CHAPITRE CXLVIII - MONSTRE

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Le chaos.

Tout ce qu'Arthur avait construit jusqu'alors était en complète opposition avec cette notion. Tout comme le fourreau de cuir qui protégeait la lame dorée de son Excalibur, il s'était acharné à créer un cadre solide autour de sa vie. Son apprentissage, ses valeurs, sa famille... Tant de choses qui dessinaient la voie qu'il devait suivre pour atteindre son idéal. Mais ces piliers avaient un à un volé en éclats : Myr et Lola avaient été tués, ce qu'il croyait de la Marine s'était effondré, celui qu'il pensait être son modèle s'était révélé ennemi mortel. Tout cela par la faute d'Edouard. Ils n'étaient peut-être pas alliés directs mais, comme Arlequin, il représentait le chaos.

Alors, Arthur se rendit compte que sa main tremblait sur le manche de son épée, comme face à Edouard lui-même. Le gigantesque clown qui lui faisait face le terrifiait mais, alors, plus que de la terreur, c'était de la haine qu'il lui inspirait.

Avant même de s'en rendre compte, il avait frappé de sa lame cette créature des ombres, dans une attaque aussi vive que mortelle : filant comme un éclair doré, il avait touché de la lame d'Excalibur la poitrine de son adversaire. Mais celle-ci, noire et rigide comme l'écorce d'un vieil arbre, était aussi solide que le plus dur des aciers. Au lieu d'un cri de douleur, c'est un gloussement qui s'échappa de la bouche du clown, barbouillée de rouge.

- C'est tout ? Tu peux faire mieux que cela, tu me l'as déjà montré.

Arthur, comme sortit de sa transe furieuse, voulut battre en retraite. Mais c'était sans compter sur la vivacité de son ennemi.

- Gabbia toraspada !

De son gigantesque torse, des appendices osseux sortirent, déchirant sa peau et son justaucorps pour se refermer sur sa proie.

- Incision !

Arthur aussi était vif. Cela ne surprenait pas son adversaire. Le fluide de celui-ci était si entraîné qu'il pouvait lire ses mouvements avant même que ceux-ci soient pensés.

- Ditocolo !

Les longs doigts osseux du clowns, semblables aux pattes d'une araignée, s'animèrent et se mirent à danser. Leur chair, prise de spasmes, gonfla et se projeta vers le chevalier d'or comme des tentacules dépourvus d'os. Frappé d'horreur par l'aspect de ces appendices caoutchouteux, Arthur chercha à les esquiver avec le Pas de lune mais Arlequin lui barra la route. En un éclair, les tentacules livides saisirent le jeune homme par les jambes et, à la manière d'un fouet habile, l'attirèrent vers le monstre. Celui-ci ramena à lui son autre bras et cria :

- Braccio spada !

Aussitôt, de longues lames osseuses transpercèrent son avant-bras, projetant des filets de sang noir et visqueux sur le sol pavé, et il frappa de plein fouet son adversaire. Balayé par cette lame brachiale, Arthur hurla de douleur alors que ses propres os semblaient se briser et il s'écrasa contre le sol. Excalibur manqua de lui échapper de nouveau mais, alors qu'il gémissait de peine et serrait les dents, il fit tous les efforts du monde pour la garder dans sa main.

- Quel courage, mon enfant. Tu es bien digne de détruire l'ordre de ce monde. Tu es bien celui que je recherchais. Tout mon stratagème pour t'attirer dans ma toile n'était donc pas vain.

Il s'approcha à quatre pattes, comme un gigantesque singe. Il surplombait maintenant Arthur de son imposante carrure. En sentant son odeur putride, en voyant son horrible aspect, le garçon ne put s'empêcher de détourner le regard.

- Tu as peur ? La peur a bien des visages, Arthur. Au fil des siècles, les légendes qui terrifiaient les enfants ont évolué. Les monstres ont eu de nombreux aspects. Mais une autre légende raconte que tous ces monstres étaient moi et que j'étais eux. Car je suis la peur, Arthur. Il me suffit de le désirer pour changer de visage et devenir un monstre nouveau.

MARINES - A ONE PIECE story (FRENCH) - Partie IOù les histoires vivent. Découvrez maintenant