Chapitre 34.4

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Le bruit de griffes raclant le sol me fit sortir de mes pensées. Impatient, Arenht semblait prêt à s'élancer sur l'inconnu. Ses yeux flamboyaient, ambre liquide, pareil aux flammes des Enfers. Il bondit. Un nuage de poussière s'éleva derrière lui alors qu'il percutait déjà le loup blanc. Imperturbable, celui-ci ne broncha pas, se contentant d'encaisser le coup. Mais le loup noir ne comptait pas s'arrêter là, lui sautant à la gorge, il tenta de plonger ses crocs dans la fourrure neigeuse. Malgré son apparente apathie, son adversaire ne semblait pas disposer à se laisser mordre. D'une brusque torsion du corps, il se dégagea souplement de la prise du loup enragé, avant de le snober de nouveau.

Tu as l'air bien énervé mon vieux, résonna une voix dans ma tête. Il faut te calmer, tu effraies ta copine.

Le loup blanc tourna alors son attention vers moi. C'est lui qui venait de prononcer ces mots me rendis-je compte, et je l'avais entendu. Stupéfaite, je le regardais avec des yeux ronds. Étant sous ma forme humaine et incapable de me transformer qui plus est, cela aurait dû être tout bonnement impossible.

Pour toute réponse, Arenht gronda sourdement. J'aurais pu dire d'arrêter ici les frais. Son double sauvage avait pris l'ascendant sur son humanité. Argumenter revenait à parler dans le vent.

— Hum... Il semblerait que tu ais perdu la parole mon vieux. Si je ne t'avais pas vu te transformer devant moi, j'aurais pu penser être en face d'un loup 100 % nature, mais ce n'est pas le cas.

Il persistait à lui parler. Peut-être était-ce un moyen de détourner son attention. Oui, mais de quoi ? Balayant du regard les alentours, je ne vis pas âmes qui vivent à part nous trois. Arenht ne cessait de faire les cent pas, cherchant la faille pour l'attaquer. De nouveau il s'élança, rapide, ivre de violence. Plantant ses griffes dans le flanc adverse, il y dessina de profondes entailles. Le sang tacha la blancheur de la fourrure avant de s'étaler sur le sol. Le loup blanc riposta avec autant d'agressivité. Ses mâchoires se refermèrent à la gorge d'Arenht. Un grognement de douleur retentit. Avec horreur je contemplais le combat se déroulant devant mes yeux.

Je n'en pouvais plus d'être une simple spectatrice de leur duel, je souffrais pour lui, autant que si je recevais les pointes affûtées des crocs dans ma propre chair. La douleur rendait ma respiration haletante. Je voulus leur hurler d'arrêter, mais l'angoisse serrait ma gorge à un tel point qu'aucun son ne voulait sortir. Alors, fixant ma concentration sur eux, j'envoyais cette prière par la pensée, laissant éclater la supplique dans ma tête : Arrêtez !

Soudain tout se figea. Leurs têtes se tournèrent vers moi d'un même mouvement, aussi surpris l'un que l'autre. Ils m'avaient entendu pensais-je dans une bouffée de soulagement, avant de m'écrouler par terre, terrassée par une fatigue extrême. En moins de quelques secondes, Arenht se trouva à mes côtés, redevenu lui-même. M'appuyant sur lui, je passais les doigts sur son cou et sentis l'entaille près de sa gorge. La blessure guérirait vite songeais-je en me perdant dans son regard inquiet. Je lui caressais la joue avant de reporter mon attention sur l'autre loup-garou. Celui-ci, après s'être transformé à son tour, m'examinait à quelques pas de là, visiblement intrigué.

— Voyez-vous cela. Une femelle Alpha. Jamais je n'aurai cru en rencontrer une un jour et surtout pas par ici.

— Qu'entendez-vous par femelle Alpha ? ne pus-je m'empêcher de demander, encore secouée par la communication par la pensée.

Le visage de mon interlocuteur se troubla. S'approchant de nous, il s'adressa à Arenht sans me quitter des yeux.

— Ne me dis pas que tu ignores ce qu'elle est, mec. Alors là c'est trop fort.

— De quoi parles-tu, s'énerva Arenht, en resserrant son étreinte autour de moi.

— C'est une Alpha, mon gars. Tu l'as entendu dans ta tête comme moi. Seuls ceux issus des Premières Meutes peuvent projeter ainsi leurs pensées sous leur forme humaine.

Arenht fut aussi saisi que moi, peut-être même encore plus, car lui semblait savoir de quoi l'inconnu parlait, alors que moi je n'en avais aucune idée. Il resta silencieux quelques minutes digérant l'information.

— Il faut retourner tout de suite au Complexe, dit-il tout en me relevant. Et toi, si tu pouvais garder l'info, ça m'arrangerait.

— Faut voir, répondit le loup-garou. Des chefs de meute tueraient pour avoir un Alpha dans leurs rangs...

La main d'Arenht l'agrippa rudement au col de sa veste.

— Ne t'avise pas de nous menacer, ce n'est pas dans ton intérêt.

— Amène-moi à ton chef.

Je me remettais de mon étourdissement et tenais seule sur mes jambes. Silencieuse durant leur échange, j'essayais de comprendre les motivations de l'inconnu.

—Ton nom, demandais-je soudain.

— Argaëhl, répondit-il en s'inclinant devant moi.

Je sortis le téléphone de ma veste puis appelais Declan. Autant soumettre la requête directement à l'intéressé. En quelques mots j'expliquais notre rencontre avec le loup-garou et sa demande, puis je raccrochais avant de l'évaluer du regard.

— C'est d'accord, suis-nous.

Restant contre la chaleur d'Arenht, je passais mon bras sous sa veste, soulagée qu'il ne lui soit rien arrivé et inquiète de l'air tendu qu'il affichait depuis ce qu'avait dit Argaëhl. Les mots tournaient en boucle dans ma tête, « femelle Alpha », obscurs, mystérieux.

Protège-moi - T.1 Pleine lune [Terminé]Where stories live. Discover now