35. Un félin dans le viseur

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Kilian détestait les dilemmes. Ils avaient pour mauvaise habitude de lui causer des nœuds au cerveau, ce qui, dans son cas, était particulièrement contre-indiqué à cause d'un simple problème de ventilation neuronale qu'il expliquait à tout le monde et que personne ne voulait comprendre. Et ce dimanche matin-là, la tête dans son oreiller, il avait chaud au cerveau. Fallait-il qu'il reste dans son lit jusqu'à pas d'heure comme il crevait d'envie de le faire ou devait-il se lever et se jeter sur son PC pour guetter la prochaine connexion d'Aaron, sans quoi le manque finirait par le tuer ? Dans les deux cas, il semblait condamné à ne pas obtenir tout ce qu'il voulait, ce qui ne l'aidait pas à trancher. Ne sachant quoi faire, il se saisit de son téléphone et envoya un SMS à Martin afin de lui expliquer le problème et de lui demander son opinion. Sept secondes plus tard, la réponse s'afficha sur son écran.

« T'as un PC portable ducon, prends-le dans ton lit et laisse-moi dormir ! »

« Ah oui, pas bête », pensa le blondinet en regardant son ordinateur d'un air idiot avant de suivre le conseil de son meilleur copain. C'était tellement évident que son cerveau endormi n'y avait pas pensé. Calé entre son oreiller, deux peluches et trois coussins et sa machine sur le ventre, l'adolescent lança Skype et découvrit avec surprise que son brunet était connecté et n'attendait que lui. Après avoir vérifié que son torse nu était autant visible que son visage, que son collier était bien en place et qu'il n'était pas trop décoiffé, il lança sa webcam.

Aaron avait une petite mine. Après une mauvaise nuit à se retourner des centaines de fois dans son lit, poser ses yeux sur les bouclettes dorées de son petit trésor lui fit un bien fou. Et pourtant, voir le blondinet s'agiter et multiplier les mimiques sur son écran ne l'apaisa que pendant quelques petites secondes. Il avait quelque chose à lui annoncer, et il était persuadé que ça n'allait pas lui plaire du tout. Alors, pour se laisser un peu de répit avant la sale affaire, il l'interrogea sur cette soirée d'anniversaire chez son copain Gabriel. Immédiatement, Kilian partit dans un long monologue dans lequel il se glorifia de la partie de Loup-garou qu'il avait gagnée, même s'il n'y était pas pour grand-chose, vanta les talents de cuisinière de sa prof principale et témoigna de toute sa surprise lorsqu'il avait découvert la pièce secrète de son hôte.

« Il dessine encore mieux qu'au collège, c'est un truc de fou ! J'suis sûr que tu l'apprécierais, Gaby, il est trop sympa ! D'ailleurs, euh... Il m'a demandé un truc, mais j'voulais voir avec toi si t'étais d'accord, car c'est quand même un peu gênant et tout... Enfin, moi, j'm'en fiche, mais bon... J'veux pas lui dire oui sans ton autorisation... »

Au fil de la conversation, Kilian s'était souvenu de l'étrange requête de Gabriel. Même s'il ne comprenait pas pourquoi, il avait envie d'y répondre de manière positive. Il plaçait suffisamment de confiance dans le châtain pour se dévoiler à lui de la manière la plus sincère possible et, il fallait l'avouer, il était curieux de voir comment son camarade pourrait bien représenter son corps débarrassé de tous ses artifices. Il ne manquait plus à Kilian que le feu vert de son brunet, il en avait besoin. Trop fatigué pour jouer aux devinettes, ce dernier leva un sourcil et répondit par l'interrogative.

« Et c'est quoi le truc qu'il t'a demandé, au juste ? »

« Bah... il veut que je pose nu devant lui pour qu'il s'entraine, que je lui serve de modèle quoi... mais il m'a promis qu'il respecterait mon intégrité physique hein ! C'est pas un pervers, Gaby ! », marmonna le blondinet, en rapprochant et en écartant en rythme le bout ses deux index sur lesquels était fixé son regard. Il avait un peu honte et cela se voyait autant à son teint coloré et à sa bouche fermée qu'à sa tête tournée vers le bas.

Aaron écarquilla les yeux sans exprimer d'autre sentiment sur son visage. Et pourtant, ils étaient nombreux à se mélanger dans sa tête. La surprise, d'abord, qui lui fit réaliser le sens d'un certain message, le ravissement, ensuite, de voir que son petit Kilian avait suffisamment confiance en quelqu'un pour s'ouvrir et se montrer tel qu'il était, et l'envie, enfin, celle de voir au plus vite le résultat couché sur papier de cette expérience. Alors, après quelques secondes de réflexion, il haussa les épaules et sourit, avant de donner non sans humour son accord :

Ce qu'il voulaitWhere stories live. Discover now