25. Olympiades et Kilianiaiseries

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« Ils sont où, Aaron et sa tapette ? »

Après avoir purgé leur punition seuls au camp avec un unique surveillant pour les contrôler, Guillaume et ses compères arrivèrent de bonne heure le vendredi matin à l'endroit où tous leurs camarades avaient pu profiter d'une nuit en pleine nature avec pour seules couvertures leurs duvets, les toiles de leurs tentes et la voute étoilée. La petite peste avait plutôt mal dormi et était d'humeur chagrine. Surtout, il voulait revoir Aaron, pour s'assurer d'une bonne chose. Si Kilian lui avait pardonné, en était-il bien de même pour le brunet ? Pour le faire sortir de son couchage, il n'avait guère trouvé mieux que de hurler au milieu des tentes une petite insulte cynique qu'il ne pensait même plus. En souriant, il put se rendre compte que son plan marchait à la perfection. À peine cinq secondes après lancé sa pique, son camarade l'étranglait déjà en l'agrippant par le col en le menaçant d'un air sévère.

« Ma tapette, elle dort, elle a besoin de ses huit et quelques heures de sommeil par nuit, sinon, après, elle est de mauvaise humeur le matin et c'est moi qui prends ! Et si tu dis encore une fois le mot tapette, j'recouvre ton corps de miel et j'te donne à bouffer aux fourmis ! »

« Ça va, j'rigole, c'était juste pour voir si t'étais réveillé ! Et pour te souhaiter bonne chance pour les olympiades, tu vas perdre ! J'en ai ma claque de t'admirer, j'vais vous battre, toi et Kilian, c'est la seule chose qu'il me reste à faire pour sauver mes vacances ! »

Un défi. Guillaume lui lançait un simple défi, histoire de régler définitivement leurs comptes de la manière la plus honnête et sportive qui soit. Après que les deux adolescents se soient serré la main, de nombreux témoins rapportèrent que des étincelles s'étaient bien matérialisées entre leurs yeux. Certains parlèrent même d'un complexe spatiotemporel de quelques secondes pendant lesquelles les animaux arrêtèrent de respirer. D'autres jurèrent plutôt que la terre avait tremblé sous leurs pieds, même si aucun séismographe ne vint confirmer cette hypothèse. La vérité était plus simple. Il s'agissait de la tension qui se dégageait entre les deux chefs d'équipes auto-proclamés. Guillaume voulait gagner pour se libérer de ses chaines. Aaron désirait l'emporter pour l'honneur de celui dont il était amoureux. Et à côté, l'infirmerie afficha rapidement complet. Les concurrents préféraient se faire porter pâles plutôt que de s'immiscer dans ce duel destructeur, où pire, se faire humilier en ne glanant que les miettes et autres médailles en chocolat. Les quatorzièmes olympiades du camp Sport & Fun pouvaient enfin commencer. Pour Basile et toute l'équipe encadrante, c'était un soulagement. Cet évènement incontournable des vacances annonçait aussi leur fin. Dès le lendemain, les adolescents rentreraient chez eux. Sous sa tente, le Canadien caressait précieusement son billet d'avion à destination de Montréal, aller simple, en pensant à ses proches qu'il allait bientôt revoir et aux monstres qu'il ne verrait jamais plus. C'était une vraie chance que les organisateurs aient fait durer ce camp une journée de moins que l'année précédente. Mal rasé et défiguré par la fatigue, il était au bout du rouleau et était bon pour une perfusion de sirop d'érable directement en intraveineuse, seule solution pour le remettre sur pied avant le retour de l'hiver.

Sous son duvet et celui d'Aaron, dont les fermetures éclaires avaient été jointes pour ne former qu'un seul et grand ensemble, Kilian gigotait en faisant le point sur ses vacances. Pas si mal, au final. Oh, certes, s'il s'était attendu avant le début du camp à un feu d'artifice dans les bras de son amoureux, il avait dû se contenter des rares fois où ils avaient franchi la ligne rose, celle qui séparait les chastes câlins d'amusements plus torrides. Mais Aaron lui avait fait l'amour, vraiment l'amour, pour la deuxième fois de sa vie seulement, et cela valait bien toutes les larmes qui s'étaient échappées de ses yeux. Et puis, surtout, il avait l'impression d'avoir encore grandi. Bien sûr, la rentrée serait dure à vivre, mais une certaine sérénité s'était emparée de lui. Il vivrait sa vie en attendant Aaron. Et quand il le retrouverait, il se jetterait tout simplement dans ses bras pour lui dire à quel point il l'aime. Ce n'était pas si loin que ça, après tout, les vacances de la Toussaint. Alors qu'il jouait machinalement avec une de ses mèches de cheveux entortillée autour de ses doigts, cette pensée le fit sourire. Il était encore un gosse à qui on demandait d'être mature, mais qui se refusait de l'être. À chaque moment sa peine. Ce dernier jour serait celui de l'amusement. Il voulait rendre fier son Aaron et impressionner Alia, il n'y avait pas une minute à perdre.

Ce qu'il voulaitWhere stories live. Discover now