♡CHAPITRE 62♡

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En dépit de sa volonté farouche de rester dans l'étreinte de morphée, Eijiro devinait ses sens qui s'éveillaient petit à petit. La fatigue quittait son corps comme une fugitive, en même temps que tous les souvenirs des songes qu'il avait fait au cours de la nuit. Quelques images lui restaient encore en tête comme une prairie, des maisons qui flottaient dans le ciel et des lapins géants, mais il peinait à y trouver un sens –dans l'hypothèse qu'il en existait un au départ.

Bientôt il fut forcé d'ouvrir ses paupières –ces traitresses qui avaient perdues toutes leur lourdeur– pour se retrouver dans la pénombre de leur chambre à coucher. Sa main gauche était agrippée à ce qu'il présumait être le T-shirt d'Izuku, sa tête était calée contre sa poitrine montante et descendante, alors que sa jambe gauche, légèrement repliée, reposait elle aussi à moitié contre son corps léthargique. Ayant pris conscience de leur position, Eijiro se demanda combien de temps ils avaient dû rester ainsi, sans doute assez longtemps pour que cela impact le côté réparateur du sommeil du vert.

Il ne se souvenait pas du moment exact où ils s'étaient mis au lit. Après sa nouvelle crise, c'était le trou noir, ce qui signifie qu'il avait dû s'endormir dans les bras d'Izuku. S'il se retrouvait sur ce lit, c'est qu'on avait dû l'y amené aussi. D'un regard désolé, Eijiro chercha le visage de son amoureux dans le noir, même lorsqu'il faisait tout son possible pour ne plus être un poids pour lui, il en demeurait un quand même. C'était comme si l'univers tout entier s'acharnait pour qu'il ne dévoile que les côtés moins glorieux de sa personne devant l'homme qu'il aimait.

— Désolé. Chuchota-t-il, en reprenant sa position contre l'homme endormi. Il caressait son torse du pouce et joua avec le tissu sous ses doigts, tentant d'apaiser l'accablement qu'il ressentait au fond de lui.

Le plus vieux bougea légèrement, resserrant son étreinte autour de lui comme si,  du tréfond de son sommeil, il avait pressenti son désarroi.

— ...u n'dors pas ?

À l'entente de cette voix rocailleuse aux frontières de l'endormissement, Eijiro sursauta. Il stoppa toute activité de son corps, sans doute dans l'espoir que le vert replongerait dans ses propres songes, mais sa non-réponse n'eut pas l'effet escompté. Izuku bougea encore plus, signalant qu'il sortait de son état comateux. Eijiro l'entendit tapoter la table de chevet à sa portée et grinchouiller quand une faible lumière agressa leurs rétines. En guettant l'écran d'accueil où son visage occupait tout l'espace, Eijiro se rendit compte qu'il n'était même pas encore cinq heure du matin et cette information le révolta autant qu'elle attisa sa culpabilité déjà bien alimentée.

Izuku reposa l'appareil téléphonique à son emplacement initial et, alors que le noir se réinvitait dans la pièce, il se tourna complètement pour mieux enlacer Eijiro de ses deux bras.

— Ça va ? Demanda-t-il alors qu'il fourrait ses doigts dans la chevelure emmêlée du rouge. Ce dernier acquiesça imperceptiblement avant de libérer un « hum » de sa gorge enrouée.

« Pourquoi t'dors pas ? »

— J'ai plus sommeil... Mais tu peux te rendormir, c'est bon t'en fait pas.

Izuku ne répondit pas d'aussitôt. Partagé entre l'éveil et la torpeur, ses actions demeuraient lentes et son attention était bien trop réduite pour gérer plusieurs choses en une fois. Il acquiesça tout d'abord, les mains se baladant toujours sur le cuir chevelu du rouge, puis il fit l'effort pousser quelques syllabes hors de sa gorge.

— Non... j'vais r'ster avec toi... Repondit-il finalement avec effort.

Eijiro voulait protester, mais il savait que son homme était borné et inquiet. Bien assez pour écourter son sommeil, alors qu'ils devaient tous les deux se rendre au boulot dans quelques heures. Même si Izuku ne commençait qu'en après-midi.

« Les femmes qui étaient avec moi... » Commença une fois de plus celui-ci. « C'était Tsuyu et Mina. »

C'était logique. Le rouge s'en était un peu douté après avoir repassé maintes fois la scène dans sa tête. Une scène qui se révélait juste être une sortie de boulot banale avec ses collègues, mais dont il avait fait tout un plat, comme si Izuku n'avait pas assez de morale ou de scrupule pour fleurter ouvertement avec deux dames juste devant son lieu de travail. Eijiro était conscient du caractère ridicule et exagéré de sa réaction. Cependant, il savait aussi mieux que quiconque que son esprit n'avait pas besoin des raisons les plus cohérentes et censées pour s'exciter. Il n'avait pas besoin de faits concrets pour être effrayé. Parce que sa peur, ses angoisses s'alimentaient toutes seules de ses pensées.

« Tsuyu voulait savoir si tu viendrais avec moi à son mariage, c'est en décembre. Qu'est-ce qu'en t'en penses ? Tu veux bien ? »

"Ce n'est pas plutôt moi qui devrais te poser cette question ?" Pensa immédiatement Eijiro. Il connaissait assez Izuku pour savoir que celui-ci n'aimait pas qu'on fouine dans sa vie privée. Il aimait classé, mettre des étiquettes, et surtout, il détestait quand on forçait ses barrières. Quand on lui demandait plus qu'il ne pouvait donner. Il avait grandi dans une famille bienveillante, mais assez intrusive pour qu'il souhaite garder ses distances et apprendre à gérer sa vie sans que quelqu'un d'autre ne vienne y mettre son grain de sel à chaque fois. C'est pour cela qu'Izuku aimait quand tout était à sa place. Les collègues de boulot d'un côté, sa famille de l'autre, les amis dans un coin et ainsi de suite. Jusqu'à présent Eijiro était son petit secret, sa petite bulle qu'il ne savait pas encore où placer, donc il l'isolait pour la prévenir d'interagir avec les autres.

Aller à ce mariage signifiait beaucoup.  Car plusieurs personnes de son milieu professionnel y seraient. Certaines savait peut-être pour son orientation sexuelle, d'autres non, mais au moment où il se pointerait avec un mec au bout de son bras, tout cela deviendrait du concret, du palpable et son nom circulerait.

Au beau milieu de ses réflexions, l'idée selon laquelle Izuku ne le présenterait peut-être pas comme son petit-ami s'infiltra et Eijiro fit son possible pour l'ignorer. Il ne voulait pas y penser. Il refusait de débloquer un autre lot d'insécurités maintenant, c'en était déjà assez. Alors il souffla, ferma les yeux pour mieux sentir les caresses d'Izuku contre son cuir chevelu et souffla une fois relaxé :

« Je sais pas... Je veux pas m'imposer... »

Je veux t'aimer ♡ KIRIDEKUWhere stories live. Discover now