♡CHAPITRE SPÉCIAL - Partie 2♡

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L'atmosphère déconcertante qui régnait à leur tablée se fit écraser par l'arrivée de plats aux odeurs plus qu'alléchantes. Quand les plateaux entrèrent dans son champ de vision, le voyeur se fit violence pour décrocher ses yeux du visage, bien trop juvénile, en face de lui. Il attrapa les couverts et débuta sa dégustation sans particulièrement s'attarder sur le contenu de leurs plats, l'ayant deviné d'avance.

Depuis l'arrivée du froid, les deux amis avaient jeté leurs dévolus sur les ramens au miso*, spécialité de la ville. Izuku avait trouvé son compte sur la variante accompagnée de tranches de porc, alors que de son côté, il préférait celle légèrement épicée –Tous les moyens étaient les bienvenus pour récolter un peu de chaleur.

Le début du repas se passa dans un silence religieux simplement comblé par le bruit des nouilles aspirées goulûment et celui des autres clients autour d'eux. Alors que les bols de nourritures se vidaient peu à peu, Izuku s'éclaircit la voix, puis lança la conversation en abordant le déroulement de leurs journées respectives. Eijiro n'était jamais très bavard sur ce sujet alors il se contenta de résumer l'essentiel : sa demi-journée de boulot et ses quelques heures de sport en salle. Contrairement à lui, le puériculteur détaillait toujours excessivement sa journée à la maternité. Il pouvait passer des heures à parler de ses très jeunes patients, de ses collègues parfois trop intrusifs, et même des derniers potins qui circulaient dans l'établissement hospitalier. Et ce n'était pas pour déplaire à son auditeur, au contraire.

Savoir que le célibataire le plus convoité du service pédiatrique s'était fiancé ou que la standardiste des urgences attendait son quatrième enfant, n'intéressait aucunement le caissier, mais il ne pouvait s'empêcher d'écouter diligemment l'homme aux boucles vertes. La gêne totalement envolée –ou du moins, c'est ce qu'il supposait–, la passion d'Izuku se lisait dans son regard éclatant, dans la douceur de sa voix pendant qu'il parlait de nouveau-nés et dans son expression totalement fier alors qu'il expliquait sa fonction.

Eijiro adorait être le témoin de tout cela. Il adorait écouter, mais surtout observer cet homme passionné par son métier qui, à lui seul répondait à une des nombreuses questions qu'il avait déjà dû se poser au cours de son existence : À quoi cela ressemblait-il d'avoir une vocation, de savoir où l'on va ?

— [...] Tout le monde à tendance à mettre les médecins sur un piédestal et à moins considéré les autres métiers du service médical alors que tout est aussi important. Aide-soignant, infirmier, brancardier... Ce ne sont pas des métiers qu'on choisit seulement par dépit. Je veux dire... Oui, il y en a qui le font, mais ça ne veut pas dire que toutes ces professions en sont moins nobles, au contraire [...]

La soirée s'avançait et l'exposé continuait sous l'écoute bienveillante d'un public unique. L'ardeur du départ avait vite laissé place à la langueur apportée par l'alcool et les plats engouffrés plus tôt. Touchant finalement au but même de cette rencontre, l'heure était à la relaxation. Les soucis de la matinée étaient bien loin, noyés sous les couches dodues d'une ambiance conviviale. Eijiro était pendu aux lèvres du tacheté qui ne s'arrêtait, dans son discours, que pour se désaltérer à quelques rares moments.

En portant une énième fois sa boisson vers ses fines babines, le vert s'arrêta à mi-chemin. La couleur caractéristique de la gêne recouvra, une fois de plus, son visage déjà rougi par l'alcool présent dans son sang.

— Euh... Eijiro ? Prononça-t-il d'une voix faible alors qu'il n'osait toujours fixer rien d'autre que son bol de saké.

— Hum ? Répondit simplement l'interpellé. Il s'était accoudé à la table et avait sagement reposé sa tête dans la paume de sa main gauche.

— Ta main...

Plusieurs secondes passèrent pendant lesquelles le caissier attendit une suite qui ne vint pas. Comprenant un peu tardivement que la phrase –si l'on pouvait l'appeler ainsi– était complète, il tenta, à l'aide de son cerveau ramolli, de déchiffrer cette remarque bien trop courte. Ce fut en se guidant d'une des nombreuses œillades de l'orateur troublé, qu'il découvrit le sens des deux mots soufflés précédemment.

Sa main droite espiègle s'était frayé un chemin jusqu'à celle du puériculteur posée à plat sur la table basse. Le contact était agréable. D'une douceur et d'une chaleur sans égale. Il tenta de se rappeler à quel moment exact leurs peaux s'étaient touchées, mais tout ce dont il se souvint fut la sensation délicieuse qui l'avait prise aux tripes depuis plus d'une vingtaine de minutes. Comme pour rassurer ses sens, il fit une dernière caresse sur l'épiderme délicat, avant de délaisser sa prise non sans une pointe de regret.

— Désolé. Mentit-il en ramenant son bras vers lui. Secrètement, il ne l'était pas. De façon inconsciente ou pas, son membre avait suivi exactement son désir et était parti rechercher un peu de douceur humaine.

— Ce n'est rien. Conclut Izuku le regard toujours fuyant. « Il se fait tard, je pense qu'on devrait rentrer. »

— Oui tu as raison.

Sur cette phrase, ils payèrent la note et quittèrent le bistrot. Sans qu'aucun mot ne s'échange, ils marchèrent vers l'arrêt de bus complètement emmitouflés sous plusieurs couches de vêtements. Leurs visages écrevisses n'étaient plus seulement les faits de l'alcool ou de la gêne, mais aussi de la température extérieure affreusement basse. Alors qu'ils se plaçaient sous l'abribus recouvert de neige, Eijiro prit enfin la parole et demanda à raccompagner Izuku jusqu'à son domicile. Ce dernier ne protesta pas, ce qui les étonnèrent tous les deux. En temps normal, compte tenu de l'heure et de la météo, il s'y serait opposé de manière catégorique. Mais il semblerait que lui non plus n'espérait pas la fin de cette soirée.



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*Ramens au miso : Il existe un très grand nombre de recettes régionales de ramen, en fonction du bouillon, des nouilles, de la viande, des accompagnements, etc. Les ramens au miso sont la variation typique de la région d'Hokkaido : Le bouillon qui accompagne les nouilles est mélangé à de la pâte de soja fermentée (miso).

Je veux t'aimer ♡ KIRIDEKUWhere stories live. Discover now