, il a besoin d'explications, surtout après t'avoir récupéré blessée et inconsciente. Je ne l'avais pas vu dans cet état depuis Zariah.

Mon ventre se serra instinctivement. Apparemment une personne importante pour Arenht. Declan m'observa un instant, avant de se décider à poursuivre.

— C'était la sœur d'Antonh et d'Arenht. Elle avait ton âge.

Un sourire nostalgique passa sur ses lèvres à son évocation. C'était. Oh mon dieu...

— Elle a été assassinée par l'un des membres du Groupe L. Arenht... Il ne s'est jamais vraiment remis de sa mort. Il se sent coupable de ne pas avoir su la protéger. La culpabilité est un sentiment habituel dans de telles circonstances, mais dans son cas, elle prenait l'ascendant sur tout le reste. On a eu peur pour lui, même son frère avait du mal à l'atteindre.

— Je ne comprends pas, qu'est-ce que tu entends par...

— Son double animal a pris le dessus, la version plus sombre de lui-même.

J'enregistrais les informations, commençant à discerner la complexité de la situation, à comprendre les réactions parfois étranges du jeune homme.

— Mon appartement, c'était celui de Zariah, énonçais-je à mi-voix. Voilà pourquoi il n'y a jamais mis les pieds.

— Oui, confirma Declan. Il est resté dans l'état. Ils n'ont jamais pu se résoudre à le vendre. L'idée de t'y installer venait d'Antonh.

Les pièces du puzzle s'imbriquaient dans ma tête, me donnant le tournis. Cela faisait beaucoup à encaisser niveau révélation.

— C'est toi qui lui as donné la mission de me surveiller.

Son petit sourire en coin apporta la réponse. Un éclair de colère me traversa et sans réfléchir, j'attaquais.

— Pourquoi ? Si je lui rappelais tant sa sœur, c'était cruel de lui infliger cela...

— C'est ce qui l'a sauvé au contraire, répliqua calmement Declan. Il n'était plus que l'ombre de lui-même avant que tu arrives ici. Une bête quasi dépourvue d'humanité.

— Je ne voulais pas le blesser en partant seule, murmurais-je, honteuse de la manière dont je venais de lui parler.

— Je sais. Mais il a besoin de l'entendre de ta bouche, de savoir que tu lui fais toujours confiance.

J'acquiesçais avant de prendre congé. Je devais digérer tout cela, me poser pour m'éclaircir l'esprit. Avant d'atteindre la porte, Declan me héla.

—Pour la Réception de demain, tu n'es pas obligée de venir si tu ne te sens pas bien.

Ah oui, cet évènement m'était sorti de la tête. J'hésitais, voyant une ouverture pour me dispenser d'y aller. En croisant le regard du chef, je me repris. Il comptait sur nous tous pour cette soirée et il comptait me présenter aux autres chefs de clans présents. Je lui devais bien ça.

— J'y serais. Comment faut-il s'habiller ? Je n'ai pas vraiment de tenue...

— Tout a déjà été livré à ton appart. Repose-toi bien.

Protège-moi - T.1 Pleine lune [Terminé]Tahanan ng mga kuwento. Tumuklas ngayon