Chapitre 27.3

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— Oh, bonsoir Aylyn, me salua Lahra. Tu es en beauté ce soir.

Je traduisis mentalement : pour une fois tu ressembles à quelque chose.

Je mobilisais ce qui me restait de diplomatie pour lui retourner son salut. Je notais qu'Arenht amorçait un mouvement vers moi. Lahra fit un pas vers moi au même instant, une moue aux lèvres.

— Tu as l'air d'avoir chaud. C'est vrai qu'avec tout ce monde l'air est un peu étouffant. Enlève cette étole, ça ira déjà mieux.

J'ouvrais la bouche pour la remercier de sa sollicitude et lui signifier que tout allait bien quand je m'aperçus avec un temps de retard de son geste. Le tissu glissait déjà de mes épaules quand je sortis de ma torpeur pour le retenir. Le champagne avait engourdi mes membres, ralentissant mes mouvements. Lorsque mes doigts saisirent l'étoffe, une épaule et la moitié de mon dos étaient déjà exposées. Je me figeais, le cœur au bord des lèvres. Le dégrisement fut immédiat, le retour à la réalité aussi brutale qu'un coup assené en plein visage. J'entendis une exclamation étouffée derrière moi, puis une autre. La rumeur enflait telle une vague qui grossissait avant de s'abattre sur moi. Tous étaient témoins des horribles lacérations courant sur mon dos, tous. Mes poings se fermèrent, j'étais incapable de relever la tête et de croiser le regard d'Arenht. Par contre, je ne pouvais ignorer le bruit de sa respiration hachée.

Sans dire un mot, il enleva sa veste et me couvrit les épaules avec. Lorsque je relevais la tête, je vis que son regard s'était assombri, sa bouche réduite à une ligne crispée.

Lahra essaya de le retenir, de s'excuser. Il se tourna une fraction de seconde vers elle.

— Continue de t'amuser, je m'en occupe, déclara-t-il d'un ton froid.

Il n'attendit pas ma réponse, resserra son étreinte autour de ma taille avant de nous frayer un passage vers le jardin. Hébétée, je le laissais guider mes pas. Je frissonnais sans pouvoir m'arrêter, me raccrochant à sa présence, à son odeur qui m'enveloppait.

— Ayl. Ces... marques...

Je me raidissais, laissais échapper un gémissement ténu.

— Parle-moi Ayl, supplia-t-il d'une voix chargée d'inquiétude. Ce soir-là... C'est cette pourriture de Garman ?

Je fermais les yeux avec force. Ce nom entraînait mes nouveaux cauchemars, réveillait les démons qui me poursuivaient chaque nuit depuis cette fameuse mission. Incapable de parler, j'avais l'impression de sombrer de nouveau. Étouffant un juron, il m'enlaça avec douceur, me caressant les cheveux dans un mouvement apaisant. Je me laissais aller contre lui, enfouissant mon visage contre sa chemise. Le temps s'arrêta, comme suspendu. J'aurais voulu figer cet instant. Malheureusement notre petite bulle éclata, trop rapidement à mon goût.

— Aylyn ?

Doc. Évidemment. Les évènements avaient dû parvenir jusqu'à lui au train où les commérages allaient. Je sentis Arenht se crisper, comme si l'arrivée de notre ami l'ennuyait. Il me garda contre lui, attendant que Doc parvienne à notre hauteur. Les battements de son cœur résonnaient à mon oreille. Je me focalisais dessus. Pourquoi était-il si tendu ? Pourquoi m'éloignait-il de lui ? Je luttais contre mon envie de m'accrocher à lui pour ne pas quitter l'abri de ses bras. Je le lâchais à regret. Pas question de m'humilier davantage en lui montrant à quel point j'étais touchée par la distance qu'il mettait de nouveau entre nous. Il laissa retomber ses bras et s'écarta d'un pas.

— Ah, tu n'es pas toute seule, s'écria Doc d'un ton soulagé. Merci mec.

Il allait donner une accolade à son ami, mais celui-ci l'esquiva. Qu'est-ce qui lui prenait à la fin ?

— Je vais retourner à l'intérieur. Raccompagne-là chez elle. Je m'occupe de tout expliquer à Declan.

Ma bouche s'ouvrit et se referma aussitôt alors que je le dévisageais. Il s'était de nouveau fermé, une expression dure creusant son visage. J'attendis que Doc l'arrête, mais celui-ci le regarda intensément quelques secondes avant de hocher la tête. La silhouette d'Arenht s'éloigna dans la demi-pénombre en direction du bâtiment. Je me laissais guider par Doc jusqu'à la voiture, hébétée. Je gardais le silence, totalement perdue. Je me forçais à lui répondre lorsqu'il me demanda si ça allait. Un simple mouvement de tête, un salut de la main. Ce fut tout ce dont je fus capable pour faire bonne figure jusqu'à ce que la porte de mon appartement soit refermée. Dans une sorte d'apathie douloureuse, j'ôtais ma robe, enfilais le premier tee-shirt et short de pyjamas qui me tombaient sous la main et m'effondrais dans mon lit. Clore les paupières et prier pour que le sommeil efface ses dernières heures de mon esprit. 

Protège-moi - T.1 Pleine lune [Terminé]Where stories live. Discover now