17. Visite à la mère

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Malgré la chaleur presque caniculaire de l'été, faire de la route n'était pas désagréable. Surtout qu'en tant que passager de la vieille Clio rouillée que sa copine avait récupéré d'occasion, Cédric avait tout le temps d'admirer le paysage. Sandra, elle, conduisait. À la différence de son compagnon, elle avait le permis. Il fallait bien qu'atteindre la majorité s'accompagne de quelques avantages. Pour faire durer le plaisir, et surtout parce que la jeune femme avait une peur bleue de l'autoroute, le couple avait fait le choix des chemins de campagne pour joindre la banlieue lyonnaise et le centre de soins dans lequel était internée Marie. Premier lundi du mois d'aout oblige, les routes étaient désertes. C'était d'ailleurs pour éviter les bouchons du week-end qu'ils avaient décidé d'entreprendre ce périple en début de semaine, après une longue hésitation. Cédric avait peur. Il connaissait sa mère et son caractère imprévisible et, naturellement, il s'en méfiait. À chaque fois qu'il avait voulu lui faire confiance, il l'avait retrouvée ivre, une bouteille à la main. Quand il réussissait à la retrouver, ce qui arrivait au final assez peu souvent, vu le temps qu'elle passait chez l'un ou l'autre de ses amants. Et en guise de fil rouge, elle retombait toujours dans les bras de Bruno, ex-meilleur ami de son époux, camarade de chambrée de ce dernier pendant leur service militaire et, surtout, parrain et père biologique du petit Kilian, même s'il ne s'en était étrangement jamais venté. Pour Cédric, la vraie question était de savoir comment ce type, plutôt sympa dans la vie, avait fait pour supporter et surtout se taper sa mère pendant si longtemps. Et aussi pourquoi il avait été si distant avec Kilian toutes ses années alors qu'il était forcément au courant. C'était un secret de polichinelle, seul le candide blondinet avait dû attendre qu'on lui crache la vérité à la figure pour comprendre que François n'était pas son vrai père. L'adolescent en avait souffert plus que tout au monde, et heureusement qu'Aaron avait été présent à ce moment-là pour le serrer dans ses bras, sinon, les choses auraient pu vraiment mal finir.

« Tu crois que ses vacances se passent bien ? À ton petit frère... »

Entre deux brusques coups de volant et quelques insultes contre ces plaques « 75 » appartenant forcément à des chauffards qui ne savaient pas conduire, Sandra observait le visage de son compagnon. Elle voyait bien que Cédric était songeur. Il se faisait du souci pour Kilian, c'était dans sa nature. Il était préférable de crever l'abcès plutôt que de le laisser ruminer le nez collé à la fenêtre, d'où cette question à laquelle le jeune adulte s'ouvrit naturellement.

« J'espère... Enfin, Aaron est avec lui, donc bon, il n'y a pas de raison que ça se passe mal. Kilian me donne peu de nouvelles cette année, il grandit, c'est normal, il a besoin de s'émanciper un petit peu de son lourdaud de grand frère ultra protecteur. Mais Franchement, je ne vois pas ce qui pourrait lui arriver de mal avec son chéri à ses côtés. C'est en septembre que ça sera dur, je pense... »

À part s'en prendre plein la tronche à cause de petits merdeux, pleurer presque tous les jours à cause d'une sombre histoire de gonzesse, de deal, de gage et de pari, jouer la nounou d'un petit binoclard maladroit et le bon copain d'un rouquin sympathique mais un peu énervant sur les bords et, surtout, se faire prendre en flag par le directeur de la colo en train de faire un gros câlin à quatre pattes dans l'herbe à son amoureux, il n'y avait strictement aucune raison de penser que les vacances de Kilian se passaient mal. Cédric ne pouvait tout simplement pas savoir.

Peu après midi, le jeune couple arriva aux abords des Campanules, lieu de repos où Marie avait promis d'enfin laisser de côté la boisson. Si c'était Bruno qui avait, parait-il, réussi à la convaincre d'entreprendre cette cure, c'était bien François qui payait, quand bien même les époux légitimes ne s'étaient presque pas reparlé en tête à tête depuis l'hiver dernier, quand Marie avait fait le choix de quitter le foyer familial en abandonnant ses enfants derrière elle.

Ce qu'il voulaitOù les histoires vivent. Découvrez maintenant