21. La vengeance est un plat d'altitude

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« Voilà Basile, c'est comme ça qu'ça c'est passé ! »

Rarement Lucas avait été aussi catégorique. Mais avec, à ses côtés, Thomas, Arthur et surtout Kilian qui baissait les yeux en acquiesçant à chaque nouvelle révélation relative à l'agression dont il avait été la victime, le frêle adolescent paraissait plutôt convainquant. Le Québécois, lui, en resta bouche bée. Il pensait avoir tout vu, il allait en réalité de surprise en surprise. Ce que Guillaume et ses copains avaient osé faire était tout bonnement inacceptable, en considérant que toute cette histoire était vraie. Mais l'air gêné et honteux de Kilian, qui serrait ses bras contre ses flancs en regardant le sol, était sans doute la meilleure des preuves. La sincérité se lisait sur son visage.

Pour le blondinet, s'apitoyer sur son sort n'avait pas été la première des options. Avouer à un homme en qui il n'avait plus la moindre confiance qu'il s'était retrouvé à genoux, en tenu d'Adam, avec un attribut masculin qui n'était pas le sien sur la joue, il n'en avait pas vraiment envie. Mais il n'avait pas le choix. C'était ça ou se faire vengeance lui-même, ce dont il n'avait pas la force. Il était fatigué de ces vacances et n'attendait plus qu'une seule chose, qu'elles se terminent, même si cela signifiait quitter à nouveau Aaron jusqu'à leurs prochaines retrouvailles. En arriver à cette pensée lui avait fait réaliser que le meilleur choix était bien de s'en remettre à l'autorité suprême du camp. Le fait que son amoureux le lui ait fortement conseillé, pour ne pas dire ordonné, pesait aussi dans la balance. Il allait tout avouer, à la seule condition que les mots ne sortent pas de sa bouche et que les témoins de cette triste affaire soient présents à ses côtés pour le soutenir. Sans frémir, Lucas avait endossé la toge de Cicéron et était parti dans la plus violente des diatribes. Lui aussi avait changé. Protéger les copains, c'était tellement plus gratifiant que de s'en prendre plein la tronche...

Complètement choqué, Basile se passa un mouchoir brodé sur le front pour essuyer les grosses goutes de sueur qui perlaient à travers sa peau. Même s'il ne faisait pas chaud, ses habits lui collaient au corps. Il ne savait même pas quoi dire. Il se sentait responsable. Pas en tant que directeur du camp, pas au sens légal du terme, mais en tant qu'être humain. Non seulement, il avait l'impression de n'avoir servi à rien, mais en plus il avait complètement failli dans la mission qu'il s'était fixée, à savoir accompagner l'espace d'un été une bande d'adolescents sur le chemin de la vie. Et le regard haineux d'Arthur et de Thomas, qui en profitèrent pour lui notifier que s'il avait eu l'intelligence de fermer sa grande gueule de Québécois, rien de tout cela ne serait arrivé, n'arrangea pas l'étrange sensation de culpabilité qui lui parcourait le corps.

« Ok, c'est bon, je vous crois. Où sont Nicolas, Juan et Guillaume ? », demanda simplement l'adulte en se tripotant sa barbe qu'il n'avait pas taillée depuis le début du camp.

Ce fut une fois de plus le jeune Lucas qui lui répondit. Et ce fut Kilian qui se sentit le plus mal.

« Bah, les deux complices, ils sont en train de murir pas loin du car en attendant que les monos viennent les cueillir. J'crois qu'ils ont pigé que c'était cuit pour eux quand ils nous ont vus débarquer. Ils savent qu'ils vont finir en compote ! Guillaume, par contre, Aaron a décidé de le punir par lui-même, mais ça, vous n'arriverez pas à le prouver ! Même à nous il nous a pas expliqué ce qu'il avait prévu ! »

Le garçon aux yeux verts, victime de toute cette histoire, tremblota. Foutu Aaron. Ah ça, pour lui dire de ne pas se faire justice soi-même, il y avait du monde. Mais pour appliquer ses propres préceptes, il n'y avait plus personne. En même temps, après l'agression, le brunet avait annoncé la couleur. Le vert de la vengeance, celui des feuilles d'été qui frémissaient au gré du vent. D'un seul coup, Kilian comprit ce que son amoureux avait en tête, ce qui s'accompagna d'un frisson bleuté qui lui glaça le dos. Ce calme, cette maitrise de soi apparente, ce regard haineux comme si on lui avait arraché son propre cœur, ce sourire sadique et violent... tout cela ne pouvait vouloir dire qu'une seule chose : Aaron n'était plus maitre de son esprit et était sur le point de franchir la ligne jaune. Devant les autres, Kilian ne put qu'exprimer ses craintes.

Ce qu'il voulaitNơi câu chuyện tồn tại. Hãy khám phá bây giờ