Harry et Drago, assis côte à côte, frissonnaient, aussi bien à cause de l'humidité dans les cachots que de l'air glacial de leur professeur de potion.
Ce dernier allait et venait dans des envolées de capes, l'air furieux, ignorant les élèves qui s'étaient installés à leurs places dans un silence total.
Ils savaient tous ce que ça signifiait : le cours de potion allait être particulièrement désagréable.
Harry et Drago échangèrent un regard. Harry avait eu l'occasion de contacter Sirius par cheminée la veille au soir, et l'animagus avait un air inhabituellement sérieux. Il lui avait expliqué qu'ils avaient eu une réunion de l'ordre car les attaques de Mangemorts avaient repris.
Severus était arrivé en retard car retenu auprès de Voldemort et Sirius avait eu l'air perturbé en lui expliquant que son ennemi de toujours avait été sévèrement torturé.
Bien entendu, Drago était le seul avec qui il avait partagé ses informations. Il savait que Hermione ne pourrait s'empêcher de regarder Severus avec pitié ou inquiétude, ce qui rendrait fou de rage l'irascible professeur.
Ils n'étaient donc pas étonnés, ni l'un ni l'autre, de l'humeur réfrigérante du maître des potions.
Harry regardait son professeur avec prudence, comme on regarderait un serpent venimeux. Il ne parvenait toujours pas à faire confiance à l'homme, même s'il savait qu'il était un espion déterminé à aider l'Ordre pour vaincre Voldemort.
Il avait parfaitement conscience que le maître des potions l'avait protégé depuis son arrivée dans le monde magique, et qu'il avait pris pendant des années des risques énormes pour donner l'avantage au camp du bien.
Dumbledore lui vouait une confiance aveugle et Harry ne savait pas réellement quoi en penser. L'homme vénérait sa mère mais haïssait son père. Et lui était l'exact mélange de ses deux parents. Rogue voyait en lui le visage de James et les yeux de Lily, oscillant entre haine et dévotion à son encontre.
Drago pour sa part masquait son inquiétude sous un masque d'impassibilité. Severus était son parrain et il avait toujours été présent. Ce n'était pas un homme affectueux, mais il l'avait aidé et protégé. Il avait souvent modéré Lucius. Drago savait que depuis que son père avait mis sa tête à prix, Severus ne décolérait pas. Le maître des potions n'avait pas eu besoin de le préciser mais le geste de l'aristocrate avait sonné le glas de leur amitié vieille de plus de vingt ans.
Aussi, apprendre qu'il avait été torturé avait provoqué chez le jeune homme un désagréable serrement de cœur. Il n'avait jamais été habitué aux contacts physiques, mais il avait eu l'envie d'enlacer l'homme pour le serrer dans ses bras.
Il n'en ferait rien cependant. Parce que ce serait humiliant pour lui comme pour son parrain.
Les deux amis furent sortis de leur rêverie par la voix sèche de l'homme qui occupait leurs pensées et ils sursautèrent alors qu'ils entendaient un retrait de points pour Gryffondor et un sanglot étouffé de Lavande, la nouvelle cible du professeur.
Ils échangèrent un nouveau regard en sortant parchemin et plume pour noter les ingrédients et les instructions qui apparaissaient au tableau. Le cours allait être long et pénible...
Ils avaient eu raison tous les deux. Le cours fut terriblement long et particulièrement pénible.
Rogue était déchaîné, traquant le moindre geste de ses élèves et les retraits de points pleuvaient. Majoritairement pour les Gryffondor bien que les Serpentard ne soient pas vraiment épargnés.
Crabbe et Goyle en firent les frais comme si Rogue leur faisait payer d'être du mauvais côté. Les regards haineux des deux garçons stupides ne lui firent aucun effet, et sous le regard noir de l'homme, ils baissèrent les yeux, vaincus.
Théo avait alors eu un sourire heureux et admiratif pour son professeur et directeur de maison. Severus Rogue en le voyant avait eu une légère hésitation, et s'était calmé. Il avait brièvement hoché la tête à l'intention du jeune homme et avait repris le cours d'une voix moins tranchante.
Harry avait reçu le matin même un colis des frères Weasley contenant un échantillon de leurs inventions. Dans son colis, il y avait une poignée de bonbons dans un sac multicolore. Il l'avait négligemment laissé dans son sac, et le sachet débordait.
Après plusieurs passages près d'eux, la cape de Rogue accrocha le sac et ce dernier tomba au sol avec un bruit mat.
Harry rougit immédiatement alors que son professeur se retournait vivement, sourcils froncés.
- Potter ! Qu'est-ce que c'est ?
Harry bégaya piteusement avant de baisser les yeux.
- Des friandises, professeur.
Severus Rogue plissa les yeux l'air menaçant. Il ne pouvait décemment pas avouer qu'il avait un énorme faible pour les sucreries, alors quand il avait l'occasion d'en "saisir" auprès des idiots qui en laissaient traîner pendant ses cours, il le faisait avec plaisir.
D'une voix presque douce - et qui pourtant terrifiait ses élèves, allez savoir - il demanda au jeune homme mal à l'aise.
- Ainsi, vous mangez des cochonneries pendant mes cours, Potter ?
- No... Non, professeur.
- Donnez-moi ça !
Harry lui tendit le sachet, presque soulagé de s'en tirer à aussi bon compte. Drago eut un sourire narquois, comprenant le manège de son parrain.
L'homme à l'air austère, vêtu de noir contrastait violemment avec le sachet de douceurs colorés.
Il s'installa à son bureau et leur indiqua qu'il restait environ quinze minutes.
Le dos droit, les sourcils froncés et une moue méprisante sur les lèvres, il les contempla jusqu'à ce que tout ses élèves soient absorbés par leur travail et que plus personne ne le regarde.
Puis, avec un rictus gourmand, il plongea la main dans le sachet pour en sortir un bonbon. Vérifiant que personne ne regardait, il le mit dans sa bouche et ferma un instant les yeux de plaisir face au goût fruité de la friandise.
L'air de rien, il se mit à corriger des copies. Il n'était pas penché sur les parchemins bourrés de fautes depuis cinq minutes, qu'il entendit un couinement étranglé.
Il leva vivement les yeux pour se rendre compte que tout le monde avait les yeux levés, figés, le regardant d'un air horrifié.
- Et bien ? Un problème ?
Personne n'osa parler, excepté Harry qui s'éclaircit la gorge.
- Heu... Vos... cheveux. Monsieur.
Son monsieur s'était noyé dans un gloussement nerveux et Severus plissa les yeux.
- Potter ?
Il avait pris un ton clairement menaçant, mais loin d'avoir l'effet escompté, il se rendit compte que cet idiot de survivant se mordait franchement la lèvre pour ne pas rire.
Hermione Granger, en bonne lionne courageuse, se leva doucement et déposa un petit miroir de poche sur son bureau avant de repartir s'installer rapidement à sa place, sans prononcer un mot. Son voisin de table, Ron Weasley avait prit une couleur résolument brique. Neville Londubas le fixait bouche grande ouverte.
Les Serpentard n'étaient pas en reste, même s'ils restaient plus discrets. Pour la plupart, ils avaient été élevés dans des familles de Sang-pur nobles et avait grandi avec pour idée qu'ils ne devaient pas faire étalage de leurs émotions.
Le professeur attrapa le miroir et jeta un œil prudent. Il se figea aussitôt, horrifié.
Ses cheveux, habituellement noir corbeau étaient maintenant d'un rose vif parfaitement ridicule.
Voyant son expression, il vit Potter sourire largement et commenter.
- Ça fait ressortir vos yeux, professeur.
Avant d'exploser de rire, suivi par toute la classe.