45. Vous avez un nouvel e-mail

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« Bon sang de bonsoir ! Qu'est-ce qui vous a pris ? Essayer d'avaler une gorgée d'eau au chlorure de potassium ? Vous n'êtes pas bien, vous ! Heureusement qu'un de vos camarades vous a attrapé la manche avant ! Votre professeur de physique ne vous a pas dit que c'était un poison mortel ? »

Assis dans le bureau de son CPE, Monsieur Musquet, Kilian baissait le regard. Il n'avait pas grand-chose d'autre à faire. Il ne savait même pas ce qui lui était passé par la tête. Il se revoyait tenir le tube à essai dans sa main et chercher à déterminer combien de grammes il manquait à la solution pour qu'elle arrive à saturation. Il se doutait bien que la mixture était nocive. Apprendre qu'en effet, c'était le cas, mais à des doses telles qu'il lui aurait fallu avaler plusieurs gros morceaux pour risquer quelque chose, cela l'avait quelque peu déçu. Même pour se faire du mal, il se trouvait nul. Et maintenant que la bêtise avait été faite et qu'il s'était retrouvé exclu de la classe, il devait supporter les leçons de morale de ce pauvre Musquet, toujours aussi bien rasé et toujours aussi fatigant.

« Je vous parle. Arrêtez de rêver, jeune homme ! Expliquez-moi ce qui vous a pris ! », insista l'adulte avec énervement.

Kilian releva les yeux puis soupira en secouant la tête. Cet homme semblait définitivement incapable de le comprendre. En se grattant l'arrière du cou et en fixant un vieux calendrier fixé au mur, l'adolescent entreprit de se payer la tête de l'adulte d'un ton monocorde.

« J'suis dépressif, jaloux et anxieux. J'ai perdu à l'escrime en finale, ce qui veut dire que je suis un gros nul, un raté et un loser et, surtout, que j'ai déçu le garçon dont je suis amoureux. Oui, parce que si vous le saviez pas encore, j'aime un garçon. D'ailleurs, à ce propos, des inconnus m'ont tapé dessus parce que j'étais gay, juste pour le fun, pour casser du pédé. Enfin, les jeunes sont pas tous intolérants comme ça, hein ! Certains, c'est pire. Mon délégué, lui, il veut me refaire le portrait directement avec ses phalanges, car je ne suis pas assez tantouze à ses yeux, surtout quand je drague son ex. Comme quoi... Par contre, dans mon club, c'est plus cool, y a un étudiant, il me juge pas, il accepte que je bouffe à tous les râteliers et il me donne même des conseils, même s'il préfère largement mes penchants homos aux autres. D'ailleurs, maintenant que j'y pense, ça doit être pour ça qu'il a essayé de me violer. Enfin, il a une morale, hein, il a voulu me filer vingt euros, ce qui est plutôt sympa de sa part, faut avouer. C'est quand je lui ai écrasé une bouteille de rhum sur la tête qu'il a compris que j'étais pas d'accord. Du coup, comme j'étais très fatigué, j'ai essayé de me suicider de plusieurs manières différentes, mais rien ne fonctionne. Ni le chlorure de potassium, ni même manger chez Gabriel... Pourtant, il avait bien réussi à empoisonner son chat, j'pige pas pourquoi ça n'a pas marché avec moi. Normalement, j'aurai dû y rester dès la première bouchée... C'est p'têt parce que c'est sa mère et pas lui qui a préparé la bouffe, en fait, que ça a merdé. La prochaine fois, je ferais gaffe à ce détail. Nan mais ça va, hein, j'déconne, me dévisagez pas comme ça, j'voulais juste goûter le contenu du tube pour savoir quel goût ça avait, si c'était comme du sel ou pas, j'ai juste oublié de réfléchir, comme d'hab quoi ! »

En écoutant les incroyables révélations de son élève, Musquet faillit s'étrangler plusieurs fois et dut fermer ses paupières avec un rythme frénétique pour empêcher ses yeux de sortir de leurs orbites. Comprendre que le petit con se foutait de sa gueule était un sentiment particulièrement désagréable.

« Très drôle, très très drôle. Vous voulez jouer au plus malin ? Ça vous plait, de raconter n'importe quoi ? Très bien, vous partirez en vacances après les autres. Deux heures de colle, samedi matin ! »

En écoutant sa punition, Kilian écarquilla les yeux. L'objectif, quand on veut en finir, c'est justement de ne plus souffrir. Devoir passer une matinée complète au lycée alors que son brunet devait justement débarquer chez lui au même moment après plus de deux mois d'une atroce séparation, cela lui donnait des envies de meurtre. Et le pire, c'était que, si mensonge il y avait, il se situait bien en fin de monologue. Mais ça, cet imbécile de Musquet était bien incapable de le comprendre. En se levant et en faisant tomber sa chaise, l'adolescent geignit bruyamment.

Ce qu'il voulaitTempat cerita menjadi hidup. Temukan sekarang