Chapitre 17.3

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Je me mordis la lèvre en faisant carburer mes méninges pour trouver une explication qui tenait la route. Je n'osais penser à ce qu'il devait s'imaginer, moi dans un renfoncement avec un inconnu. Sans surprise je vis ses muscles se crisper, la tension envahir son corps. Mode attaque activée. J'aurais pu en rire si la situation n'était pas si grave. Désamorcer. Je me focalisais sur cet impératif. Je fis un pas de côté, priant de toutes mes forces pour que cet imbécile ne fasse pas tout foirer en m'empêchant de passer. Un seul geste dans ma direction et mon coéquipier le prendrait comme une menace. Arenht m'attira derrière lui, m'éloignant automatiquement du jeune homme.

— Tu m'expliques ?

Sa voix filtrait à peine entre ses dents serrées. Je le vis détailler attentivement Ethan, les sourcils froncés.

— Sa tête me dit quelque chose, marmonna-t-il.

— C'est Ethan, un ami de la fac. Tu as dû l'apercevoir à l'époque.

Comment présenter la suite ? Il prenait des nouvelles et de fil en aiguille je me suis dit, tiens et si je l'amenais voir ma nouvelle famille ? Je grimaçais intérieurement.

Perdue dans mes pensées, je ne me rendis pas tout de suite compte qu'Ethan s'était rapproché de nous. Le corps d'Arenht faisant rempart devant moi m'interpella.

— Bonjour, moi c'est Ethan. Je prenais des nouvelles d'Aylyn. La voir après sa disparition soudaine... Je suis content de voir qu'elle va bien.

La sincérité dans sa voix me toucha. Pour autant, j'étais littéralement en apnée, accrochée à la moindre parole sortant de sa bouche, prête à retenir Arenht. Enfin, à essayer.

— J'aimerais rencontrer sa nouvelle famille. M'assurer que des personnes de confiance l'entourent.

Mon ventre se crispa à ces mots. Il savait pour mes parents. Son regard se planta dans celui de mon coéquipier. Celui-ci haussa les sourcils devant l'aplomb de son interlocuteur. C'était une menace à peine voilée.

— Aylyn ?

Je déglutis péniblement.

— Je lui fais confiance, Arenht.

— Tu as conscience de ce que tu me demandes de faire ?

Le ton dur de sa voix me mortifia. Oui, j'en étais consciente. Je prenais le risque d'introduire un humain chez nous.

— Oui, soufflais-je. Il sait déjà pour moi. Pour la meute.

Ses yeux étincelèrent de colère. Il jaugea Ethan quelques secondes qui semblèrent s'étirer. Mon ami n'en menait pas large.

— Je me charge d'avertir Declan.

Il lâcha ces mots avant de tourner les talons, sans un regard vers moi. Nous le suivîmes jusqu'au parking. Voilà comment ma sortie venait de s'achever prématurément.

Un silence tendu régnait dans l'habitacle. Je ne pouvais m'empêcher de jeter de fréquents coups d'œil dans le rétroviseur. Ethan fuyait le contact visuel, restant le regard braqué du côté de la fenêtre. Et vu que la vitre était teintée, ce n'était certainement pas pour admirer le paysage. Le filtre opaque garantissait l'anonymat de notre trajet. Tout cela me paraissait surréaliste, la rencontre entre mes deux vies, mes deux entités. Deux univers en totale opposition. La tension émanant de mon partenaire n'aidait pas non plus à être sereine. Pour lui, la présence de mon ancien ami était synonyme de problèmes, rien de plus. Je tentais de l'atteindre en lui souriant lorsqu'il se tourna brièvement vers moi, mais je ne récoltais que mâchoires crispées et prunelles sombres. Comme si c'était de ma faute ! Je n'avais pas demandé à me faire agresser, encore moins prise en otage par mon ancien camarade de l'époque. Je me rencognais dans mon siège. Moi aussi je pouvais bouder.

Je ruminais intérieurement quand la voiture vira avec brusquerie sur la droite, envoyant cogner ma tête contre la vitre. Une accélération et la voiture repartit en faisant crisser les pneus. Ma gorge se noua, mes entrailles se tordirent, mes mains vinrent agripper avec force ma ceinture. Mes paupières s'étaient closes aussitôt. Ça recommençait. La panique s'empara de moi à vitesse grand V, les tremblements en prime. J'entendis Arenht jurer alors qu'il manœuvrait avec rudesse. Recroquevillée sur moi-même, je subissais une crise intense, ma respiration si laborieuse que j'étais au bord de la syncope. Alors que je n'arrivais plus à retenir mes gémissements d'angoisse, tout se calma soudain, l'accalmie après la tempête. Une portière claqua, puis une autre, un courant d'air frais sur ma peau avant de me retrouver enveloppée par deux bras puissants. Sur le coup je me débattis, certaine de me faire enlever. Puis, avant d'entendre le son de sa voix, ce fut son odeur qui m'envahit. Elle agit tel un calmant. Mes muscles se relâchèrent alors qu'il me gardait contre lui, me chuchotant des paroles apaisantes. 

Protège-moi - T.1 Pleine lune [Terminé]Where stories live. Discover now