Chapitre 14.3

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D'une main tremblante, j'ouvris celle-ci, ne pensant même pas à désobéir à son ordre. À l'intérieur, un lourd pistolet reposait, enveloppé dans un tissu sombre. L'extirpant de là, je le pris à deux mains, nullement rassurée. Ce n'était pas une première pour moi, mais le contact froid du métal contre ma paume ne me rassura guère.

— Tu sais t'en servir ? me demanda-t-il sans quitter la route des yeux.

— Je... Oui, enfin, je me suis déjà un peu entraînée au Complexe.

— C'est comme en entraînement alors, sauf que la cible n'est pas fixe. Tu retires la sécurité, tu vises et tu tires. Et surtout tu t'arranges pour ne pas me toucher.

— Dis comme ça, ça à l'air d'une simplicité enfantine, ironisais-je malgré moi.

Je me demandais comment il trouvait encore le moyen de plaisanter. Je fixais l'arme que je tenais, ne me sentant pas prête à passer à la pratique sur cible humaine tout de suite.

— Tiens-toi bien ça va secouer, me prévint-il avant de braquer brusquement, faisant tanguer dangereusement la voiture vers la gauche. Mes yeux se fermèrent automatiquement, mes mains lâchant le revolver pour agripper avec force les accoudoirs du siège.

À peine celle-ci se rétablit-elle, qu'il enfonça à fond la pédale d'accélération. Fébrilement, je rattrapais l'arme qui avait glissé à mes pieds. Il me regarda une seconde avant de se concentrer de nouveau.

Un bruit sec résonna à mes oreilles me faisant sursauter. Le rétroviseur droit venait d'éclater en mille morceaux.

— Bon, maintenant ils nous tirent dessus. Ils n'ont pas l'air de plaisanter.

Je me tournais vers lui, incrédule. Moi, la situation ne m'amusait pas, mais alors, pas du tout. Si lui avait l'habitude de se trouver dans ce genre de situation, ce n'était pas mon cas.

Alors que la vitre arrière explosait sous l'impact des balles, je me baissais vivement pour échapper aux tirs et aux éclats volant en tous sens. La situation me paraissait irréelle, comme si j'étais spectatrice de la scène. La voiture roulait à tombeau ouvert, slalomant au milieu des autres véhicules dont les conducteurs n'en croyaient pas leurs yeux. Eh oui les gars, pensais-je, y'a pas que dans les films que l'on voit ça. Profitant d'un temps mort, je me positionnais vers l'arrière, calant mes bras de chaque côté de mon appui-tête et braquais l'arme vers le pare-brise de nos agresseurs. Un étrange sentiment me gagna alors que j'avais le doigt sur la détente. L'envie de les tuer. Une violente pulsion de voir leur sang couler. Vengeance me hurlait ma louve. Je commençais juste à me faire à sa présence en moi et pour la première fois, son instinct animal ne fit plus qu'un avec le mien. Mes sens s'aiguisèrent au maximum de leurs possibilités. C'est avec un sang-froid dont je ne me serais jamais cru capable que j'appuyais sur la détente. Le coup partit et se planta dans le rétroviseur. Ajustant ma position, je fis feu de nouveau, la balle percutant avec un bruit mat la cible, traversant le verre teinté avant de finir sa course dans la tête du conducteur. Je retins un cri de victoire. La berline, sans contrôle, partit dans un brusque tête-à-queue, semant la pagaille dans les trois voies. Pour autant, nous n'étions pas tirés d'affaire, car en me retournant vers mon chauffeur, je pris conscience que notre voiture perdait de la vitesse et virait petit à petit vers la gauche. Avec effroi, je vis son visage cendreux et son corps s'affaisser comme au ralenti sur le volant. À sa tempe, le sang s'échappait d'un trou béant. Lâchant le pistolet, je laissais échapper un cri d'épouvante avant de plaquer mes mains sur ma bouche. De violents tremblements secouèrent mon corps alors que mon cerveau tentait d'assimiler la réalité dans toute son horreur. Les crissements des pneus sur l'asphalte et les coups de klaxon explosant autour de moi me firent réagir. Attrapant d'une main le volant, je repoussais avec difficulté le corps désormais sans vie de mon chauffeur contre la portière. Je ne connais même pas son nom, pensais-je. Il m'a sûrement sauvé la vie et je ne sais pas comment il s'appelle. 

  Je n'étais pas préparée à gérer ça. La panique menaçade m'engloutir. Tout se brouillait devant mes yeux alors que j'essayais dereprendre le contrôle de la trajectoire de la voiture. Celle-ci continuait sacourse. Y mettant toute la force qu'il me restait, je tournais le volant versla droite. Éviter de se retrouver dans le terre-plein central, à tout prix. Levéhicule tourna effectivement, manquant de se renverser, et alla finir sacourse dans la barrière de la bande d'arrêt d'urgence. Plaquée contre mon gardedu corps, je sentis ma dernière heure arrivée. La secousse m'envoya cognerviolemment la tête dans le pare-brise. La douleur explosa dans mon crâne, maisje me forçais à m'extirper de la carcasse, récoltant de nombreuses coupures surmes avant-bras. Je ne m'en souciais guère, dans quelques minutes la cicatrisations'effectuerait en un temps record. J'accédais au bas-côté et me fondais dansles broussailles bordant l'autoroute, rejoignant le plus rapidement possiblel'abri des bois alentour. Courbaturée suite au choc frontal de la voiture, jeredoutais la transformation. M'accroupissant, je pris sur moi pour calmer lesbattements désordonnés dans ma poitrine. 

Protège-moi - T.1 Pleine lune [Terminé]Donde viven las historias. Descúbrelo ahora