♡CHAPITRE 59♡

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Avec l'automne qui approchait à grands pas, les journées rapetissaient en même temps que les températures, elles aussi, chutaient. La grisaille gagnait le ciel cinq matins sur sept, alors que le vent faisait voler tout ce qui ne pesait rien -ou presque- à des mètres à la ronde. Ce n'était pas vraiment le temps le plus agréable pour sortir et aller travailler, mais il fallait le faire. Pour boucler les fins de mois, mais surtout pour s'acheter un peu de bonheur ici et là avec ce qui subsistait de l'assaut des factures mensuelles.


Comme chaque matin, Eijiro s'était levé à sept heures précises. Après s'être apprêté, il avait quitté son appartement -ou plutôt celui qu'il squattait- aux environs de huit heures pour arriver pile cinq minutes avant le début de son service. Son uniforme enfilé, il avait passé des heures à observer ses collègues vendeurs se démener entres les allées, et à répéter les mêmes actions à chaque fois qu'ils se pointaient avec un client. Puis, après une énième somme astronomique encaissée grâce à la vente d'un écran plat, Eijiro avait rangé ses effets, mis à jour son bilan, puis laissé la place à Hanta qui arrivait toujours cinq à dix minutes avant l'heure exacte de son service.

Ses vêtements civils sur le dos, Eijiro s'était détourné de son lieu de travail, direction son petit appartement qui lui servait maintenant plus de garde-meuble qu'autre chose. Son domicile, pourtant bien plus grand et bien plus commode que celui d'un bon nombre de personnes de son âge, lui paraissait soudain si étriqué, si étouffant et si impersonnel, maintenant qu'il passait la majorité de son temps libre chez son petit ami puériculteur. Il ne rentrait que deux fois par semaine tout au plus pour prendre des vêtements de rechange ou d'autres affaires importantes. À l'occasion, il vérifiait aussi que tout était à sa place, puis déguerpissait avant de réitérer les mêmes actions quelques jours plus tard.

Parfois, en observant sa brosse à dents naturellement posée à côté de celle d'Izuku, où alors qu'il était témoin de ses affaires qui s'entassaient toujours un peu plus dans les meubles de rangement de leur chambre à coucher, l'envie lui démangeait la gorge d'aborder leur cohabitation définitive. De son point de vue, ils se comportaient déjà assez comme un couple de jeune marié, pour que son emménagement permanent chez le vert soit mis sur la table. Cependant, autant l'envie d'en parler grattouillait sa gorge, autant elle la nouait, car il se devait d'être prudent dans ses actes et dans ses paroles. Depuis leur dernière conservation et à la vue de tous les maux qui avaient résulté de leur impatience respective, ils s'étaient mis un point d'honneur à faire de la prudence une véritable base de leur relation. Pour ne pas répéter les mêmes erreurs, ils se devaient d'être patients et réfléchis. Et Eijiro se connaissait assez pour savoir que ces mots avaient été radiés de son monde bien avant même sa naissance. Lorsque l'amour entrait en ligne de compte, il obstruait autant son jugement qu'il remplissait sa tête d'idées toutes plus farfelues les unes que les autres. Amoureux, le rouge pouvait rêver de l'engagement avant même un premier baiser et s'imaginer une vingtaine d'années plus tard, alors que la relation ne datait que de quelques jours. Rêvassant d'une histoire aussi niaise que ceux des films de noël américains, il devenait pressant, collant et de plus en plus avide avec son partenaire. C'était une erreur qu'il n'avait pas envie de reproduire avec Izuku et pourtant, sa nature impatiente n'était jamais loin lorsqu'il était confronté à un quelconque dilemme.

Ses placards étant vides de provisions, Eijiro avait pris les devants en achetant quelques encas au konbini du coin avant de se diriger vers sa garçonnière. L'environnement était toujours aussi petit et terne. À l'entrée, tout ce qu'on pouvait sentir était l'odeur de renfermée, bien différente des effluves de lavande qui émanait toujours de la pièce à vivre d'Izuku. Les meubles, qu'il avait acquis progressivement grâce à son acharnement au boulot, lui semblaient maintenant vieux et complètement dépareillés alors qu'il s'était habitué aux pièces thématiques du vert. Sa cuisine, pourtant fonctionnelle, ne l'inspirait plus, tandis que son lit trop grand pour une si petite chambre lui rappelait ses nuitées de rêve chez Izuku. Au final, s'il devait être honnête, rien ne le repoussait vraiment dans cet appartement où il avait passé près de cinq années de sa vie. Jusqu'à maintenant, il s'en fichait bien de l'espace trop restreint, des meubles dépareillés ou bien même de la porte d'entrée qui grinçait lorsqu'on forçait un peu trop pour l'ouvrir. Si cette demeure avait été celle d'Izuku, sans aucun doute qu'il lui aurait trouvé toutes les qualités du monde. Et il s'agissait encore-là d'un point qui l'effrayait dans son amour : cette hypervalorisation de tout ce qui constituait son partenaire.

Je veux t'aimer ♡ KIRIDEKUWhere stories live. Discover now