51. Au moment du dessert, on sonna à la porte...

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Si du côté d'Aaron, les choses étaient tendues, la semaine de Kilian, bien que longue et éprouvante, fut plutôt agréable. Entre Alia, les devoirs, la reprise de l'escrime, un passage au commissariat pour répondre aux quelques questions des enquêteurs et toutes ses autres activités, le temps avait continué sa course sans qu'il ne s'en rende compte.

Dès la rentrée, il avait posé ses fesses à côté de la fille avec qui il avait passé une grande partie de ses vacances, au plus grand désarroi d'Adan. Le délégué ne savait pas s'il était encore amoureux de la jeune Tunisienne, ni même s'il l'avait vraiment été un jour, mais voir ce blondinet tourner dangereusement autour de sa possession le rendait furieux. C'était une insulte directe à sa grandeur. Il était beau, il se croyait intelligent et il ne comprenait pas du tout ce qu'elle trouvait à... cette chose ! À ses yeux, il n'était même pas dit que Kilian était vraiment un garçon. Cet impudent était même à la limite de l'être humain. Oh, le bellâtre n'avait rien contre les homosexuels, il avait de très bons amis homosexuels, d'ailleurs, même si cette sympathie était loin d'être réciproque de l'avis même de ceux qu'il considérait comme des proches. Ce mépris dont il était la cible, il l'ignorait. Après tout, vu qu'il était génial, les autres ne pouvaient que l'apprécier, non ? Inutile, donc, de leur poser la question pour en avoir la confirmation.

Ce qui énervait vraiment Adan, c'était que son insolent camarade de classe joue un autre rôle que celui qu'il s'était fixé au début de l'année. Un pédé, ça allait, mais un pédé qui faisait craquer la fille qu'il avait dans le viseur, là, c'était la pire de toutes les insultes possibles à sa magnificence. Et lorsqu'il vit l'adolescent aux yeux verts glisser sans la moindre gêne ses doigts dans la chevelure d'Alia, son sang ne fit qu'un tour. La guerre était déclarée. Sans réfléchir, il se saisit violemment du blondin par le col et se prit un coup de poing dans les côtes en retour. Il fallut compter sur l'intervention de plusieurs camarades et l'arrivée dans la classe de Madame de Saint-Ferrand pour que le délégué accepte de lâcher sa cible, non s'en l'insulter au passage.

« Putain, mais va niquer Koa ! »

Adan aurait bien dit « ta mère » ou « ton père », comme il est de coutume dans les bas quartiers, mais cela aurait été avouer son manque d'intelligence, de tact et de délicatesse. Alors qu'en ciblant le petit Laotien qui s'assumait de plus en plus, il montrait à tout le monde deux choses : sa place au sommet de la hiérarchie de la classe, et celle naturellement dévolue à Kilian, bien plus bas, avec tous les déviants de son genre. Silencieux, le jeune asiatique sentit la fureur lui monter au nez. Il en prenait vraiment plein la tronche gratuitement alors qu'il n'avait rien demandé, si ce n'était en effet que Kilian se rapproche intimement de sa personne. Chose dont il avait en fait fini par crever d'envie au fil des jours. Le blondinet, lui, répondit sans se démonter à son offenseur, en haussant les épaules.

« Okay ! »

Deux secondes plus tard, Koa se retrouva plaqué sur sa table, une main dans les cheveux, une autre sous le t-shirt et une langue qui n'était pas la sienne dans la bouche. La scène aurait pu continuer jusqu'à en devenir choquante si Renée n'avait pas frappé avec son sac sur le bureau pour rappeler à ses élèves qu'elle était là. Toute l'heure de cours, Kilian, puni comme un enfant, la passa assis dans le couloir en échangeant des regards rieurs avec Alia, à travers la porte ouverte.

Plus la semaine passait, plus le blondin et la Tunisienne se comportaient comme s'ils étaient en couple, au point que cela devienne le sujet principal de la conversation que Kilian tint, le jeudi soir, à un Gabriel obnubilé par son art tout en se triturant le collier.

« Tu crois que je l'aime ? Enfin, j'veux dire, que je pourrais éventuellement l'aimer ? C'est vraiment étrange, j'ai toujours été convaincu que je ne pourrais jamais aimer personne d'autre qu'Aaron, et là, bah... grâce à elle, ça va pas si mal en fait, j'déprime beaucoup moins qu'avant les vacances... Quand on traine ensemble, j'ai même plus le besoin de checker mon téléphone toutes les cinq secondes... J'arrive à tenir une voire deux minutes, des fois ! Et puis, je suis sûr qu'Aachou est content pour moi. Après tout, hein, je fais juste ce qu'il m'a demandé en attendant son retour, y a pas de mal. Et puis, je suis toujours à lui, c'est pas comme si je le trompais vraiment, il suffit qu'il claque dans les doigts et je rapplique en remuant la queue, j'suis bien dressé, faut pas croire... Aaah, tu me chatouilles là, Gaby putain ! Rha, merde... Ça va tout déformer ta peinture maintenant ! »

Ce qu'il voulaitWhere stories live. Discover now