CHAPITRE DE HECTOR - II

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Kaju Da était loin d'être une petite nature : née sur Grand Line, elle avait été élevée à la dure, dans la nature. Elle était habituée au froid, à la faim, à la mort. Car dès son plus jeune âge, elle l'avait vue de ses yeux. Sa mère était tombée la première, vaincue par une maladie tropicale. Son père lui avait aussi été pris, tué par une bande de pirates sanguinaires et avares de richesses qu'il n'avait pas. Chaque jour, elle devait chasser pour survivre. Pourtant, elle n'avait jamais rien vu d'aussi ignoble qu'aujourd'hui. Le charnier qui lui faisait face n'était pas l'œuvre d'un homme, n'avait rien de naturel. Alors, comme prise aux tripes par une force invisible, elle s'effondra.

Alors qu'elle retenait le vomis qui remontait le long de sa gorge, Charlie se jeta à ses côtés pour lui tenir les épaules. Ses mains, malgré le froid polaire, étaient chaudes et réconfortantes. Elle aurait aimé qu'il la serre tout contre lui, plus près encore.

- Nous n'avons pas de temps à perdre, siffla la vice-amirale May Slain de sa voix tranchante comme du verre brisé. Il faut prévenir l'amiral Kikkaku.

Mais voyant que Kaju Da ne se relevait pas, continuait de trembler sur le sol comme un animal apeuré par la foudre, elle l'attrapa par la cape et la tira en arrière. Dans les yeux du Dragon de Verre, une lueur folle semblait briller. Mais alors qu'elle s'apprêtait à châtier la jeune femme, une main ferme lui agrippa le poignet. Hector lui jetait un regard brûlant, qui aurait pu faire fondre la glace autour d'eux.

- Lâche-moi, grinça May Slain. Ecarte-toi.

- Lâchez-la d'abord, vice-amirale. Laissez-lui une seconde de répit.

Ils restèrent ainsi, la main serrée sur leur proie dans un silence total, quelques secondes. Charlie pouvait entendre ses veines se gonfler dans son crâne au rythme de ses battements de cœur. Quand la bouche de Slain s'ouvrit, Hector fut plus rapide.

- Pensez-vous vraiment que l'amiral approuverait vos mauvais traitements sur l'une de ses élèves ?

Elle demeura muette.

- Tentez donc de le contacter, si vous le souhaitez. Nous resterons ici pour enquêter.

Ils restèrent tendus quelques secondes puis, agacée, elle relâcha son emprise sur la jeune apothicaire et Hector la laissa partir. Elle s'avança dans l'obscurité de la grotte en ruminant, cherchant son escargophone dans sa poche. Après tout, si celui de Midorizo avait émis d'ici pour la dernière fois, le réseau devait bien s'y frayer un chemin. Lorsqu'elle fut suffisamment éloignée des trois jeunes soldats, seulement éclairée par la lumière de son flambeau qui faisait danser les ombres des stalactites sur les parois de pierre gelées, elle fit sonner son escargophone et attendit que son interlocuteur décroche. Après quelques secondes, il y eut un cliquetis sonore. Elle fit bien attention à ce que les trois élèves de l'amiral Kikkaku soient assez loin pour ne pas l'entendre et souffla :

- Votre majesté ? C'est moi. Nous avons retrouvé le corps de Midorizo.

Puis, la voix de son héros résonna depuis l'escargophone. Elle entendait qu'il était pressé et contrarié. Elle savait la mâchoire du Dragon Noir crispée. Mais la priorité était de prévenir son maître de sa découverte, avant même de prévenir l'amiral qu'elle accompagnait en mission.

- Dis-moi tout, May.

...

Tandis que Hector s'aventurait dans les profondeurs de la grotte, à l'opposé de la voie empruntée par la vice-amirale pour s'isoler, Charlie garda la main posée sur l'épaule tremblante de sa camarade. Leur relation n'était pas toujours apaisée, elle l'agaçait parfois. Souvent, même. Cette jeune fille sauvage, habituée à vivre à la dure, était loin de ses nobles habitudes de vie. Lui qui était né avec une cuillère dorée dans la bouche, dans l'une des plus nobles familles de North Blue, ne savait presque rien de la mort. Il avait été entraîné à se battre par le maître d'armes de son père, non pour survivre. Pourtant, c'était le même élan de Justice et de passion qui les avait menés vers la Marine. Pour cela, mais aussi pour les connaissances qu'elle avait et pour ses talents l'arme à la main, il avait pour elle le plus grand des respects, et ce malgré son mauvais caractère. A vrai dire, il était même troublé par cette jeune femme, dont la beauté sauvage était toujours dissimulée derrière une épaisse couche de capes et de vêtements traditionnels, mais aussi sous son large chapeau en forme de champignon. A la sentir tremblante sous sa paume, il était fébrile, presque assez pour ne pas entendre les appels de Hector. Ceux-ci lui semblèrent d'abord lointain, comme des échos, mais en comprenant que la voix de son camarade était troublée par une peur chez lui inhabituelle, il releva les yeux et le chercha du regard dans l'obscurité. Il était là, haletant, sa torche à la main. Devant l'immensité d'une nouvelle cave obscure, il semblait sur le point d'être aspiré par les ténèbres, d'être dévoré par celles-ci.

MARINES - A ONE PIECE story (FRENCH) - Partie IOù les histoires vivent. Découvrez maintenant