♡CHAPITRE 55♡

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À la recherche d'une réponse à son interrogation, Izuku avait ancré ses iris émeraude dans celles rubis de son partenaire. Il tentait de calmer sa respiration erratique due à son stress et à sa longue prise de parole, mais chaque inspiration semblait rajouter des poids sur ses fines épaules, lorsque les expirations faisaient le contraire. Le rythme de sa poitrine montante et descendante s'accordait parfaitement avec celui de son mental qui jonglait entre l'apaisement d'avoir enfin pu avouer ses tourments à voix haute ; et la crainte d'avoir posé la question de trop.

Alors que les deux amants se fixaient silencieusement, en proies à une anxiété grimpante, la voix mécanique, annonçant l'état de faible batterie de la mini enceinte, vint leur donner un instant de répit inespéré.

— Merde, j'ai oublié de la brancher ! S'exclama Eijiro en s'extirpant rapidement des couvertures pour aller récupérer le chargeur, prévu à cet effet, dans son sac à dos, au coin de la pièce.

Connaissant sa bonne vieille enceinte, elle ne ferait aucune concession et s'arrêterait s'il tardait même d'une seule minute. Le chargeur en main, il ramassa l'appareil intransigeant et se dirigea jusqu'à la multiprise pour la brancher alors que l'avertissement se répétait, coupé par une courte plage musicale. S'apprêtant à revenir vers Izuku après avoir réussi son coup, Eijiro se stoppa. Il resta accroupi près du diffuseur de musique et décida de rester un peu plus longtemps pour composer ses pensées.

Honnêtement, il s'était douté que cet exercice qu'il avait, lui-même, initié n'allait pas être de tout repos. Mais entre le savoir, s'y préparer et l'expérimenter, il y avait vraiment de très grandes différences. Dans son for intérieur, il avait toujours espéré que ses spéculations soient erronées, que la vision d'Izuku, sur leur couple, soit toujours aussi claire et optimiste qu'au tout début, mais le temps était passé. Les certitudes s'étaient transformées en doute, tandis que l'espoir s'amenuisait, le futur devenant bien plus effrayant qu'autre chose.

Sans autre forme de réflexion, Eijiro s'élança. Il laissa les mots franchir ses lèvres tout en observant toujours son petit appareil et les câbles qui s'étaient emmêlés autour de la multiprise.

— Je... Je suis désolé.

La soudaine prise de parole fit sursauter Izuku qui s'était enfoui dans ses réflexions. Lorsqu'il comprit enfin les mots qui avaient été prononcés, ses émotions confuses convergèrent toutes en une profonde tristesse. Ce simple "je suis désolé", il l'avait assez entendu, assez vu dans le regard de l'homme qu'il aimait pour comprendre qu'il signifiait tout : "Je suis désolé de te faire souffrir." ; "je suis désolé, je ne peux rien te promettre." ; "je suis désolé de ne pas pouvoir retourner tes sentiments."

« À cause de moi, tu dois endurer tellement de choses... » Continua Eijiro.

— Eiji...

— Attends, laisse-moi finir... J'ai l'impression que si je ne te dis pas tout ce que j'ai sur le cœur maintenant, je ne rassemblerai jamais assez de courage pour le faire plus tard.

Même en ayant le dos tourné, Eijiro pouvait parfaitement deviner la peine qui défigurait le visage si doux et juvénile du vert. Cela n'aurait pu être autrement, le début ses paroles ressemblait bien trop à ces mots d'excuses inutiles et mal placés, qu'il avait l'habitude de déblatérer à chaque fois que le mal-être d'Izuku était mis à jour.
Et comme dans un rituel, lorsqu'il prononçait ces phrases fatalistes, remplies d'un auto-apitoiement grotesque, Izuku suivait toujours avec des mots enjolivés, et une expression douloureuse maladroitement camouflée, dans le seul but d'apaiser sa culpabilité. En temps normal, il les aurait acceptées sans plus de combativité. Il aurait observé son homme placé, une fois plus, sa propre souffrance au second plan pour essayer d'apaiser la sienne. Mais il n'y arrivait plus. Comme si on lui rappelait, à chaque petite seconde, que cet être, qui espérait tant en lui et qui avait tant fait pour lui, méritait pour une fois sa totale franchise et l'expression de sa dévotion.

« En fait... » Commença-t-il accroupi et le dos courbé de regret. «... J'ai toujours vu à quel point tu te débattais pour nous. Je voyais tes doutes, ta peur, tes souffrances... Mais je détournais toujours le regard, parce que c'était plus facile pour moi d'accepter ce que tu me donnais sans discuter.
Tu es sans doute l'une des rares personnes en ce monde à penser que j'ai de la valeur. Tu crois tellement en moi, en mes capacités, que ça me donne l'envie et la force d'en faire de même... »

Plus sa langue se déliait, plus Eijiro pouvait sentir son corps être parcouru par une colère, supplantée d'une honte sans pareille. Depuis longtemps, il se cachait derrière ses souffrances pour ne pas affronter celles qu'il causait aux autres. Il se confondait dans son apitoiement, sa dépréciation de lui-même, afin de valider son comportement égoïste envers l'homme qui l'aimait.

« J'ai peur de perdre tout ça... »

Il fit une pause pour réaliser le sens et la profondeur de ses aveux avant de continuer, déterminé à faire face à tous ses côtés les plus vils.

« J'avais peur de perdre l'une des seules personnes pour qui je comptais vraiment, alors je n'ai jamais rien fait véritablement pour arrêter qu'on s'engouffre un peu plus dans cette relation chaotique. Je... C'est inexcusable, je sais, et horriblement égoïste, mais à un certain point, j'aurais tout donné pour que tu restes à mes côtés, même si c'était à tes dépens. »

Maintenant que c'était sorti et qu'il pouvait enfin mesurer l'ampleur de ses actions, Eijiro ne put s'empêcher de se sentir nauséeux. Sa poitrine lui faisait horriblement mal, les muscles de sa mâchoire semblaient épuisés d'avoir été longuement contractés, tandis que ses yeux se brouillaient dus à son trop-plein d'émotions. L'agitation émotionnelle impacta la force de ses jambes et le rouge changea de position pour s'asseoir, complètement au bout du rouleau. Il chuchota plusieurs fois « Je suis désolée », la tête tenue entre ses mains alors qu'il se demandait s'ils arriveraient vraiment à passer outre toutes ces révélations.

Je veux t'aimer ♡ KIRIDEKUOù les histoires vivent. Découvrez maintenant