Tu peux en avoir la moitié

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Drago s'était isolé. Après le petit déjeuner ce samedi-là, il était parti rapidement, avant que qui que ce soit ne puisse l'appeler ou le rattraper.

Il s'était installé dans un couloir du cinquième étage, dans une alcôve un peu à l'écart. Il avait une vue parfaite sur le terrain de Quiddich - désert vu le temps pluvieux du jour - et sur l'orée de la forêt interdite.

Il réalisa soudain que c'était la première fois qu'il se retrouvait seul depuis l'été dernier. Vraiment seul, sans personne à proximité. Depuis qu'il avait accepté la main tendue de Harry, il avait toujours eu quelqu'un à portée de voix.

Il n'avait pas réalisé jusqu'à présent, et il était le premier surpris de se rendre compte que ce n'était pas désagréable comme sensation. Savoir qu'il y avait quelqu'un en cas de problème.

Il s'était habitué à cette présence constante. Il ne manquait pas d'intimité, étrangement.

Aujourd'hui cependant c'était différent. Aujourd'hui, le hibou de ses parents était arrivé et lui avait apporté une lettre. Il avait tourné le parchemin roulé entre ses doigts fins un long moment, l'air pensif, avant de le mettre dans sa poche sans l'ouvrir.

Il pressentait que les nouvelles ne seraient pas agréables. Ses parents n'avaient pas cherché à le joindre depuis qu'il avait choisi de trahir leurs idéaux. Il avait dû être rayé de la généalogie familiale comme ceux qui avaient déshonoré le nom des Malefoy.

A une époque cette idée l'aurait rendu malade et il aurait probablement été s'excuser immédiatement. Il aurait rampé pour que Lucius lui accorde à nouveau un regard. Il aurait accepté la marque juste pour retrouver sa place au Manoir Malefoy.

Mais plus maintenant. Il avait ouvert les yeux, et s'était rendu compte qu'il avait été trompé par ses propres parents.

Ses parents auraient du le protéger. Mais il n'avait été qu'une marchandise à vendre à leur Maître... Une preuve de leur loyauté. Il n'était que de la chair à canon destinée à bâtir le rêve d'un fou furieux.

Il passa un long moment à observer par la fenêtre, jouant distraitement avec la lettre de ses parents.

Il soupira puis déplia le rouleau. Il prit connaissances des quelques lignes, et laissa tomber le parchemin à terre.

Il s'autorisa une seule larme, pour tourner un trait sur celui qu'il était, avant de se reprendre et de reprendre son observation par la fenêtre.

Hier il était un Malefoy. Aujourd'hui il n'était plus rien.

Hier il était riche. Aujourd'hui il n'avait plus rien.

Hier il était en vie. Aujourd'hui il était condamné.

Son père lui annonçait froidement qu'il était renié, déshérité et traître à son sang. En tant que tel, les Mangemorts avaient le devoir de l'éliminer s'il venait à se trouver face à eux.

Rien de moins. Rien de plus.

Son père devait se montrer plus courtois dans les courriers professionnels qu'il échangeait.

Harry, Harry Potter, qui avait été son ennemi avait eu plus de considération envers lui que ses propres parents. Aujourd'hui ils étaient amis, et il savait au fond de lui qu'Harry ne l'abandonnerait pas.

Drago sourit doucement en pensant qu'il était probablement prêt à être courageux pour aider Harry. Non. Plus exactement, il était prêt à donner sa vie pour aider Harry.

Librement, il se sacrifierait, parce que le jeune homme n'en ferait jamais la demande.

Drago secoua la tête en se disant qu'il devenait un peu trop Gryffondor. Où étaient sa ruse et son sens de la stratégie ? Le voilà qui parlait sacrifice sans se poser la question des avantages qu'il pourrait en tirer. Un magnifique Gryffondor.

Il repensa à ses camarades qui l'avaient suivi. Blaise avait lui aussi été renié. Il n'en parlait jamais, mais Drago savait à quel point le jeune homme avait été attaché à sa mère.

Pansy avait perdu ses parents. Et la jeune femme faisait des cauchemars chaque nuit, parce qu'elle s'accusait d'être la cause de leurs morts.

Elle savait qu'elle avait pris la bonne décision, elle savait qu'elle avait bien fait de tourner le dos à Voldemort. Mais elle savait aussi que c'était ce qui avait causé la mort de ses parents. Les Parkinson avaient été une famille liée et Pansy avait grandi dans un cocon d'amour, contrairement à Drago. Maintenant, elle était seule.

Sans lui, aucun Serpentard n'aurait rejoint Harry. Il avait toujours été leur meneur.

Il soupira à nouveau, et se demanda si c'était ça devenir adulte. Prendre des décisions et devoir en assumer seul les conséquences. Tourner le dos à ses habitudes pour sauter dans l'inconnu. Suivre des chemins inhabituels.

Il sentit une présence à ses côtés.

Il reconnut immédiatement celui qui l'avait rejoint. Harry, bien entendu.

Il ne se tourna pas vers lui, restant immobile.

Ils restèrent côte à côte un long moment, sans parler, ni se regarder. Mais au bout de longues minutes, Drago sentit ses muscles se dénouer. La présence d'Harry le faisait se sentir mieux, indubitablement. Moins seul.

Soudain, Harry lui tendit une assiette contenant une part de tarte. Il sourit en voyant qu'il s'agissait une tarte au chocolat. Son dessert préféré.

- Tiens. Tu peux en avoir la moitié.

Drago lui jeta un regard amusé mais Harry avait un air parfaitement sérieux. Le Serpentard sourit et s'empara de l'assiette, commençant à manger le dessert.

Après quelques bouchées, il poussa du pied la lettre de ses parents vers Harry. Ce dernier la lut en silence. Il laissa Drago manger encore un peu puis prit la parole.

- Tu sais que c'est de la connerie hein ?

Drago fronça les sourcils.

- Tu es le dernier héritier Malefoy. Tu n'auras pas les titres probablement, mais tu auras la fortune de tes parents. Le Manoir aussi. C'est ce qui s'est passé pour Sirius.

Drago ouvrit la bouche, la referma, avant d'éclater de rire.

- Tu es sûr, Potter ?

- Hey ! Je ne suis pas avocat ou notaire ou je ne sais quoi ! Demande à Sirius, tu sais comment le joindre maintenant. Et il t'adore !

Drago grogna, peu convaincu.

- Il m'a dit que tu étais intéressant. Il t'adore.

- Potter. Tu es un idiot. Chez les Black, intéressant veut dire cinglé.

- Ba tu vois. Il t'adore...

100 façons de dire "Je t'aime"Où les histoires vivent. Découvrez maintenant