29. À la découverte de la 2nd2

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Assis à côté de Martin, Kilian avait encore du mal à réaliser ce qui venait de se passer. Un de perdu, mais déjà deux de retrouvés. Des sentiments contradictoires se mélangeaient dans sa tête. D'un côté, il était furieux de se retrouver dans la même classe qu'Alia. S'il avait su, il n'aurait jamais osé l'embrasser au bord du petit ruisseau en plein mois d'août. Lui en voulait-elle ? C'était probable. À la différence de bon nombre d'autres filles légères et volages, elle avait sa fierté. L'honneur coulait dans ses veines. D'une certaine manière, en lui indiquant de la façon la plus directe qui soit qu'un prétendu homosexuel – aussi dégoutant que cela puisse lui sembler – était tout à fait capable d'embrasser merveilleusement bien une jouvencelle, il l'avait offensée. Pire, il était parfaitement convaincu qu'elle avait apprécié au moins autant que lui cet instant fugace, ce qui devait, en tout état de cause, la rendre dingue, la pousser à lui en vouloir à mort et lui donner envie de le poursuivre, lui le crétin de blondinet qui s'était joué d'elle, jusqu'à s'en être parfaitement vengée. Et vu comment elle le regardait avec insistance, un stylo dans la bouche pour mieux masquer son sourire sadique, il n'y avait plus beaucoup de place laissé au doute. Le blondinet était tombé dans un véritable traquenard. Tout portait à croire qu'on servirait du lionceau rôti, ce midi à la cafétéria.

D'un autre côté, sentir le regard bienveillant de son vieux copain Gabriel sur sa nuque l'apaisait. Ils avaient passé deux années au collège ensemble avant que le châtain ne monte à Paris pour vivre ses propres aventures. Grâce à Facebook et à Skype, Kilian n'en avait pas manqué une miette, surtout en quatrième où leurs longues conversations lui avait fait tant de bien. En déclenchant cette année-là une révolution contre la haine et l'intolérance, puis une contre l'inégalité des sexes la suivante, Gabriel avait ébloui Paname de ses yeux bleu maya. Il eut beau s'être mis à dos professeurs et camarades, il l'avait à chaque fois emporté de la plus belle des manières : en étant lui-même, en dessinant le monde avec ses pinceaux et en racontant sa propre histoire, armé de sa seule fougue et de son violon. Gabriel était un artiste. La folie faisait battre son cœur. Plus les oiseaux chantaient fort, plus le ciel était bleu. Plus le soleil brillait, plus il était heureux. Il n'avait qu'une seule philosophie : vivre. Sur la butte Montmartre, il avait observé les moindres détails de la capitale, il avait appris les techniques secrètes de la peinture auprès d'une vieille dame et d'un vieux monsieur et, sur la fin, il s'était même trouvé une jolie petite copine qui lui allait parfaitement bien. Ce que Kilian ignorait, c'était que Gabriel n'avait pas fait que foutre le bordel au collège, apprendre à dessiner la vie, voyager au Japon avec son oncle ou devenir le gardien titulaire d'une équipe de handball. Non, le jeune artiste aux doigts ronds, au sourire charmeur et à l'âme d'un ange avait aussi découvert l'amour, dans les bras d'une étudiante. Elle s'appelait Élise et il l'avait aimée platoniquement jusqu'à cette nuit de désespoir où elle s'était offerte à lui, le petit adolescent. D'un coup, l'adolescent avait grandi, sans pour autant tant changer que ça. Et lorsque sa mère lui annonça en fin de troisième qu'il suivrait sa seconde dans le même établissement que le petit blondinet qu'il adorait dessiner à la webcam et dont il avait percé tous les secrets de l'âme, allant jusqu'à le forcer à avouer le nom de son amoureux, Gabriel fut fou de joie, mais décida de garder pour lui cette nouvelle afin que la surprise soit encore plus belle. Et au fur et à mesure que les semaines le rapprochaient de la rentrée, apprenant que le promis de son camarade était condamné à un douloureux exil, Gabriel s'était juré de veiller affectueusement sur Kilian jusqu'au retour de l'être aimé. Le brunet, il ne l'avait jamais vu autrement qu'en photo, mais il le connaissait parfaitement. Libéré du poids du secret, le blondinet avait beaucoup parlé de ce garçon qui le passionnait. Et ses propres recherches avait permis à Gabriel de se rapprocher suffisamment de la vérité pour la comprendre dans ses grandes lignes.

Ce qu'il voulaitWhere stories live. Discover now