Prologue - Je m'appelle Kilian, j'ai quinze ans, je suis amoureux d'un garçon

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Quinze ans. Cela fait quinze ans que je prends des douches glacées le matin, que j'ai les cheveux dorés, que je roupille dès que je peux et que je boude à chaque fois que je suis contrarié. Cela fait quinze ans que je suis né sur cette drôle de planète qu'est la terre. Cela fait quinze ans que j'essaie d'être heureux, des fois en y arrivant, des fois un peu moins. Je m'appelle Kilian, mes amis me disent que je suis plutôt mignon, avec mes magnifiques bouclettes et mèches blondes qui tombent sur mon front et ma nuque d'adolescent et avec mes yeux vert émeraude, mon principal atout charme avec les filles. Et j'ai quinze ans.

Enfin, quand je parle d'atout charme avec les filles, c'est plus compliqué que ça. Jusqu'à l'année dernière, je ne savais même pas vraiment comment tout ça fonctionnait. Quand mes potes parlaient des choses de la vie, je revêtais toujours mes habits de grand timide. Je me cachais sous mes draps en attendant que mon heure vienne. J'étais naïf, candide et même un peu flegmatique, mais je m'en foutais. J'étais bien comme ça. C'était ma vie, elle n'était pas toujours rose, mais je l'aimais. J'avais des raisons de l'apprécier, comme la présence à mes côtés de mes amis et de mon grand frère, Cédric, d'un an et demi mon ainé. Si moi, j'ai les cheveux couleur du soleil, lui les a plutôt courts, couleur de la terre. On ne se ressemble pas vraiment physiquement, mais au niveau du cœur, on a toujours été là l'un pour l'autre, subissant les mêmes galères familiales. Des parents cons, c'est sûr, ça rapproche.

Et puis, en l'espace d'une seule toute petite année, celle de ma troisième au collège, j'ai grandi, plus que lors des quatorze précédentes. À cause d'une personne, d'un garçon pour être plus précis, qui a surgi dans ma vie l'été dernier et qui a tout changé.

Mais commençons par le commencement. Vous ne pouvez pas comprendre ma vie et mes aventures si je ne vous raconte pas tout ce qui est arrivé avant que je ne rencontre ce garçon à la peau blanche, aux cheveux noirs et à l'esprit diabolique. Au moment où je vous parle, nous sommes le premier lundi du mois de juillet, mon dernier été avant mon entrée au lycée. Je suis né il y a quinze ans et un peu plus d'un mois. Bébé, on raconte que j'étais adorable, même si déjà, je pleurais beaucoup. C'est ma tante Suzanne qui en témoigne le mieux. Elle m'a toujours plus aimé que ma mère, Marie, ne l'a jamais fait. Jusqu'à il y a peu, j'étais bien incapable de comprendre pourquoi. Tout le monde raconte que ma mère a changé juste avant ma naissance. Dans tous les albums photos de famille, avant cela, elle était toujours rayonnante. Puis elle a sombré dans l'alcool et victime d'une grave dépression, et elle a arrêté de s'occuper de nous, Cédric et moi. En retour, notre père s'est renfermé sur lui-même. Il a perdu ses rêves et ses idéaux et est devenu comme tous ces grands cadres d'entreprises à qui il manque le plus important : aisé, puissant, infidèle et violent. Surtout avec mon frère et moi. J'avais beau avoir un beau visage, il a souvent dégusté. Et comme je pleure facilement, ça n'aidait pas vraiment.

Ne me jugez pas, ce n'est pas ma faute à moi si je suis hypersensible. C'est comme ça, je préfère exprimer mes sentiments plutôt que de les garder à l'intérieur. Mon corps ne les supporte pas. C'est trop douloureux. Mais bon, ce côté naturel, plein de vie, de fougue et de sincérité, c'est bien ce qui me rend attachant, non ?

Après des années de galère et de tension familiale, j'ai fini par comprendre. Toutes les familles ont un secret de famille. Le nôtre, c'est moi. Si je ressemble si peu à mon frère, c'est parce que nous n'avons qu'un demi-lien de sang. Ce n'est qu'il y a quelques mois à peine que j'ai appris pour ma condition de petit bâtard. Le terme est laid, mais je le choisis à dessein. C'est ce que je suis, le fruit d'un adultère, un des pires qui soit, celui de l'amour interdit entre ma génitrice et le meilleur ami de mon père, mon propre parrain, Bruno. J'ai toujours su qu'il se tapait ma reum. Ou plutôt, j'en ai eu la conviction le jour de mes dix ans, quand je les ai vus faire toutes ces choses horribles à travers le trou de la serrure de la salle de bain. Cela m'a conditionné à détester mon corps et à fuir celui des autres, d'où peut-être cette immaturité sentimentale qui m'a suivi si longtemps.

Ce qu'il voulaitWhere stories live. Discover now