CHAPITRE CLXXV - COUP DE FOUDRE

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- Depuis quand donnes-tu les ordres ? lui demanda sa sœur. Je croyais que je dirigeais cette opération.

Arthur leva les yeux au ciel. Ce n'était vraiment pas le moment de se poser ce genre de questions.

- C'est à mon équipage, que je m'adresse. Et puis, tu peux...

- Je plaisante ! ricana-t-elle en lui tapotant l'épaule. Ça te va bien, de t'affirmer. Aller, en selle !

Elle bondit sur le dos de Lamri avec agilité et invita son frère à faire de même. Arthur hésita à l'envoyer bouler mais s'exécuta finalement. Il confia à Jane les deux fusées de détresse et elle lui fit un clin d'œil d'encouragement.

- Faites-attention à vous ! dit-elle alors que Lamri commençait à battre des ailes.

- Les soldats de la Marine sont peu nombreux, mais nous ne sommes pas à l'abri de tomber dans un piège. Soyez prudents ! cria Kegaro alors qu'ils commençaient à s'éloigner.

Lamri se mit à galoper doucement, puis plus vite et Arthur dut s'accrocher à la taille de sa sœur pour ne pas être désarçonné. Puis, alors que ses sabots d'acier faisaient voler de la neige noire de tous côtés, il déploya ses grandes ailes et s'éleva dans les airs. Alors, il fusa comme un éclair vers le point de rendez-vous.

- Tu vois ? Je ne t'avais pas menti : Lamri est bien le plus rapide du monde ! ricana Morgane en voyant son frère décoiffé par la vitesse. Tu devrais...

Elle s'apprêtait à faire une plaisanterie quand son sang se glaça. L'air tout autour s'était tendu. Un crépitement naissait dans ses oreilles.

- Tu le sens, toi aussi ? demanda Arthur en s'approchant d'elle pour que sa voix couvre le bruit de l'air qui leur battait les oreilles. Il y a quelque chose d'étrange !

Elle acquiesça doucement. Les deux groupes étaient en vue, s'approchant comme deux bandes rivales prêtes à se jeter l'une sur l'autre pour régler leurs comptes. Et alors qu'ils allaient se rencontrer, sans même avoir remarqué le destrier qui volait dans leur direction, le ciel se mit à gronder. Il y eut une lumière vive, une décharge de chaleur terrible, puis la terre trembla. Lamri, terrifié par ce déferlement de puissance soudain, se cabra et se mit à hennir de peur.

- Calme-toi ! s'écria Morgane en lui caressant les oreilles pour l'apaiser.

- Qu'est-ce que c'était ? La foudre ?

- Ça y ressemblait bien, oui. Mais un tel éclair ne peut être ordinaire, c'était beaucoup trop puissant pour...

L'échine de Morgane se couvrit de frisson quand elle imagina l'origine de cet étrange phénomène. « Est-il possible que... ». Alors, sans attendre, elle claqua les rênes de Lamri pour qu'il fonce vers le point d'impact : soldats de la Marine comme trafiquants avaient sans doute été pulvérisés par une telle décharge de puissance. C'était l'occasion idéale pour agir, sans doute la dernière. Si il était bien là, ils ne devaient pas perdre une minute et quitter l'île dès que possible.

- Attrape le coffre dès que tu le verras ! s'écria Morgane alors que Lamri se remettait en course. Ils ont dû le laisser tomber, dans la panique !

Arthur acquiesça doucement, alors qu'ils approchaient du point d'impact. La fumée y était épaisse et noire, la foudre avait embrasé le sol, mais ils commencèrent à discerner l'horrible scène qui apparaissait sous leurs yeux : tous, soldats comme contrebandiers, avaient été anéantis par la foudre. Les corps gisaient çà et là, déchiquetés ou brulés, réduits en cendres parfois. Dans le chaos, Arthur vit la dépouille du contre-amiral Dirk et ne put s'empêcher, même s'il le trouvait détestable, d'éprouver pour cet ancien collègue une pointe d'empathie. D'où que vienne cette puissance brute et destructrice, elle n'était pas d'origine naturelle. Et celui à l'origine d'une attaque aussi violente devait encore se trouver dans les environs...

- Là !

Arthur se tourna dans la direction désignée par le doigt de sa sœur et aperçut le petit coffre. Il tendit son bras autant que possible, manqua de chuter de Lamri et dut s'accrocher à la taille de sa sœur. Mais le bout de ses doigts parvinrent à s'accrocher à sa poignée d'étain, à la saisir et à la tirer jusqu'à lui. Il manqua de faire tomber le coffre sous l'effet de la vitesse mais s'y accrocha autant que possible et le ramena à lui, entre ses bras. Peck, perché sur son épaule, se mit à piailler en signe de victoire.

- Parfait ! cria Morgane. Maintenant, partons d'ici avant d'avoir des problèmes !

Lamri effectua un demi-tour gracieux pour revenir vers le Sud, où se trouvaient Kegaro, Hataro et Jane et, plus loin, les soldats de Table Ronde.

...

Dans les hauteurs de Winheim, de mystérieux étrangers avaient observé toute la scène. Leurs corps avait beau être humanoïdes, ils étaient aussi éloignés de ces animaux inférieurs que les hommes des champignons : dans leur dos, de grandes ailes dorées se dressaient. Une auréole brillait au-dessus de leur tête. Ils n'avaient pas besoin de masque pour respirer l'air toxique de l'île. Perché sur un bloc de glace du Permafrost, leur chef observait le carnage d'un œil triste.

- Cela est inattendu. Tant de vies que je ne pourrai prendre...

Trois de ses lieutenants étaient rassemblés derrière lui. Comme leur supérieur, ils suivaient des yeux le cheval ailé qui revenait vers la côte, deux cavaliers aux boucles blondes sur son dos. Et dans les bras du jeune garçon, un coffre, contenant le trésor.

L'étranger suivit des yeux la trajectoire de l'animal et aperçut en contrebas, malgré le blizzard obscur de l'île, trois humains qui attendaient le retour de leurs complices. En les voyant revenir, le coffre entre les bras, la seule femme du groupe leva son bras au-dessus de sa tête et tira une fusée de détresse, qui explosa dans le ciel dans un nuage vert et lumineux. L'un des lieutenants s'approcha alors de son supérieur et lui glissa à l'oreille :

- Cette opération n'était-elle pas censée être secrète, maître ? Nous sommes visiblement bien nombreux à poursuivre ce coffre.

Le chef leva sa main devant lui, paume ouverte. Ces cinq doigts étaient tendus devant son visage.

- Plus nombreux que prévu, en effet. Il y avait les contrebandiers, mais ils ne sont plus.

Son pouce se replia sur sa paume. Il ne restait que quatre doigts tendus.

- La Marine non plus, d'ailleurs.

Cette fois, son index se replia.

- Alors qui de ces chevaliers ou de nous parviendra à saisir le trésor ?

Mais un troisième doigt restait tendu. Car il savait qu'il demeurait une troisième faction en jeu, celle responsable du coup de tonnerre qui avait déchiré le ciel quelques minutes auparavant. Et bien que cet être ne soit pas habitué à craindre ses adversaires, il connaissait la nature de ce dernier ennemi et savait que le combat s'annonçait plus compliqué que prévu.

- Occupez-vous donc de ces humains, en contrebas. Je me chargerai personnellement du coffre. 

MARINES - A ONE PIECE story (FRENCH) - Partie IOù les histoires vivent. Découvrez maintenant