38. Un jeudi soir au service de l'art

181 17 4
                                    


En admirant son seize au contrôle d'anglais, Kilian n'était pas peu fier. Les leçons qu'Aaron lui avait données en ligne commençaient à porter leurs fruits. Scolairement, même si les professeurs étaient tous plutôt sévères, il faisait un plutôt bon début d'année. Ses premières notes le situaient approximativement dans le premier quart de sa classe, pas si loin que ça des meilleurs. Ses premiers résultats en maths et en physique étaient même excellents et ceux dans ses matières plus faibles, tel le français, l'histoire et langues, plutôt acceptables.

Martin, lui, n'avait pas de quoi se réjouir. Non seulement, son manque de travail l'avait empêché d'obtenir la moyenne, mais en plus, il avait bien d'autres soucis en tête que l'apprentissage des verbes irréguliers. Pas un jour ne passait sans que Yun-ah ne pique une petite crise. En ce jeudi midi, dans la cour carrée au centre du lycée, un point de non-retour semblait avoir été atteint.

« Tu ne m'aimes pas, c'est ça ? »

Bien sûr que Martin l'aimait, et ce depuis des années. La seule personne aussi importante à ses yeux que sa perle asiatique était un blondinet avec qui il avait sympathisé en primaire et à qui il avait toujours tout pardonné, même les bouderies, les critiques, les plans foireux et autres moqueries sur sa couleur de cheveux. Veiller sur Kilian lui semblait naturel. Il en avait même fait la promesse à Aaron, même si l'existence du jeune brun n'y était pas pour grand-chose dans sa détermination de toujours honorer le sens du mot « ami ». Cependant, pour protéger le blondinet de lui-même et des autres, il n'était pas contre un petit coup de main. Et heureusement, cette année, il pouvait compter sur la présence salvatrice de Gabriel. Le jeune artiste avait sauté sur l'occasion pour faire équipe avec lui dans ce rôle protecteur, ce qui les arrangeait tous les deux. Pendant que Gaby se proposait de dessiner Kilian, Martin pouvait s'occuper de son propre couple. Pourtant, ses nombreux efforts n'étaient jamais reconnus à leur juste valeur. Le problème de Yun-ah était fort simple : elle ne supportait pas de ne pas être dans la même classe que ses camarades préférés, chose qui n'était jamais arrivée depuis qu'ils se connaissaient. Ne pouvant s'en prendre à Kilian et à ses cheveux blonds, elle rejetait naturellement la faute sur son rouquin de copain.

« Mais si, je t'aime putain ! Tu vas pas me faire une crise de jalousie à chaque fois que j'ai trois minutes de retard dans la cour ? La prof nous a retenus, c'est pas ma faute quand même ! Eh, sérieux là ! Nan mais pleure pas Yunette... Je voulais pas élever la voix, excuse-moi... Allez quoi, ça te dit qu'on se fasse une petite sortie ce week-end, toi et moi ? Je suis désolé, vraiment, j'aurai dû me grouiller, ça n'arrivera plus... »

Sur les marches, la tête de Koa sur les genoux, Kilian observait ses deux amis les plus proches se ridiculiser en public. Il trouvait cela grotesque, presque autant que le comportement de la sangsue qui s'accrochait à lui. Depuis l'épisode du baiser volé la semaine passée, le Laotien n'avait presque pas adressé la parole au blondinet, mais il ne pouvait s'empêcher de le coller en silence, sans demander son reste. Kilian devait sans cesse l'envoyer promener en essayant de ne pas trop le vexer afin de retrouver un peu de liberté de mouvement. Ce qu'il fit de manière très intelligente en voyant Alia se rapprocher dangereusement.

« Koa, tu peux aller chercher Gabriel et lui demander de ma part si c'est ok pour ce soir comme la semaine dernière ? Ça serait super sympa ! Ah, Lili... quelle surprise, tu me fais plus la gueule ? »

Alors que le frêle adolescent se levait et se jetait à la recherche d'un artiste châtain de taille moyenne aux yeux bleus que personne ne semblait avoir vu depuis la fin des cours, la Tunisienne s'assit à côté de Kilian sans même réagir à ce drôle de surnom qu'elle ne trouvait pas détestable. L'effleurement de leurs peaux provoqua une étrange proximité qu'ils n'avaient plus connue depuis l'été.

Ce qu'il voulaitDove le storie prendono vita. Scoprilo ora