Ce qu'il voulait

58. Les arbres nus font le paysage de décembre

Décembre, mois des fêtes, mais aussi celui ou les jours se font toujours plus courts. Pour Aaron, c'était comme si une chape de brume ténébreuse avait volé le soleil pour mieux plonger son cœur dans la pénombre. Les cours passaient, et lui avec. Malgré le froid, la pluie, le vent et même la neige qui sévissaient à l'extérieur, il ne manquait aucun de ses joggings matinaux, même s'il ne savait pas quand son cher blondinet pourrait à nouveau profiter de cette ligne qu'il entretenait rien que pour lui. La souffrance causée par le gel, l'humidité et l'effort n'était rien à côté de celle provoquée par le manque de cheveux dorés à caresser entre ses doigts. Et comme si cette douleur n'était pas suffisante, il ne pouvait même plus compter sur le regard bleu-vert d'un drôle d'animal pour réchauffer sa nuque.

Contrairement à ses habitudes du début de l'année, Justin ne prenait plus la peine de monter dans le même bus que son camarade simplement pour avoir le plaisir de le voir courir. Il arrivait juste avant le début des cours et repartait dès la fin de ses nombreuses heures de soutien personnalisé avec Botteron. Si ses notes s'étaient vraiment améliorées en math, son niveau était devenu catastrophique dans les autres matières, même en français qui était pourtant celle qu'il préférait. Alors, pour l'aider, le professeur s'était proposé d'en faire plus et de le soutenir dans ses autres domaines de compétences, comme la physique ou la SVT. C'était nécessaire pour permettre à Justin de passer en S, quand bien-même ce dernier n'avait aucune envie de finir dans cette section. Pourtant, le jeune garçon avait accepté la proposition sans rechigner. Le pouvait-il seulement ? Ses parents, eux, remerciaient le bon Dieu de leur avoir envoyé un enseignant si généreux et disponible pour les aider à pallier les effets de la crise d'adolescence de leur fils qu'ils n'avaient pas anticipée et qui leur donnait bien du mal au quotidien. Déjà que Justin était de constitution fragile, si en plus il se renfermait sur lui et perdait pied au niveau de sa scolarité, son père et sa mère se retrouvaient impuissants. Et ce malgré tout l'amour qu'ils lui témoignaient jour après jour.

De son côté, Aaron se sentait coupable. Le changement de comportement de son camarade datait du jour où il lui avait volé un baiser, juste avant son premier cours de soutien. Il n'arrivait même pas à comprendre comment son geste, qui s'était même accompagné de promesses d'affection et de protection, avait pu avoir un tel effet dévastateur. Mais le résultat était malheureusement là : son chaton ne miaulait plus qu'à de très rares occasions. Heureusement, ces dernières permettaient au brunet de s'assurer que, sous la carapace qui recouvrait le cœur malade de Justin, se trouvait toujours la même douceur. Elle était juste enfouie profondément derrière une montagne de souffrance.

Alors, parce qu'il se devait d'agir, le jeune lycéen aux cheveux noirs rentra en contact avec les parents de son petit protégé et leur fit part de ses doutes et de ses craintes. Émus aux larmes qu'un camarade de classe de leur fils se fasse autant de soucis pour ce dernier, ils offrirent à Aaron leur sympathie et le remercièrent avec sincérité pour tout ce qu'il faisait pour les aider dans cette passe difficile.

« Si tu as envie, tu peux passer quand tu veux à la maison, tu seras le bienvenu ! »

Face à cette charmante invitation, le brunet ricana intérieurement. Pour qu'il puisse l'accepter, encore aurait-il fallu que Justin accepte de le voir.

Et les jours passaient. À part suivre son chaton et le surveiller à distance, Aaron trouva de nombreuses occupations pour remplir ce froid mois de décembre. La première fut d'essayer de s'excuser auprès de Tess, ce qui se solda par un échec. Ce qu'elle lui reprochait, ce n'était pas tant de l'avoir jetée comme une merde, même si c'était désagréable, c'était bien plus le mensonge quant à sa vraie nature. Leur discussion déboucha sur une vive dispute au milieu du parc du lycée.