83. Enfin, le retour.

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« Joyeux anniversaire mon n'amoureux <3 J'ai hâte que tu sois là pour le fêter avec toi, j't'ai préparé un super cadeau : un Kilian attaché avec du ruban rose dans un paquet <3 C'est trop loooong à tenir une semaine, snif... »

Aaron venait à peine de s'endormir que le bip de son téléphone le sortit de ses rêves. Kilian avait attendu minuit pile pour envoyer son message. Le brunet rigola avant de se laisser tomber la tête sur son oreiller. Seize ans. Cela faisait donc seize ans qu'il arpentait cette drôle de planète, dont un huitième de ce temps passé à aimer un adorable crétin aux cheveux blonds. Il le retrouverait bientôt, après ce week-end pendant lequel il avait prévu de fêter son anniversaire en très petit comité et sa dernière semaine de cours qui suivrait. Enfin la libération.

Tout le début du mois de juin, il l'avait passé à jouer au foot avec Justin, Jonathan et d'autres camarades dans le parc du lycée. Le conseil de classe passé, les professeurs avaient levé le pied sur les devoirs et les interrogations écrites. Ce qui lui fit plus plaisir que son passage en S et presque autant que son transfert en France, ce fut de voir son chaton accepté en L comme ce dernier l'avait toujours désiré. Même si les notes de Justin étaient encore moyennes, le directeur avait considéré que ses efforts devaient être récompensés. Avec tout ce que ce pauvre adolescent avait subi, il méritait bien un peu de mansuétude.

Le samedi soir, l'unique invité du brunet sonna à sa porte. Après une longue hésitation, il avait renoncé à inviter Tess, Laura ou Jona. Ce n'était pas qu'il ne voulait pas les voir, mais il ne pensait pas être digne d'être fêté. À ses yeux, il leur avait fait trop de mal pour faire comme si de rien n'était. Son retour en France était sans doute mieux pour tout le monde. Il préférait être oublié. Le seul qu'il regretterait, le seul qu'il avait un mal de chien à quitter, le seul qu'il voulait serrer une dernière fois dans ses bras en lui disant à quel point il était important pour lui, c'était Justin. Le chaton lui fit la surprise, ce soir-là, d'arborer sa couleur de cheveux naturelle, un noir d'encre des plus profonds.

« Avant qu'tu partes, j'voulais que tu me voies une dernière fois normal, même si c'est d'la merde, la teinture noire, j'vais galérer maintenant pour rechanger. J'voulais faire un gris argent super classe pour ton anniv, mais ma mère m'a dit que ça ferait vraiment mauvais genre et que c'était un truc de voyou. Moi, un voyou ? Avec ma taille de nabot, mon nez plein de lait, mes p'tits doigts tout mignons et mon air diabolique ? J'ose même pas imaginer c'qu'elle va dire quand je vais passer au vert pomme, au violet ou au rouge grenadine ! Bon, on joue à quoi ? À chat ? Mais c'est moi le chat, hein ! Et attention, si j't'attrape, j'te lèche la joue ! »

Après avoir couru au milieu du salon pendant cinq bonnes minutes, Aaron se retrouva plaqué sur le canapé, la bouche de Justin collée à son visage et les mains de ce dernier posées de chaque côté de sa tête. Entre chaque coup de langue, le frêle adolescent lâcha un miaou ou deux devant le regard amusé de Catherine.

Après le repas, Aaron tira son camarade dans sa chambre, seul lieu du chalet qui pouvait leur permettre de discuter en paix. Pour le brunet, le moment était pénible. Ce n'était pas encore des adieux, mais presque. Avec délicatesse, il retira le bracelet éponge de son jeune camarade pour, une dernière fois, voir l'état de ses cicatrices. Silencieusement assis en seiza, Justin se laissa faire et accepta de dévoiler les traces sur son poignet. Avec des yeux trahissant une certaine tristesse, il s'adressa à son hôte.

« Elles ne partiront jamais. Et même si elles finissent par s'effacer, j'pourrais jamais oublier cette volonté malade que j'avais d'en finir, ni ce qui l'a causée, ni ce qui l'a chassée. Tu sais Aaron, c'est vachement dur de passer son temps à jouer au gamin quand on sait qu'on n'en est plus un. Merci de m'avoir toujours laissé faire semblant, t'imagines pas à quel point ça a pu me faire du bien ces derniers mois... »

Ce qu'il voulaitWhere stories live. Discover now