57. Rouquin en crise

173 17 10
                                    


« Bordel, t'es mauvais Martou ! 4-0 quoi ! On fait quoi maintenant ? Un jeu de course ? »

Même avec Théo, le petit frère de son rouquin de copain sur les genoux, Kilian se pavanait comme un coq. Il était en train de foutre une raclée à son camarade à tous les jeux vidéo auxquels ils s'essayaient en cette soirée pyjama. N'ayant personne chez lui pour lui faire chauffer ses pâtes, le blondinet avait réussi à se faire inviter par Martin tout une partie du week-end. Pour Michel, le père du garçon aux cheveux orangés, c'était toujours un immense plaisir d'avoir Kilian chez lui. Depuis toujours, il appréciait ce jeune adolescent aux yeux émeraude qu'il avait souvent hébergé pendant les vacances ou quand ses parents n'avaient pas le temps de s' en occuper. D'habitude, Martin adorait que son camarade dorme dans sa chambre. Ils pouvaient passer des heures à jouer à leurs jeux préférés avant de parler dans le noir, jusqu'à tard dans la nuit, de leurs états d'âmes. L'amitié, la vraie, en quelque sorte. Et pourtant, ce vendredi soir-là, le cœur n'y était pas. Ç'avait été même plutôt à reculons que le rouquin avait accepté que le blondinet s'incruste dans son espace vital. Et ça n'avait certainement pas été pour se faire chambrer.

« Si on essayait plutôt de fermer ta gueule ? Rha, tu'm'saoules ! J'ai pas envie de jouer en plus, t'as qu'à lire une BD ! »

À ces mots, Kilian recula de surprise. Ce n'était pas la première fois que Martin lui criait dessus, mais c'était toujours aussi étonnant et un poil humiliant. Après tout, ce n'était pas sa faute à lui s'il gérait, une manette à la main ! Faudrait-il qu'il s'excuse d'être bon ? Et puis quoi, encore ? Non, la réaction de son rouquin était vraiment injuste. Depuis que Martin s'était fait jeter dans l'après-midi, il était d'une irascibilité extrême, c'en devenait même gênant pour les autres ! Après tout, le blondinet n'y était pour rien si son copain avait le cœur en miette à cause de sa meilleure amie ! Ce n'était pas sa faute à lui si elle avait des goûts de chiottes, à toujours tomber amoureux des bellâtres de passage comme une adolescente hystérique boutonneuse. Ce qu'elle n'était même pas, d'ailleurs, sa peau était en effet impeccablement douce. Pour le reste, ce n'était pas faux de dire que malgré ses notes excellentes, elle se comportait souvent comme une gamine dès il était question de garçons. En troisième, Kilian avait eu bien du mal à lui pardonner lorsqu'elle était tombée sous le charme de SON Aaron, quand bien même il n'était pas encore tout à fait à lui à l'époque. Franchement, il fallait être vraiment dérangé, avoir des goûts douteux et être un poil masochiste pour tomber amoureux de son petit brun. Ça, il le savait bien, c'était pile poil sa définition ! Toujours est-il que la réaction de Martin lui semblait disproportionnée. Frustré par cette dernière, Kilian se vengea en chatouillant les côtes du pauvre garçonnet toujours affalé sur ses genoux qui n'avait rien demandé, avant de répondre en affichant sa fameuse mine boudeuse.

« Ouais, bah si tu veux pas jouer avec moi, j'm'en fous, j'ai ton frère en otage ! Lui il est gentil au moins ! Allez Théo, choisis le prochain jeu, que j't'explose ! »

Après une humiliation en bonne et due forme à un jeu de combat, qui poussa le gamin à aller se plaindre à son père pour « la méchante fessée totalement injuste que Kilian venait lui mettre », le blondinet enlaça Martin par le cou. Toujours en colère, ce dernier s'était assis à son bureau et semblait chatter sur son ordinateur avec des elfettes inconnues qu'il avait rencontrées dans son dernier MMO. Sans doute des hommes frustrés dans la quarantaine toujours puceaux, songea Kilian sans pour autant exprimer sa pensée pour ne pas énerver encore plus son camarade. Après tout, un rouquemoute, c'est fragile, ça se manie avec soin, ça se bichonne. Sinon, ça explose, et après, ça en fout partout. Non, la bonne stratégie quand Martin grognait, c'était de l'amadouer. Et pour cela, l'adolescent savait exactement comment s'y prendre.

Ce qu'il voulaitWhere stories live. Discover now