Ecoutez-moi

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Nathalie poussa un soupir. Elle n'y arrivait pas, elle n'y arrivait plus. Tenir son rôle était de plus en plus compliqué, obéir devenait de plus en plus difficile.

Elle était guérie, ou presque, même si elle restait faible. Mais il continuait de vouloir la cloîtrer, l'enfermer, la surprotéger. Il avait fini par céder un point, elle pouvait à nouveau travailler avec lui, mais c'était une faible consolation pour elle. Elle ne voulait plus être sage et raisonnable, elle voulait retrouver l'importance de Mayura, la proximité de Catalyste.

Elle pensait à tout cela en travaillant, n'accordant que peu d'attention aux tâches automatiques de programmation et déprogrammation des réunions, de lecture et réponse aux mails de partenaires commerciaux, de fournisseurs et de clients. C'était la routine, elle n'avait pas besoin de réfléchir.

Gabriel lui lança un regard. Il s'inquiétait pour elle. En permanence. Mais elle n'en faisait qu'à sa tête et ne pouvait guérir entièrement. Il aurait tout donné pour la sauver, il y sacrifiait déjà tout. Et c'était pour cela qu'il ne voulait pas qu'elle l'aide. Son projet avait changé et il se trouvait incapable de le lui avouer.

En l'entendant soupirer, il avait levé les yeux, inquiet encore. Mais elle ne semblait pas mal, alors il comprît que c'était ses pensées qui la tourmentaient. Il baissa les yeux sur la tenue qu'il créait. Il ne pouvait pas affronter les pensées de sa partenaire, il s'en sentait incapable.

Alors il se contentait de la regarder, de l'admirer en silence. Il la regardait avec une sorte de tendresse, invisible pour elle qui se plongeait dans son travail à corps perdu comme si cela allait lui sauver la vie.

Mais ne pourrait-il arrêter de me regarder ? Je ne peux pas l'ignorer et c'est extrêmement déconcertant !

Nathalie tentait d'ignorer les œillades inquiètes de son patron. Il n'aurait pas dû s'inquiéter pour elle. Il ne devait pas s'inquiéter pour elle. Elle allait bien. Tout allait bien.

Tout va bien. Tout va bien. Tout va parfaitement bien, tout est sous contrôle.

Mais alors qu'elle le répétait, tentait de s'en persuader, elle identifia que sa maladie n'était pas encore entièrement guérie, que ses malaises étaient encore prêts à surgir. Elle inspira profondément, chassant cette pensée. Elle ne devait pas s'inquiéter. Il n'y avait aucune raison de s'inquiéter.

Cependant qu'elle s'affirmait cela, les inquiétudes de Gabriel lui revinrent en mémoire. C'était sa faute, entièrement sa faute, totalement sa faute. Il s'inquiétait pour elle, il n'aurait pas dû, elle avait provoqué des catastrophes, elle l'affaiblissait, elle devenait dangereuse pour son projet, elle le mettait en danger par l'instinct même qui lui dictait de s'y opposer...

Elle s'y perdait. Les pensées s'enchaînaient en boucle, de plus en plus fortes, la noyant dans une culpabilité injuste, dans une détresse imperceptible, un abandon. Elle s'était figée, statufiée, bloquée par ses pensées intrusives. L'une entraînait l'autre, sans répit.

Gabriel remarqua sa fixité. Il s'en étonna un instant, s'approcha d'elle avec inquiétude.

« Nathalie ? Nathalie, que se passe-t-il ? »

Pas de réponse.

Le styliste déglutît. Cette fixité n'était vraiment pas de bon augure. Et l'absence de réaction de son assistante ne lui disait rien qui vaille. Il l'observa, tentant de comprendre ce qui se passait. Le regard de Nathalie était perdu dans le vague, son corps figé mais parcouru de tremblements soudains, et elle ne réagissait pas vraiment. Gabriel crût même apercevoir des larmes dans les yeux de son amie.

Il n'avait jamais vu ça, il ne savait pas quoi faire. Tout ce qu'il pouvait faire, c'était tenter de la ramener à la réalité, lui parler pour l'aider à reprendre le contrôle.

OS MiraculousWhere stories live. Discover now