36. « Dessine-moi un Kilian ! »

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« Bien, prenez vos livres à la page trente-sept. Nous allons commencer le chapitre sur la citoyenneté et la démocratie à Athènes ! Par contre, je m'excuse, mais le rectorat refuse que j'aborde le sujet sous le prisme des préférences sexuelles des gens de l'époque. Pourtant, c'est passionnant. Saviez-vous que les Athéniens n'avaient pas de mots pour homosexuel et hétérosexuel ? En effet, c'était inutile ! Ils considéraient l'homme comme naturellement bisexuel. Pour eux, avoir une préférence pour l'un ou l'autre genre n'était pas un élément assez important pour qu'on le nomme ! Je suis sûr que certains d'entre vous se seraient éclatés à l'époque ! Bon, je vais arrêter là, j'en vois un qui rougit et cela risquerait de me poser problème pour mon avancement si l'inspecteur apprenait que je vous ai parlé de ces légers détails de l'Histoire ! »

L'adolescent qui voyait son visage prendre une teinte ocre devant le discours amusé du professeur était blond, avait aussi de beaux yeux verts plus brillants que des émeraudes et trouvait particulièrement détestable d'être ainsi taquiné en plein cours par un adulte. Même s'il aimait bien Hervé Bruissière, son professeur principal en troisième qui enseignait aussi les sciences humaines au lycée, Kilian aurait sans doute préféré que ce dernier ne passe pas la moitié de ses cours à faire des références douteuses à sa prétendue homosexualité. Bon, forcément, après le bordel que le blondinet avait foutu l'année dernière avec Aaron, son orientation sexuelle était devenue un secret de polichinelle, mais plus Bruissière essayait de faire de l'esprit en se montrant compréhensif et amical, plus il était lourd. Et là, il était encore pire qu'un pachyderme, à tel point que le blondinet ne put s'empêcher de grommeler devant certaines insinuations malodorantes en contractant la mâchoire et en infléchissant les lèvres. De son côté, comme s'il était passionné par le sujet, Gabriel leva la main pour poser une question.

« Dites, et quand on était ado, à Athènes, on avait le droit de se taper des vieilles ? Nan parce que bon, s'il existait une société où Kilian aurait eu le droit de faire ce qu'il voulait, je réclame la même chose pour tous les jeunes branleurs de mon âge qui se font des films devant des vidéos pornos sur le net ! Nan mais c'est vrai, quand t'es ado et que tu regardes un boulard, elles ont toutes au minimum dix-huit piges ! Et encore, je parle pas de la mode des cougards ou des milfs ! C'est super swag à notre époque ! »

La classe toute entière explosa de rire et certains élèves, même, se levèrent pour applaudir Gabriel et sa sortie foireuse. Seuls deux personnes semblaient ne pas du tout apprécier la blague. Le premier, c'était Kilian qui marmonnait dans sa barbe qu'un jour, ça serait sympa qu'on arrête de lui foutre la honte comme si c'était un jeu de le prendre pour exemple dès qu'on parlait de libération sexuelle. Il était blond, légèrement impudique et profondément immature, il n'avait besoin de personne pour se taper l'affiche, il savait très bien comment se ridiculiser tout seul sans qu'on l'aide. Le second, c'était Hervé Bruissière. L'adulte ne savait quoi répondre aux interrogations de son élève. Déjà parce qu'il n'avait pas forcément la réponse à cette question hors programme, ensuite parce qu'il avait l'impression d'être tombé dans son propre piège à aborder des sujets légers avec ses lycéens, et il n'aimait pas cela du tout. En plus, il ne comprenait même pas la moitié de ce que racontait Gabriel. Et il était bien le seul, ce qui l'énervait encore plus.

« Et je pourrais savoir ce qu'est une... milf, par hasard ? », demanda-t-il naïvement, renversant de fait les rôles de professeur et d'apprenant.

Gabriel tourna la tête à gauche en espérant capter quelques regards puis, affalé sur sa chaise, il leva les bras au ciel, désigna clairement un de ses camarades du menton et donna sa propre définition du terme.

« Bah, j'crois que si vous demandez à Adan, il vous répondra que ma mère en est une ! J'm'en fous, elle est bonne ma mère, j'vais pas reprocher à Monsieur notre délégué d'avoir bon goût, c'est p'têt sa seule qualité ! Mais cherchez pas les mecs, elle est prise ! Et puis, une prof, j'vous l'conseille pas, vous savez pas ce que c'est que d'en avoir une à la maison ! »

Ce qu'il voulaitWhere stories live. Discover now