♡CHAPITRE 56♡

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Juste une œillade sur l'arrière de l'homme recroquevillé au bout de la pièce suffisait à retourner l'abdomen d'Izuku de peine. Ce n'était pas de cette vue dont il avait rêvé lorsqu'ils s'étaient mis ensemble. D'aussi loin qu'il pouvait se remémorer, il avait toujours imaginé un Eijiro heureux, ayant totalement gagné face à ses démons. Et dans ces fantasmes, il était l'auteur de ce changement. Il était le faiseur de beau temps qui adoucissait ses journées, mais aussi la main tendue qui le tirait vers le haut.
Il n'aurait jamais parié sur une situation comme celle-ci où tous les deux s'agripperaient, comme des vermines, à une relation constamment au seuil de l'effondrement.

— Tu n'es pas le seul fautif. Déclara Izuku. Il pouvait sentir sa gorge polluée de nœuds lui faire mal, alors qu'il essayait de porter sa voix plus haut que la musique en fond.

« Au début, j'étais tellement déterminé à ce que ça marche que j'ai accepté et laissé passer beaucoup de choses. Tu voulais me garder à tes côtés, et moi, je voulais que tu me gardes à tes côtés. J'étais prêt à tout pour ça. »

Par ses actes et animé d'une passion aveuglante, le jeune puériculteur avait souhaité être tout pour son homme. Lui donner tout afin qu'il reste toujours près de lui. Mais surtout, afin qu'il soit toujours dépendant de lui.

« Tu n'es pas la seule personne égoïste ou même détestable dans cette histoire. »

Continuant de fixer le dos de son amant, Izuku chercha une réaction qui ne vint pas, comme si ses paroles s'étaient évanouies dans l'immense vide de la pièce sans parvenir aux oreilles du destinataire. Il se leva et se dirigea vers ce dernier, qui tourmentait toujours sa tête de regret, puis s'assit à ses côtés. Il passa, ensuite, son bras sur ses épaules et le força, d'une douce pression sur sa tempe, à libérer sa tête pour la reposer contre son épaule. La tâche ainsi faite, il commença à tapoter la chevelure lisse, comme il aimait si bien le faire, pendant que le rouge avait ses phalanges serrées contre le t-shirt du vert.

« Eijiro, ce couple nous l'avons construit à deux, avec tous ses aspects les moins beaux. Alors, s'il te plaît, arrête de tout mettre sur ton dos d'accord ? »

Le plus jeune ne répondit toujours pas, mais cette fois-ci, il ne s'en formalisa pas. Son message était passé et c'était le plus important. Il continua simplement ses caresses, le regard rivé vers un point quelconque et l'esprit vagabondant sur le devenir de leur relation.

Cette conversation, entamée suite à un événement anodin, était en train de remodeler entièrement la vision biaisée qu'ils avaient eue d'eux et de leur couple. Les quelques mots déchirés d'Eijiro avaient démontré à Izuku combien il s'était trompé. Combien il avait eu faux tout le long. Sous couvert de son amour et de sa bienveillance déplacée, lui aussi avait commis des actes qui avaient précipité leur relation, aussi amoureuse qu'amicale, au bord du précipice.

Dans une tentative désespérée pour libérer la tension qui s'était accumulée, au fil des secondes, Izuku prit une fois de plus l'initiative et se tourna complètement vers son homme pour l'enlacer. Une simple accolade était capable de se transformer en un véritable puits de réconfort selon les circonstances et, cette fois-ci, ce fut rapidement le cas. Les corps tiraillés de fatigue et de stress retrouvaient quelque peu de leur aplomb, enveloppés par celui de leur partenaire qu'il connaissait bien. L'écoute des respirations lentes calmait leur sens, ainsi que leur esprit qui devenait plus clair. Moins gouvernées par la ribambelle d'émotions, les pensées circulaient mieux, permettant à nos deux protagonistes d'envisager la suite des évènements avec rationalité et sagesse. 

Izuku fut le premier à briser le cocon qu'il avait lui-même instauré. Assis en tailleur face à un Eijiro bien plus enclin à l'écouter, il dirigea ses mains vers les siennes, les attrapa délicatement, puis s'élança dans le but de dévoiler aussi ses fautes.

— Je t'en avais un peu parlé en rentrant de Tokyo, mais s'il y a une chose importante que j'ai apprise sur moi récemment, c'est à quel point je crois toujours savoir, mieux que quiconque, ce qui est bien pour mes proches. Je ne prends jamais le temps de demander leur avis ou comment ils se sentent, avant de faire mes propres conclusions. Ça part peut-être d'une bonne intention, je veux être là pour eux, les aider. Je souhaite de tout mon cœur que ma présence rende leur vie un peu plus simple. Mais à quoi sert toute cette sollicitude, si elle n'est pas souhaitée, si ce n'est pas ce dont la personne a réellement besoin ?

Depuis que le puériculteur s'était découvert ce défaut, il n'avait pas cessé de se remettre en question. Il revoyait son envie constante d'agir pour le bien-être de ses proches et apprenait à être mieux à l'écoute de leurs besoins. Le discours d'Eijiro avait mis l'accent sur une chose que son cerveau avait omis jusque-là : l'impact de ce défaut-là sur son couple. Tellement persuadé d'en avoir fait plus que le nécessaire avec son petit ami, il ne s'était jamais demandé, si toute cette surcouche de prévenance était voulue. Était-elle bien dirigée ou alors, aussi déplacée que ses actions pour les autres l'avaient été ?

« Je croyais n'avoir fait cela qu'avec ma mère, mais plus je me remets en question, et plus je me rends compte que je le fais tout le temps, à tout le monde, et même à toi. 
Alors je voudrais aussi m'excuser. » Dit-il en plantant son regard, auparavant baissé, dans celui de son vis-à-vis. 

« Je ne m'excuse pas pour m'être déclaré ce jour-là, parce que je pense que ça a été l'une des meilleures décisions de ma vie. Je m'excuse plutôt pour la suite. J'ai proposé qu'on sorte ensemble alors que je savais très bien que tu n'étais pas prêt. Je t'ai entraîné et t'ai aussi gardé dans cette relation même en voyant à quel point c'était difficile pour nous deux. Il y avait de l'amour dans tout cela, c'est vrai, mais il y avait aussi une certaine arrogance qui me certifiait que je pouvais rendre ta vie meilleure.
Je peux être tellement prétentieux parfois. » Izuku tenta de rire de sa propre bêtise, mais l'humeur n'y était pas. L'atmosphère qu'il s'était évertué à radoucir semblait reprendre sa lourdeur et s'imprégnait en lui comme un mal difficilement curable. 

Ce qu'il s'apprêtait à admettre meurtrissait son âme plus que tout autre chose, mais il ne pouvait pas jouer à l'aveugle indéfiniment. Il ne pouvait plus tout résoudre en balayant tout ce qui était indésirable d'un revers de main, alors il s'élança.

« Tout ce que j'essaie de dire au final, c'est qu'on a tous les deux nos défauts. On a tous les deux nos torts. » La gorge nouée et la voix tremblante, il continua. 

« Et aussi... Je le réalise maintenant, mais on n'avait pas besoin de se mettre ensemble pour espérer être toujours présent l'un pour l'autre. On aurait pu être tellement de choses toi et moi... Bien plus que ce qu'on est maintenant. Parce que ce dont tu avais le plus besoin lorsqu'on s'est mis ensemble, c'était d'une personne qui serait toujours là pour toi, d'un ami, d'un confident, d'un modèle, pas d'un petit ami. »

Je veux t'aimer ♡ KIRIDEKUWhere stories live. Discover now