68. Hallucination canine ?

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« Kilian, sors de cette chambre, maintenant ! Tout de suite ! »

François avait beau tambouriner comme un fou furieux, rien n'y faisait. Tous s'étaient cassé les dents avant lui. Suite à son malaise en classe le mardi matin, le blondinet était rentré chez lui et s'était enfermé dans son antre à double tour avec trois paquets de biscuits et deux bouteille d'eau. Il n'en était sorti qu'au beau milieu de la nuit pour satisfaire ses besoins naturels. Il ne voulait voir personne. Il voulait être seul avec son cœur en miette, ses peluches et son lit, le seul à ne l'avoir jamais ni trahi, ni abandonné.

Si, le mercredi, tous notèrent simplement son absence au lycée, l'inquiétude monta d'un cran dès le lendemain. Il était fort probable que l'adolescent ait déjà épuisé ses réserves, et pourtant, il ne semblait pas disposé à lever le siège qui semblait s'orienter de plus en plus vers une grève de la faim. Ce n'en était pas une ! Il n'avait qu'une seule revendication : qu'on lui foute la paix jusqu'à ce que mort s'ensuive. Ainsi le jeudi, tous ses amis et proches se succédèrent pour essayer de parlementer à travers le mur. Les rares réponses qu'ils reçurent furent toutes plus violentes les unes que les autres. Cédric essaya d'amadouer son petit frère en lui proposant une séance shopping. Nu comme un ver et rouge comme une tomate, Kilian, lui ouvrit la porte une demi-seconde pour lui balancer un gros tas de vêtement à la figure, avant de la reclaquer aussi sec.

« Reprends-les tes fringues, j'suis mieux à poil qu'habillé comme une poupée ! »

Gabriel, lui, exigea de son modèle un minimum de conscience artistique et lui demanda de le laisser entrer pour qu'il puisse réaliser ses dessins hebdomadaires. L'artiste rentra chez lui avec un simple MMS sur son téléphone et comme consigne de s'en inspirer pour sa prochaine œuvre. Mais plutôt que d'obéir, il refusa de reproduire le geste grossier qui accompagnait le corps dénudé de son modèle et se jeta à la place sur son ordinateur.

De son côté, Martin demanda à son meilleur ami ce qui lui ferait plaisir. Là encore la réponse fut sèche et violente.

« Rase-toi la tête et les couilles et p'têt que je sortirais ! ROUX ! »

L'adolescent aux cheveux orangés n'était pas prêt à tous les sacrifices. Sa toison flamboyante, même si elle était source de moquerie, il y tenait.

Yun-ah, enfin, n'osa même pas ouvrir la bouche, ayant trop peur que son camarade ne sorte pour l'étrangler pour sa faute.

François laissa passer une nuit avant de tenter, lui aussi, de raisonner son fils. Pourtant, il avait beau crier encore et encore, Kilian refusait toujours de lui répondre. Après plus de deux heures de menaces qui le mirent en retard pour la journée, il se laissa tomber dos contre la porte et baissa d'un ton, avant de se lancer dans un long monologue sur l'amour, ponctué d'excuses à propos de ses trop nombreuses erreurs. Il ne savait même pas si le jeune garçon l'écoutait. Il l'espérait juste. De l'autre côté de la cloison, Kilian s'était lui aussi collé au battant. Même s'il refusait d'ouvrir la bouche, c'était plus commode pour écouter ce que cet homme, qu'il n'avait toujours pas pardonné, avait à lui dire. Quelques murmures et grognement permirent à l'adolescent d'indiquer à son père qu'il l'entendait, ce qui rassura l'adulte. À la fin d'une longue discussion à sens unique, ce dernier posa une simple question.

« Il y a bien une chose qui te ferait sortir, non ? »

En guise de réponse, François dut se contenter d'une photo glissée sous la porte. Il la regarda, puis soupira. Si seulement c'était aussi simple. Si seulement, cela dépendait de lui... La veille, il avait bien entendu les camarades de son fils discuter de l'éventualité que Kilian fasse cette demande. Ils en avaient même parlé ensemble de ce que chacun avait à faire pour la rendre possible. C'était logique, d'ailleurs. Qu'est-ce qu'un crétin de blondinet pouvait-il désirer d'autre ? Avoir deviné en amont ce caprice ne l'avait pas rendu plus simple à satisfaire, et pourtant, il fallait bien essayer. Se saisissant de son téléphone, il composa le numéro qu'on lui avait indiqué, puis enfila son manteau, comme tous les matins. Sa destination, elle, différa de ses habitudes.

Ce qu'il voulaitWhere stories live. Discover now